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La retraite à divers degrés d’anxiété

Trois jeunes dans la vingtaine nous disent comment ils envisagent leurs vieux jours.

Par
Sarah-Florence Benjamin
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Amateurs de sensations fortes, réjouissez-vous! J’ai pour vous un moyen simple et efficace d’avoir le vertige, et ce, dans le confort de votre 3 et demi où vous êtes confinés. Il suffit de faire un petit tour sur le site de la Régie des rentes du Québec et de jeter un coup d’œil à l’estimation des revenus auxquels vous aurez droit une fois votre retraite arrivée.

En bonne «milléniale avec pas de compte épargne», j’ai tenté l’expérience pour vous. Je suis bien heureuse de vous annoncer qu’à mes 65 ans, je pourrai vivre gras dur grâce à mes 44 beaux dollars par mois, gracieuseté de Retraite Québec!

Ce n’est pas un fait nouveau que les perspectives de retraite ne vont pas en s’améliorant pour les jeunes qui font leurs premiers pas sur le marché du travail. Disparition des fonds de pension offerts par les employeurs, emplois plus précaires, augmentation du coût de la vie, l’horizon n’était pas très ensoleillé avant qu’une pandémie mondiale vienne déstabiliser les économies du monde entier.

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Les jeunes ont-ils tous, comme moi, abandonné le rêve de la retraite pour se préparer activement à la chute éventuelle de la civilisation? Une discussion avec trois d’entre eux me prouve que, lorsqu’il est question d’argent, les avis divergent fortement.

VALÉRIE: ADULTE ENCORE EN FORMATION

Étudiante en enseignement à l’adaptation scolaire, 23 ans, phrase clé : «Je n’ai aucun plan.»

«À chaque fois qu’on en parle entre ami.e.s, j’ai l’impression de ne pas être une adulte fonctionnelle.»

Pour Valérie, la retraite est sujet d’angoisse. «À chaque fois qu’on en parle entre ami.e.s, j’ai l’impression de ne pas être une adulte fonctionnelle.» Bien qu’elle espère un jour pouvoir profiter de ses vieux jours sur une fermette, entourée de ses 10 poules, elle n’est pas certaine de pouvoir y arriver. «C’est sûr que je vais travailler dans un milieu où les gens continuent de travailler jusqu’à très tard dans leur vie, comme il y a beaucoup de demande et que les salaires sont peu élevés.»

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Comment épargner? Quel produit financier privilégier? Valérie avoue qu’elle a du mal à s’y retrouver. L’argent et la planification financière ne sont pas des sujets qui revenaient souvent lors des soupers en famille : «ç’a été très tabou jusqu’à ce que mes parents se séparent et doivent diviser leurs avoirs.» Cependant, elle souhaiterait être plus outillée face à ses finances personnelles: «J’aurais aimé ça qu’on en parle à l’école, je suis sûre que je ne suis pas la seule à ne pas savoir.»

JADE: FILLE DE FAMILLE UN BRIN PRÉYOVANTE

Artiste-tatoueuse, 21 ans, phrase clé: «Je n’ai pas envie d’attendre à la retraite pour profiter de la vie.»

En tant que travailleuse autonome, Jade n’aura droit à aucune pension d’employeur pour garnir son fond de retraite. Elle se considère tout de même optimiste face à son avenir: «En tant qu’artiste, je ne m’imagine pas arrêter de travailler un jour.»

«Quand j’ai vu toute la souffrance dans les CHSLD, ç’a été un wake-up call. Je me suis dit que je voulais m’organiser pour finir ma vie confortablement et bien entourée.»

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La crise de la COVID-19, et ses répercussions sur la condition des personnes âgées, a été pour Jade, comme pour beaucoup d’autres, une remise en question de ses priorités. «Quand j’ai vu toute la souffrance dans les CHSLD, ç’a été un wake-up call. Je me suis dit que je voulais m’organiser pour finir ma vie confortablement et bien entourée.» Provenant d’une famille nombreuse, elle considère la retraite comme l’occasion de passer plus de temps avec ses proches et de «vivre plus lentement.»

C’est en discutant avec son chum que Jade a pris la décision de mettre de l’argent de côté. «Ce n’est pas un sujet dont je parle avec des ami.e.s, avoue-t-elle, j’aurais peur d’avoir l’air plate.»

JÉRÔME: ÉPARGNANT AVERTI

Ingénieur, 27 ans, phrase clé: «Dans mon budget, l’épargne passe en priorité.»

Jérôme a beaucoup pensé à sa retraite, comme il habite avec de jeunes retraités: ses parents! «Comme beaucoup d’autres, j’ai perdu mon emploi à cause de la COVID. Ça ne m’a pas empêché de mettre beaucoup d’argent de côté, comme j’ai si peu de dépenses.» Le jeune ingénieur consacre près de 50% de son revenu à l’épargne.

«La seule façon d’avoir un revenu équivalent, c’est de mettre de l’argent de côté, et tôt.»

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C’est en se comparant à ses parents, tous deux d’anciens professeurs à l’université, qu’il a développé cette philosophie financière: «Je sais que je n’aurai jamais ça, un fonds de retraite de l’employeur à cotisation déterminée. La seule façon d’avoir un revenu équivalent, c’est de mettre de l’argent de côté, et tôt.»

Pour Jérôme, la gestion de ses finances est aussi une question d’éducation. «Ma mère était présidente de caisse populaire, on a toujours parlé d’argent.» Il a d’ailleurs fait très tôt appel aux services du conseiller financier familial. S’il peut parler aisément de ses plans de retraite avec sa famille, ce n’est pas aussi facile avec les gens de son âge. «Ça me met souvent mal à l’aise, parce que c’est un sujet très sensible. C’est lié à des choix personnels et des valeurs très ancrées dans mon identité. Souvent, les gens sont sur la défensive quand il est question d’argent.»

Cet infime tour d’horizon nous montre une fois de plus que les «jeunes» ne sont pas une entité monolithique. En plus de devoir se projeter dans un espace-temps lointain qui demeure bien flou, personne n’envisage la retraite de la même façon. Chose certaine, tout le monde aura des défis semblables à surmonter. Comment ils décideront de les attaquer, c’est une question de capital économique, mais aussi de connaissances économiques.

L’argent, parlons-en de n’importe quelle façon, mais parlons-en.

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