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La question à 100$: le prix de la santé mentale avec l’illustratrice Ana Roy
Namaste câlisse, ascendant anxieux, déni pleine conscience.
Ça vous dit quelque chose? C’est que vous avez probablement déjà croisé le swag self-love de l’illustratrice Anabel Roy! Difficile de pas avoir envie de se glisser dans un de ses pulls quand la déprime automnale se pointe le bout du nez.
Perso, je me retrouve dans les moments du quotidien qu’elle immortalise de son crayon. Les p’tits bonheurs, les p’tites peines. La nécessité de prendre un break pour jouer un peu. Mais aussi le struggle de garder la tête en dehors de l’eau jour après jour. Il y a quelque chose de fort à dire qu’être vulnérable, c’est correct.
J’ai pu lui parler au lendemain du lancement de Survivre à la grossesse et plus encore…, un bouquin dont elle signe les illustrations. Apparemment, la grossesse, c’est un sujet qui rend les gens de bonne humeur. « C’était juste du beau, avec plein de gens contents! », lance-t-elle, le sourire dans la voix.
Ana a accepté de prendre un moment pour jaser avec nous de deux tabous : l’argent et la santé mentale. Et de plein d’autres affaires!
D’abord, bravo pour le lancement du livre!
Merci! Ç’a été un super défi, j’ai beaucoup aimé! Et là, j’ai l’impression que ça me donne du courage pour mes autres projets personnels.
Ah ouais? Comment tu deales avec tes projets personnels en tant que travailleuse autonome?
Je deale pas toujours bien avec ça, haha! Ce livre-là, ça m’a pris beaucoup de temps. Je suis très perfectionniste. Tout mon temps et mon énergie y passaient! J’avais hâte d’être satisfaite moi-même. Je me suis un peu isolée chez moi à faire des dessins de madame enceinte, haha!
Tu dis que t’es quelqu’un de perfectionniste. Dans un milieu créatif, vois-tu ça comme une force?
Le perfectionnisme, souvent, ça veut dire qu’il y a une partie de toi qui veut que ça plaise à tout le monde. Mais j’ai pu envie de ça! C’est sûr que ce que je crée ne va pas plaire à tout le monde. Alors maintenant, j’essaie de faire quelque chose qui me plait à moi, avec lequel je vais être confortable. Et arrêter de ne pas dormir la nuit à force de me demander si les gens aiment mon art!
Et l’argent, est-ce que ça te stresse?
Ouaiiiiiis! Haha! Oui, et je me rends compte que c’est ancré en nous depuis des générations. On est Québécois francophones… moi mes grands-parents, ils n’avaient rien. Et on dirait que cette espèce d’insécurité financière là s’est transmise de génération en génération et je la ressens encore aujourd’hui.
Je me disais si c’est ni de la bouffe ni des soins de santé, je ne peux pas me le permettre.
Pendant un bout, je ne me payais pas de cours de yoga, je ne me payais pas d’équipement pour faire du vélo. Je me disais si c’est ni de la bouffe ni des soins de santé, je ne peux pas me le permettre. Mais finalement, c’est tellement important pour son bien-être et pour avoir un mode de vie sain! Je vais en prendre, des cours de yoga à 20$! Après, je me sens groundée pour le reste de la semaine!
C’est ça la vie : rester en mouvement. Donc l’argent aussi doit rester en mouvement!
As-tu quelques pro tips pour les autres travailleurs autonomes qui souhaitent rester en mouvement?
Ça prend peut-être un peu de naïveté, ou de confiance en la vie pour se dire : ça va se placer, ça va être correct. Y a un contrat qui va arriver au bon moment! Avant, on dirait que je subissais la vie et mes contrats.
Maintenant, je choisis le matin d’être de bonne humeur, pis de rire si je me pète l’orteil sur le coin du mur. Au pire, je vais le conter en arrivant à mon atelier et on va en rire ensemble. J’essaie de switcher vers ça et on dirait que ça fait que je m’entoure de gens positifs.
Et d’ailleurs, ça vaut la peine de payer un petit extra pour avoir un atelier et de pouvoir parler à des gens! Et pas à n’importe quels gens : c’est l’fun quand t’as l’impression d’être sur la même longueur d’onde que les gens que tu côtoies au quotidien.
Sur une de tes créations, on peut lire : « Grands enfants ». Est-ce qu’il y a un moment où t’as sentie que t’étais devenue… adulte?
L’autre fois j’ai appelé pour mes REER et mes CELI, et la madame m’a dit que les CELI c’était… comment on dit ça déjà? Exempt d’impôt? Mais bref, c’était comme une mélodie à mes oreilles. Je ne pensais pas pouvoir être aussi contente en entendant des mots comme impôt! C’est tu ça devenir adulte?
On dirait que je m’empêchais de le faire, parce que je pensais que j’allais devenir une adulte plate et que ma vie d’ado insouciante allait arrêter.
Là, j’ai commencé à être plus assidue sur mes sous, sur mes dépenses, CELI, REER, tout ça. On dirait que je m’empêchais de le faire, parce que je pensais que j’allais devenir une adulte plate et que ma vie d’ado insouciante allait arrêter.
Mais ce n’est pas ça. Comprendre ton stress financier et comment ça fonctionne, être un peu rassurée, ça fait en sorte qu’après, tu peux vraiment être bien et laisser aller ton côté enfant! Je pensais que c’était une condamnation, mais c’est plutôt l’inverse!
La question à 100$ : Tu parles beaucoup de santé mentale dans ton art. Trouves-tu que ça coûte cher, consulter? Tu gères ça comment?
Le stress financier et la psychothérapie, je trouve que c’est un drôle de mélange! Quand ça me coutait 100$ de la shot, je déballais tout mon sac, tadadada! J’étais en feu. Et on n’avait pas le temps de couvrir tout ce que j’avais envie de couvrir. Ou du moins c’était précipité. J’avais l’impression qu’il fallait que je sauve du temps pour sauver des sous!
Avant, je me disais : si je ne suis pas en crise, si je ne suis pas sur le bord de la dépression, je ne vais pas y aller pour économiser des sous.
Mais maintenant, j’ai trouvé un endroit où le prix est ajusté à mon revenu. J’ai l’impression de prendre plus mon temps, ça fait aussi en sorte que je vais aller à mon rendez-vous même quand je vais bien. Avant, je me disais : si je ne suis pas en crise, si je ne suis pas sur le bord de la dépression, je ne vais pas y aller pour économiser des sous.
Quand je m’assois et je dis : « Hey salut, je ne sais pas de quoi je vais te parler aujourd’hui », c’est finalement les rencontres que je trouve les plus enrichissantes et transformatrices, car je suis présente à 100% et je suis réceptive. Je ne suis pas toute mélangée à cause de mon anxiété.
On dirait qu’en parlant de santé mentale, j’ai envie de partager un projet qui me trotte dans la tête. Ça fait trois ou quatre ans que j’ai envie d’écrire et illustrer un roman graphique… Ça parlerait justement de ma quête d’aller mieux. D’essayer d’être bien sans son corps et dans sa tête!