LogoSponsor

La question à 100 $ avec Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques : de grosses dépenses en accessoires Supreme

Conjuguer emploi précaire et goûts de luxe.

Par
James Lynch
Publicité

Quand un prof dit à un étudiant qu’il ferait un bon milliardaire, on s’imagine que ce dernier va devenir le prochain Elon Musk ou un oligarque… Pas nécessairement! Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques est la preuve qu’il est possible d’avoir des goûts de milliardaire et un emploi précaire.

Après avoir visionné un épisode de son podcast Deux princes ayant pour thème l’argent, je me suis dit que je devais faire un Thomas Levac de moi-même et continuer la discussion.

La CAQ a récemment annoncé qu’elle offrira un crédit d’impôt aux citoyen.ne.s pour pallier la hausse du coût de la vie. Tous les adultes ayant un revenu annuel de 100 000 $ et moins, après déductions fiscales, auront droit à 500 $. T’en penses quoi, tu fais quoi avec ça?

Ma première réaction, c’est que c’est beaucoup d’argent, 500 $, et il y a vraiment des gens qui en ont besoin. Par contre, admettons que tu gagnes 95 000 $ par année… est-ce que 500 $, c’est vraiment ça qui va faire la différence? On aurait pu repenser la limite de 100 000 $, parce que rendu là, t’es correct. Je pense qu’il y a des gens qui font pas mal moins que 100 000 $ qui auraient besoin de plus que 500 $.

«Les gens qui ont vraiment besoin de 500 $, dans le fond, ils ont besoin de beaucoup plus que ça.»

Publicité

Si j’avais ce 500 $ à dépenser, vu que c’est de l’argent de l’État, je ne le dépenserais pas de n’importe quelle façon. Je paierais probablement mes taxes municipales, ou quelque chose pour redonner à la communauté. Je ne m’achèterais pas une montre ou des souliers, je garderais ça dans la circulation de la province. Les gens qui ont vraiment besoin de 500 $, dans le fond, ils ont besoin de beaucoup plus que ça. Il y a une part de moi qui se demande si on n’est pas en train de mettre un plaster sur une hémorragie interne…

En gros, 100 000 $, la barre est beaucoup trop haute!

Il y a aussi 257 millions $ pour la culture : j’espère que ton industrie va y toucher!

Ce que je sais, c’est que toutes les promesses faites pendant la pandémie en ce qui concerne l’aide aux artistes, ben je ne connais personne qui a reçu quoi que ce soit! Par contre, quand je vois des injections monétaires en culture, je suis toujours content vu qu’on a tendance à sous-estimer l’importance de celle-ci. Il ne faut pas oublier que c’est un levier économique assez important pour notre province.

Publicité

Je t’avoue aussi qu’il y a une partie de moi qui rêve de deux choses par rapport à la culture. Le statut d’artiste au Québec est à revoir. Par exemple, avoir un statut d’intermittent, un peu comme en France, un genre de filet de sécurité pour les artistes qui sont entre deux projets, ça permettrait la prise de plus de risques créatifs. Parce que quand t’as pas une cenne à dépenser, tu ne prends pas beaucoup de risques. De plus, on a une diffusion très « centre urbain » vers les centres régionaux et j’ai l’impression que d’avoir plus d’argent en région permettrait l’inverse.

L’argent en culture devrait permettre aux artistes québécois de pouvoir rester dans leur région sans avoir à déménager dans les grandes villes pour espérer vivre de leur art. J’espère vraiment qu’il va avoir de l’argent pour les artistes dans le 257 millions. Le but de la culture, pour moi, devrait être d’inciter à la réflexion à travers la contemplation et de créer une identité. Bref, deux choses qui se trouvent en prenant des risques.

Publicité

Tu disais dans ton podcast que tu te compares parfois aux gens au même « palier de carrière » que toi et à leur succès financier. Comment gères-tu l’anxiété de performance par rapport à tes collègues?

Je gère ça très mal, parce que tes revenus sont reliés à ta popularité, comme les ventes de billets, ce qui confirme ton succès en salle.

«L’argent peut t’enlever une esti de grosse dose de stress dans la vie, mais tu dois quand même prendre le temps de vivre.»

Pour moi, l’argent n’a pas vraiment un lien avec la qualité artistique… des fois oui, mais rarement. C’est souvent dans cette optique-là que ça me confronte. C’est très tentant de se décourager, de se dévaloriser et d’oublier que le chemin que j’ai choisi est le mien. Par contre, pour avoir été tenté, un moment donné dans ma vie, par un chemin plus glamour, je sais que ça m’a rendu malheureux.

Publicité

Pour moi, 2018 a été une année record au point de vue financier, mais j’étais profondément malheureux à ce moment-là et je me suis promis de ne jamais retourner là. Je pouvais travailler jusqu’à 100 heures par semaine. En plus de l’épuisement physique, je n’avais plus le temps de contempler et d’être inspiré. Le citron était pressé au maximum. Ensuite, tu te trouves pourri, donc tu travailles plus… C’est vraiment une spirale descendante.

Tout ça a été une grosse leçon dans ma vie. Aussi cliché que ça puisse paraître, j’ai compris que les revenus ne garantissent pas le bonheur. L’argent peut t’enlever une esti de grosse dose de stress dans la vie, mais tu dois quand même prendre le temps de vivre.

Comment concilies-tu tes goûts de luxe et ta job précaire?

En rationalisant mes envies et mes goûts. Si c’était juste de moi, j’aurais infiniment plus de vêtements et d’objets de collection, donc je fais très attention. Avant une dépense, je me demande si j’en ai besoin, et ensuite, ça fait combien de temps que j’en ai envie.

Publicité

Par exemple, il y a eu récemment une collab entre Burberry et Supreme. Ça faisait des années que je rêvais d’avoir un trench-coat Burberry. En l’achetant, je savais aussi que ce trench-là, je le porterais assez souvent pour rentrer dans mon argent. Quand quelque chose me coûte cher, je l’utilise souvent, comme mes sneakers de collection.

Si les contrats ne rentrent plus, c’est quoi le plan B?

J’ai eu deux débuts de carrière. En sortant du conservatoire, je me suis rapidement trouvé un poste de prof de théâtre au cégep avec un bon salaire et des avantages sociaux. Par contre, j’étais dans un genre de cul-de-sac, parce que finalement, je m’éloignais de Montréal, puis des projets artistiques.

«Je me suis mis dans une position où je n’avais pas le choix de réussir.»

Publicité

Ensuite, quand je suis sortie de l’école de l’humour, je me suis promis que pendant un an, je ne ferais rien d’autre que mon métier de comédien/humoriste. Je me suis mis dans une position où je n’avais pas le choix de réussir. Je n’ai jamais pensé à un plan B, mais plus à me diversifier. Je n’ai jamais renoncé à la carrière de comédien. C’est pour ça que j’ai commencé à écrire pour des magazines et que j’ai commencé à faire plein de choses comme un podcast, pour avoir plein de sources de revenus différentes, pour ne dépendre de personne.

La question à 100 $ : combien as-tu dépensé en accessoires Supreme?

Je ne suis pas certain, mais mettons que j’y pense bien… des milliers de dollars. Ouin, j’ai quand même : un vase, deux briquets, une cafetière, deux Thermos, une poêle, un couteau, un porte-clés, des Skittles, des vêtements, etc. (rires)

Mais bon, permets-moi de m’expliquer! J’aime Supreme depuis l’adolescence. L’identité de la marque représente une certaine ironie, même si celle-ci s’est un peu effritée à cause du hype. Je trouve que je suis vraiment dans leur ADN et ça me fait rire quand ils sortent un Sea-Doo et un motocross avec leur logo. Mon plus grand rêve serait qu’ils fassent de quoi de vraiment inutile, genre une bétonneuse taguée Supreme! J’espère vraiment qu’ils vont se rendre là, car ça ferait un pied de nez à ce que la marque est devenue.

Publicité

Je sais que j’ai dépensé trop d’argent, mais en même temps, la revente est tellement exponentielle. Mon trench-coat a pris trois fois sa valeur depuis sa sortie il y a seulement quelques semaines!