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L’avenir de la restauration en 5 questions
Vous vous ennuyez d’une soirée romantique au resto? Est-ce que l’odeur et l’ambiance d’un bar bien rempli vous manquent? Nous aussi.
Le mystère plane sur l’avenir des restaurants et des bars au Québec. Ils ont, eux aussi, passé une bonne partie des douze derniers mois confinés. Et malgré le fait que ce soit très le fun des plats à emporter, il manque toujours l’âme et l’atmosphère irremplaçable d’une salle comble.
Si le nom de Zébulon Perron ne vous dit rien, vous avez peut-être déjà eu la chance de manger dans un des restaurants montréalais qu’il a conçus. Que ce soit au Philémon, au Montréal Plaza ou au somptueux nouveau venu Marcus, situé dans l’hôtel Four Seasons, le contact humain est au cœur des créations de Zébulon Perron. Le designer chouchou des restaurateurs de la ville est bien connu pour son style de décor éclectique, où la magie de l’expérience est autant dans votre assiette que dans l’environnement qui vous entoure. S’il y a quelqu’un dans l’industrie qui est bien placé pour nous dire à quoi ressemblera l’Après, c’est lui!
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On pourrait s’imaginer qu’il voit la nouvelle réalité d’une drôle de façon. Pourtant, il demeure optimiste lorsqu’il est question de l’avenir des restaurants. Voici, en cinq questions, comment Zébulon Perron entrevoit le futur de la restauration.
Quatre95 : Tu es connu pour la convivialité, voire la commensalité de tes établissements. Est-ce que la crise sanitaire va changer cette approche pour toi?
Zébulon Perron : En ce moment, le mindset général semble être que tout ce que l’on fait est temporaire. Je pense qu’on peut raisonnablement penser que la campagne de vaccination va continuer et que d’ici un an, on pourrait retourner à un semblant de normal dans les restos.
Il y a beaucoup de gens ici qui se sont retournés de bord avec des degrés de succès variés. Par exemple le Vin Mon Lapin, qu’on vient de rénover. Vanya et Marco ont transformé le concept pour faire du poulet frit pour emporter, et ç’a bien fonctionné. Mais il ne faut pas oublier qu’ils ne sont pas rentrés dans l’industrie pour faire du take-out, ils veulent faire vivre une expérience aux gens, et les enchanter avec la bouffe, le vin, le décor. Comme eux, le core de notre entreprise c’est de rapprocher les gens. La situation en ce moment n’est pas idéale pour ça, donc on est beaucoup en attente d’une solution.
Perso, j’anticipe un énorme engouement, quand les gens pourront retourner prendre un verre et manger au resto.
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Crois-tu que les établissements de haute gastronomie, où l’expérience de chaque table doit être unique, redeviendront le modèle principal?
Non, pas du tout! Je crois même que ç’a été plus difficile pour eux de se retourner de bord, parce que l’expérience qu’ils tentent d’offrir ne se traduit pas dans un cadre personnel. Il y en a qui ont réussi, comme le Montréal Plaza, qui a trouvé un moyen d’offrir un menu à emporter. Mais si on pense par exemple à un Toqué!, ou à l’Europea, ça a été très difficile pour eux de trouver un moyen de se reconvertir. La précision de l’assiette, avec les présentations travaillées et la vingtaine de commis qui ont pu la rendre possible, ça ne se fait pas pour emporter.
Manger devant Netflix seul chez soi, c’est le fun, mais c’est pas aussi chic et réjouissant.
Je parlais avec Dave et Fred du Joe Beef récemment, et on se disait que le défi de la nourriture à emporter, c’est celui de la frite. Quand les frites arrivent chez vous, elles sont soit chaudes et molles, ou croustillantes et froides! Si tu veux te lancer dans cette industrie, t’as des choix à faire, parce que tu ne pourras jamais redonner la même expérience qu’au resto.
Sortir manger, c’est comme aller voir un spectacle : tu veux être dans la salle, avec la musique, l’odeur, l’ambiance. Manger devant Netflix seul chez soi, c’est le fun, mais c’est pas aussi chic et réjouissant.
Depuis le début des années 2000, la cuisine, en tant qu’espace, fait de plus en plus partie de l’expérience du client. C’est là pour rester, d’après toi?
Je ne vois pas de changement fondamental dans la façon de concevoir des salles à manger et des restos. À moins que ce que l’on vit en ce moment s’avère être un problème avec lequel il faudra composer plus souvent. Il y a des gens qui disent qu’on aura de plus en plus de pandémies, à cause de la dégradation de la biosphère et des milieux naturels, car ça entraîne la propagation de ces virus et pathogènes-là. Mais si c’est le cas, toute notre réalité est à remettre en question, pas juste l’industrie de la restauration.
J’espère plutôt qu’on vit un épisode, comme celui d’il y a cent ans, et qu’on pourra retourner à un semblant de normalité à court ou moyen terme. Donc s’il y a un changement, ça sera peut-être plus qu’il faudra penser à faire des espaces qui ont la flexibilité de s’adapter.
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Et si le client te demandait de concevoir un espace « covid-proof »?
Maintenant qu’on a vécu cette expérience-là, on sait un peu ce qu’on doit faire. Et la solution la plus simple c’est vraiment de retirer des tables et mettre des séparations entre les clients. Le défi, c’est de le faire d’une manière élégante.
Les gens sont plus dans un mindset où on attend le retour d’un semblant de normalité, et on verra ce qui se passe après.
Dans ma conception des choses, plus ça a l’air intégré à l’architecture du restaurant, par exemple un muret avec un cadre, plus ça semblera naturel pour le client. On pourrait faire un resto avec des parois de verre, qui permettraient aux clients de se voir. C’est certain que ça serait un concept très intéressant. Mais personne ne veut investir là-dedans pour l’instant. Les gens sont plus dans un mindset où on attend le retour d’un semblant de normalité, et on verra ce qui se passe après.
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Et pour terminer, de quoi auront l’air les restos, quand ils rouvriront?
J’ai bâti toute ma business sur « rapprocher les gens ». J’ai une croyance profonde que le besoin humain d’être ensemble, en public, avec des gens qu’on ne connaît pas nécessairement, c’est un besoin fondamental. On est des animaux sociaux, qui ont besoin de l’Autre, de rassemblements, pour exister en société. Les restos et les bars, dans notre culture, c’est important. Il n’y a pas beaucoup d’autres occasions de socialiser de manière aussi ouverte. Ça remplit une vraie fonction importante pour les gens, et cette culture-là ne semble pas être partie. Je vois pas comment on va faire s’il faut qu’on demeure dans cette situation-là, car on doit se retrouver autrement que sur Zoom.