LogoSponsor

La sentez-vous, la frénésie du ski?

Les détaillants et les montagnes eux, oui... et pas mal en plus.

Par
Raphaëlle Drouin
Publicité

Récemment, à peu près 4 958 530 de mes amis Instagram ont partagé un concours pour gagner une toute nouvelle paire de skis.

Même mon frère, qui a dû dévaler les pentes enneigées un gros total de deux fois dans sa vie, a tenté sa chance. «Qu’est-ce que tu veux que je fasse d’autre cet hiver?, me répond-il quand je lui demande pourquoi il s’invente une vie. Au moins, je vais voir mes chums sur les pistes.»

Même son de cloche chez un de mes collègues qui a vidé une (grosse) partie de son portefeuille la fin de semaine dernière pour s’acheter un tout nouveau kit de ski: «ben oui, c’est sûr. Cet hiver, tout le monde va faire du ski.»

C’est un fait: que l’on soit en zone jaune, orange ou rouge, il y aura du ski.

S’équiper… et vite!

«L’engouement? On ne le sent pas, on le vit. C’est une année record, par-dessus une année record… et de très loin», me dit d’entrée de jeu Daniel L’Écuyer propriétaire des magasins Oberson, spécialisés en équipement de ski et de planche à neige.

Publicité

En trente ans de carrière, il n’a jamais vu ses produits partir aussi tôt et aussi rapidement. «Chaque année, vers le début septembre, les gens commencent à s’équiper pour le ski. Mais c’est la première année que je vois ça s’en venir, on va manquer de stock.»

«Nos ventes en ligne sont plus que le double et en magasin c’est plus de 40%.»

Il prévoit une pénurie, notamment de skis de fond, ou plus précisément d’équipement de ski de randonnée. «Des skis de touring, d’ici Noël on en aura plus», avertit Daniel L’Écuyer.

«J’ai voulu racheter des skis de fond il y a un mois et mes quatre fournisseurs n’avaient plus rien à donner pour le Canada pour le reste de l’année. J’ai réussi à en trouver en Europe. 400 paires seulement, de quatre fournisseurs différents.»

Samedi tous les jours

Le propriétaire d’Oberson prévoit dépasser largement son chiffre d’affaires de l’année dernière avec la vente d’équipement. «Nos ventes en ligne sont plus que le double et en magasin c’est 40% de plus.»

Publicité

Et travailler dans un magasin de sport… c’est du sport. En temps normal, les journées de semaine sont plutôt calmes, mais cette année, c’est samedi tous les jours.

«On vend des articles de sport donc nos employés sont en forme, mais on le voit à la fin de la journée, tout le monde est épuisé. On ne peut plus prendre le temps de rien. C’est go, on roule!», précise Daniel qui a même développé une application pour permettre aux clients d’attendre au chaud dans leur voiture au lieu de faire la file devant le magasin.

Et sur les pistes?

La frénésie des sports de glisse se fait aussi ressentir, évidemment, en montagne où, là aussi, l’offre peine à s’ajuster à la demande. Mais pas pour les mêmes raisons.

«On a déjà atteint nos volumes équivalents à l’année passée pour la saison totale. On est largement en avance sur nos ventes de passes.»

Publicité

«Il y a des mesures sanitaires à respecter», explique Marc-André Meunier, directeur marketing et communications à Bromont. Si les stations de ski peuvent opérer même en zone rouge, elles doivent respecter le deux mètres de distance en tout temps, même sur les pistes. À Bromont, on a donc décidé de diminuer de 20% le volume d’abonnements pour cette année.

Avec l’engouement du public, la station a déjà dû mettre un frein à sa vente de passes de saison. «On a déjà atteint nos volumes équivalents à l’année passée pour la saison totale. On est largement en avance sur nos ventes de passes.»

Marc-André explique qu’ils ont décidé de faire preuve de prudence et d’y aller une étape à la fois pour ne pas se ramasser avec trop de gens sur les pistes et ne pas pouvoir respecter la distanciation.

Même tactique d’ailleurs du côté de Mont-Orford. «Comme c’est là, on ne pense pas avoir à limiter les abonnements, mais ce qu’on va faire c’est de limiter les billets à la journée. On suit ça de façon hebdomadaire et on va s’adapter», précise le directeur général de la corporation, Simon Blouin.

Publicité

Pas d’affaires en or à la montagne

En plus du nombre de passes et de billets limités, les stations de ski doivent aussi assumer d’autres pertes de revenus. En zone rouge par exemple, les cours de ski ne sont pas permis. La vente de nourriture à l’intérieur, non plus.

«Avec la billetterie, l’école de ski et la restauration c’est quand même des gros secteurs de revenus», insiste Simon Blouin, qui compte offrir une option nourriture de style take-out disponible à l’extérieur.

«C’est sûr qu’on va essuyer quand même des grosses pertes de revenus.»

À la station Bromont, on a reconverti des installations extérieures utilisées l’été au parc aquatique pour offrir aux clients une terrasse chauffée. Ce qui a quand même engendré des coûts supplémentaires, à ajouter à la liste déjà plutôt longue des dépenses «COVID», incluant plexiglas, masques et, surtout, employés supplémentaires.

Publicité

«On a des gens qui vont faire respecter les deux mètres, des gens dans le chalet pour s’assurer que tout est désinfecté, etc. On parle au moins 40% d’employés additionnels à certains endroits», précise pour sa part Mont-Orford.

«C’est sûr qu’on va essuyer quand même des grosses pertes de revenus. Mais au moins ça nous permet de garder nos employés, de maintenir un certain revenu et de ne pas mettre la clé sous la porte», se réjouit Simon, qui a une pensée pour les industries qui n’ont pas cette chance.

La revanche du ski de fond

Mais ce n’est pas qu’en montage que la folie du ski se fait ressentir. Les détaillants pourraient vous le dire, le ski de fond a lui aussi la cote.

«Là, il n’y a pas de neige, à la minute où il va y avoir un pouce de neige, les gens vont capoter.»

Publicité

Au Parc du Domaine Vert, on s’attend à recevoir pas mal de monde sur les pistes tapées. Environ 90% de ceux qui achètent des passes annuelles pour le site le font pour le ski de fond et on sent déjà que la demande risque d’exploser.

«On a des demandes et des questions depuis le mois d’août, chose qu’on n’a pas d’habitude», explique Mathieu Voyer, coordonnateur à l’animation du parc. «On fait à peu près entre 500 à 800 passes par année et là, ça fait sept jours qu’on a commencé et on est déjà rendus à 250. Et là, il n’y a pas de neige, mais à la minute où il va y avoir un pouce de neige, les gens vont capoter.»

Le sport parfait?

Mais qu’est-ce qui explique qu’on ait tous jeté notre dévolu sur le ski pour cet hiver? Bon, certaines raisons semblent évidentes.

D’abord, parce qu’à cause de madame COVID, il reste en ce moment très peu d’options d’activités à faire. «On est un des seuls secteurs qui peut opérer même en zone rouge, avance Marc-André de la station Bromont. La nature du sport aussi, ça aide. C’est un sport extérieur où la distanciation sociale est facile à respecter».

«Les gens veulent bouger. On a beau vivre avec notre petite bulle à la maison, mais les gens veulent faire quelque chose.»

Publicité

«Les gens veulent bouger, ajoute Daniel L’Écuyer d’Oberson. On a beau vivre avec notre petite bulle à la maison, mais les gens veulent faire quelque chose. Il y a un côté social dont on a tous besoin et le ski, c’est très familial. Quand le jeune joue au hockey, les parents sont dans les estrades, mais en ski tout le monde est ensemble.»

Mêmes échos chez les autres intervenants: le ski risque d’être pas mal vital cet hiver. «C’est une période difficile, autant physiquement que psychologiquement, dit Marc-André Meunier, de la station de ski Bromont. Ce qu’on a envie de dire aux gens, c’est venez à la montagne pour vous faire du bien!»