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Vous voulez que ça fitte. Vous commandez en ligne le même modèle en trois tailles différentes. Vous conservez un morceau et retournez le reste. En plus, la compagnie offre les retours gratuits. Cette pratique appelée bracket shopping cause des pertes économiques aux entreprises et, vous vous en doutez, occasionne des coûts environnementaux.
Les centres d’achats me rebutent. Temps perdu. Des étrangers dans ma bulle. Leurs odeurs (parfum cheap, clopes, aisselles suintantes, couches sales, mauvaise haleine…). La chaleur. Être debout. Les vendeurs fatigants. La file interminable pour les cabines d’essayage. Magasiner en ligne évite ces inconforts.
Je ne ferai pas la morale à quiconque, car j’ai longtemps été adepte du bracket shopping. Je commandais plusieurs tailles de jeans pour trouver celle qui me convenait. J’ai les hanches fortes, mais de petites cuisses et fesses. À cause de ma physionomie, un ourlet sur l’entrejambe se forme sur certains modèles, dès que je bouge. Je devais cocher la raison sur le formulaire de renvoi : Trop petit; Trop grand; Changement d’idée; Style; Défectuosité; Fausse représentation; Autre. Il n’y avait pas de case pour « Me donne l’impression de posséder un pénis », alors je sélectionnais « Autre ».
Il n’y avait pas de case pour « Me donne l’impression de posséder un pénis », alors je sélectionnais « Autre ».
Aux États-Unis, on estime que 40% des vêtements achetés en ligne sont retournés. De ce nombre, seulement 10% le sont pour défectuosité ou fausse représentation.
La véritable facture des retours gratuits
Mickael Brard, conseiller en mobilité et chef de projets chez Jalon MTL, une entreprise spécialisée en mobilité durable et intelligente, estime que le « bracket shopping est une catastrophe tant pour les livraisons que pour les expéditions ». Il poursuit : « Le consommateur ne se rend pas compte du coût et des impacts de sa manière de consommer. »
Un rapport démontre que les retours gratuits incitent 54 % des Américains à magasiner davantage en ligne. Et 89 % des Américains qui ont acheté en ligne ont retourné au moins un article au cours des trois dernières années.
« Ça entraîne des problèmes de congestion, de stationnement [en raison de l’étroitesse des rues en ville] et de cohabitation avec les piétons. »
Retourner de la marchandise, c’est une livraison de plus. Ça engendre des gaz à effet de serre, de la pollution atmosphérique ainsi que des problématiques d’urbanisme. Mickael Brard soulève que, pour combler cette demande, des camions sont ajoutés sur la route. « Ça entraîne des problèmes de congestion, de stationnement [en raison de l’étroitesse des rues en ville] et de cohabitation avec les piétons », dit-il.
Les compagnies qui offrent les retours gratuits prennent en charge les frais d’expédition, mais doivent par la suite écouler cette marchandise. Parfois elle est remise en vente, mais d’autres fois elle est entreposée jusqu’à ce qu’elle soit revendue à perte. Les inventaires non écoulés seront recyclés, offerts à des organismes de charité, expédiés vers des pays en développement ou envoyés directement au dépotoir (trop souvent).
Ces politiques pousseront-elles le consommateur à changer ses comportements?
Mais le modèle d’affaires des retours gratuits est en train de changer pour plusieurs entreprises. En 2018, en raison des pertes financières occasionnées par les retours, Amazon a commencé à bannir des utilisateurs qui abusaient de sa politique. H&M Canada impose pour sa part des frais d’expédition de 4,99$ pour la marchandise retournée (sauf en cas de marchandise défectueuse). Ces politiques pousseront-elles le consommateur à changer ses comportements?
Au-delà des retours payants, il existe tout de même des pistes de solutions pour rendre les retours moins nocifs (pour l’environnement et pour le portefeuille) et des façons de faire en sorte qu’on achète ce qui nous convient en ligne sans l’essayer plutôt que d’avoir à acheter trois versions d’un même produit et d’en retourner deux (ou parfois trois!).
Responsabilités des entreprises responsabilité des consommateurs
J’ai discuté avec Elodie Briant, présidente de l’Association québécoise Zéro Déchet (AQZD) à propos des déchets et retours évitables. Selon elle, « les entreprises ont comme responsabilité d’offrir des emballages récupérables et non nocifs pour l’environnement ». Et si on doit absolument retourner un article, l’idéal serait d’utiliser le même emballage, pour ne pas générer des déchets supplémentaires.
Elle ajoute que les commerçants devraient afficher « plusieurs photos d’un vêtement sur le site internet et indiquer toutes ses mensurations ». Et que le consommateur devrait au préalable « effectuer des recherches sur les produits ». Certaines compagnies demandent même à ceux qui ont acheté des articles de mentionner dans leurs commentaires si la taille de l’article était conforme à leurs attentes.
Certaines boutiques en ligne proposent d’ailleurs un outil « trouver ma taille ». Vous entrez ces paramètres : poids, grandeur, silhouette et effet désiré (ajusté, parfait ou ample) et les résultats vous suggèrent une taille. Mais pour l’avoir testé, j’admets que ce n’est pas toujours efficace. On retrouve tout de même les mensurations exactes sur la plupart des sites.
Vous voulez que ça fitte. Au besoin, faites un détour chez Dollarama, achetez un ruban à mesurer et calculez vos proportions (pour les complexes, on repassera). Si j’avais pris la peine, j’aurais pu sélectionner la taille de jeans qui n’allait pas créer cette « bosse masculine ». Et éviter potentiellement deux retours de marchandises!