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La récession, vue par un étudiant en finances

« Une récession, en soi, ce n’est pas toujours une mauvaise chose. »

Par
Billy Eff
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C’est le buzzword de la saison, tout le monde s’y prépare comme pour une hécatombe. Et, si tous recommandent de faire preuve de prudencet avec son argent ces temps-ci, il y a tout de même des gens qui doutent de son arrivée : la récession, c’est très contentieux comme sujet.

Lorsqu’on n’est pas expert.e dans un sujet, on peut s’y intéresser et tenter de le comprendre de l’extérieur. Il y a une quinzaine d’années, quand la récession est survenue, je faisais mon entrée sur le marché du travail. Je n’avais aucune idée de ce que ça voulait dire, et il y a encore des fois aujourd’hui où je ne suis pas tout à fait certain de comment ça fonctionne.

Je me demandais donc comment un.e jeune qui n’a pas connu la récession de 2008, mais qui, en revanche, a étudié en finances et économie, voit la récession.

On en a trouvé un particulièrement brillant : malgré son jeune âge, Marc T. Dikranian poursuit en ce moment son CFA (Chartered Financial Analyst) niveau 2, et compte sur son CV des passages dans des sociétés financières privées et des firmes de fonds spéculatifs. Il donne aussi des ateliers de littératie financière.

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On s’est donc entretenu avec lui pour lui demander quelle est sa vision des récessions, et des conseils pour les traverser!

Marc, qu’est-ce qui pousse un jeune comme toi à s’intéresser au milieu des finances en 2022?

J’ai toujours eu un intérêt pour le monde des affaires. Je suis un gars qui adore les mathématiques, j’aime l’idée de la bourse, alors je voulais comprendre comment l’économie fonctionne.

J’ai donc commencé mon parcours dans le monde des affaires, mais j’ai réalisé que l’économie était plus théorique que les affaires. J’ai donc dû faire un choix entre comptabilité et finances, et la finance l’a emporté parce qu’elle aide à comprendre ce qui va arriver dans le futur. La comptabilité, ça regarde plutôt vers l’arrière.

Comment le concept de récession t’a-t-il été présenté par tes profs?

De manière générale, c’est quand on a trois ou quatre mois de croissance négative du PIB (produit intérieur brut), durant lesquels les taux de chômage vont augmenter. L’économie tourne donc au ralenti, les gens dépensent moins, et le gouvernement essaie de stimuler l’économie. C’est cyclique : ça arrive environ chaque cinq à sept ans.

« Ce n’est pas un événement hors du commun, une récession, ça arrive chaque décennie ou presque. Ça fait partie du cycle normal de notre modèle économique. »

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Fais-tu partie des gens qui croient fermement qu’une récession s’en vient, ou restes-tu plutôt conservateur de ce côté-là?

Je dirais que c’est difficile de donner une réponse ferme. La banque fédérale américaine n’a pas peur de déclencher une récession pour diminuer le taux d’inflation. C’est possible qu’une récession survienne dans les prochains six, douze mois. Moi j’y crois.

Mais ce que je remarque, c’est que dans le marché du travail, on voit exactement le contraire d’une récession. Le taux de chômage est bas, les gens travaillent, ont des salaires décents. En plus, les indicateurs « normaux » ne sont pas présents non plus. On est donc plutôt dans une période d’instabilité et d’insécurité. Donc quand la récession surviendra, elle sera différente de celles que l’on a vues dans le passé.

Comment penses-tu qu’elle va se manifester?

Ça, c’est la question à un million de dollars! (rires)

Je pense que l’inflation, à court terme, va faire en sorte que les gens vont moins dépenser, ou dépenser sur des choses différentes. On a vu le prix des maisons augmenter considérablement, peut-être que ces prix-là vont redescendre dans les prochains mois.

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Difficile de savoir si le taux de chômage va augmenter, parce que les entreprises sont en pleine forme, donc c’est difficile de s’imaginer que beaucoup de gens perdent leur emploi.

Si je pouvais l’expliquer en une phrase : ça ne sera pas une récession qu’on va ressentir très fortement. La pression se fera sur les marchés boursiers, avec des spéculateurs. Mais au quotidien, on ne devrait pas être trop affectés.

Dirais-tu que les récessions sont inévitables? Y a-t-il des mesures qu’on peut prendre pour les éradiquer?

Une récession, en soi, ce n’est pas toujours une mauvaise chose.

Par exemple, quand il y en a une qui survient, beaucoup de gens perdent leur emploi en même temps. Ça donne la chance à une nouvelle génération de prendre ces emplois-là, lorsqu’elle sort de l’école.

D’un autre côté, pour ce qui est des biens et services, si je veux m’acheter une maison dans les deux prochaines années, une récession, c’est parfait! Ça va faire en sorte que nous, en tant que jeunes, on peut rentrer dans le marché immobilier à un prix réduit. Pareil pour les actions en bourse : quand on commence notre carrière, et qu’on a un peu d’argent, une récession nous permet d’acheter des actions à rabais. Quoi de mieux qu’une récession pour aider la prochaine génération à fleurir, malgré les aspects négatifs qui viennent avec.

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Alors, qu’est-ce que tu conseillerais aux jeunes de ton âge pour se préparer à la prochaine récession?

Personnellement, je crois en dépenser le moins possible de son argent, comme ça quand une opportunité se présente, t’es capable d’en prendre avantage.

Donc mon premier conseil, c’est : dès que tu es capable d’épargner plus, fais-le. Si tu commences à investir tranquillement, que tu mets un petit montant en bourse dans les prochains mois, ça sera des prix réduits, comparé à d’habitude.

Mais on ne sait jamais si une récession va durer un an, deux ans, quatre ans. Alors si tu n’as pas tant de cash que ça, faut pas tout mettre dans la bourse en se disant qu’on va forcément avoir des profits. Puisque la récession est une incertitude, il faut prendre des risques avec lesquels on est confortables.

Sinon, l’éducation, c’est toujours payant! Il y a plein de nouvelles jobs qui vont être créées, il y aura un nouveau marché du travail. Donc si t’es pas capable de trouver un emploi dans un contexte de récession, l’éducation est une parfaite façon d’augmenter sa valeur aux yeux des employeurs. Comme ça, quand le marché du travail va rebondir, tu seras mieux équipé pour te démarquer.

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Qu’est-ce qu’on devrait garder en tête, si on veut traverser cette crise calmement?

Tu sais, je vois beaucoup de médias et de gens du milieu qui s’affolent. Ils en parlent comme si on s’en allait en guerre, que c’était la fin du monde qui arrivait. Ce n’est pas un événement hors du commun, une récession, ça arrive chaque décennie ou presque. Ça fait partie du cycle normal de notre modèle économique.

Puisque la récession est une incertitude, il faut prendre des risques avec lesquels on est confortables.

Il faut simplement rappeler aux gens que les dernières récessions, surtout celle de 2008-2009, ont été la source de certains des plus grands boom économiques de l’humanité. Donc je veux que les gens comprennent que ça ne sert à rien de paniquer ou de trop s’en faire. Ce n’est pas la première ou la dernière fois que ça arrive!

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