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La question à 100 $ avec l’humoriste Coco Belliveau : rembourser 80 000 $ de dettes étudiantes en étant artiste, ça se peut?
Coco Belliveau est humoriste, rappeuse, comédienne, chroniqueuse, artiste visuelle, improvisatrice… Bref, elle met son petit accent du Nouveau-Brunswick un peu partout. Vous l’avez peut-être vue dans La Maison Bleue, L’Heure est grave, les événements WordUP! Battles ou son one-woman-show Laide sur la grossophobie.
Quand la pandémie a frappé, Coco s’apprêtait à présenter un nouveau spectacle mêlant rap et humour. En attendant de savoir si Cococratie : La nouvelle ordre sociale va finir par pouvoir partir en tournée un jour, on a discuté avec l’humoriste des rapports tumultueux entre l’art et l’argent.
Dans ton spectacle Cococratie, tu dis décortiquer les rapports de pouvoir, notamment avec l’argent. Alors c’est quoi, ton rapport avec l’argent?
«Je vis bien de l’humour, mais j’ai tellement longtemps été pauvre que je suis encore dans ce mindset-là.»
Je suis pauvre!
Ben, je suis plus tant pauvre, mais j’ai été pauvre pendant longtemps. Je peux plus avoir de carte de crédit avec ma banque.
Au tout début de ma carrière, je passais tout le temps proche de pas pouvoir payer mon loyer, fait que je mettais toutes mes dépenses sur ma carte de crédit. Quand la banque m’appelait pour me demander quand j’allais faire un paiement, c’était vraiment l’enfer de ma vie. J’ai fini par les rembourser, mais ça a vraiment pris du temps.
Maintenant, je vis bien de l’humour, mais j’ai tellement longtemps été pauvre que je suis encore dans ce mindset-là.
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C’est pas juste un état d’esprit : dans la description de ton spectacle, tu dis que tu as 79 865 $ de dettes!
C’est toutes mes dettes d’études combinées : mon bac en théâtre à Moncton et l’École de l’humour. C’est beaucoup plus cher d’étudier en dehors du Québec. Tout le monde me dit que l’École de l’humour, c’est dispendieux, mais ça coûte à peu près la même chose qu’étudier à l’université dans toutes les autres provinces.
Quand les bars et les salles de spectacle sont fermés, comment occupes-tu tes journées?
Je joue beaucoup à la Switch. Ma psy dit que je suis dans la fuite de la réalité…
«Avec des lunettes, j’ai toujours l’impression d’être en dedans même quand je suis dehors, parce que j’ai des vitres en avant de mes yeux.»
En ce moment, j’habite chez mon copain, car mes colocs ont la COVID, mais dès que je vais rentrer chez nous, je vais finir d’enregistrer mon EP. C’est LE projet que j’ai jamais le temps de faire le reste de l’année parce que je mets la priorité sur les contrats payants. Peut-être que je vais faire de l’argent plus tard avec ça, mais pour l’instant, c’est pas le but. Le rap, c’est vraiment plus mon hobby.
Je te donne une prestation de COVID de 270 $ par semaine, mais tu dois passer 10 h en attente pour parler à un fonctionnaire canadien au téléphone. Le fais-tu?
Je l’ai fait! J’ai actually réussi à avoir la PCTCC cette semaine! On s’habitue, finalement, au petit piano fatigant qui griche sur le haut-parleur.
En tant que rappeuse, es-tu très bling dans l’âme?
J’ai voulu me payer un grillz à un moment donné en me disant que ça serait vraiment cool. Mais j’étais pas 100 % sûre où je me tenais sur l’appropriation culturelle avec ça, fait qu’à la place, j’ai acheté du vernis glitter-silver pour les dents. Je trouvais que c’était le genre de bling qui fittait plus avec mon identité.
Mais en plus, ça coûte comme 300 $, des grillz.
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C’est quoi, ta prochaine grosse dépense prévue?
Demain, je m’en vais me faire opérer les yeux au laser! Je pense que c’est un bon investissement. Je vois vraiment ça comme m’enlever un handicap.
Je vais ouvrir mes yeux le matin, je vais voir! Je vais voir dans la douche! Je vais plus avoir les lunettes embrouillées! Je vais pouvoir me coucher sur le bord de ma face quand je fais de la lecture. Je vais plus avoir peur de m’asseoir sur mes lunettes tout le temps.
«Une année, tu peux faire plus qu’un dentiste, pis une autre année, quasiment le salaire minimum.»
T’sais, moi, je vis ma vie derrière des petites fenêtres sales. Avec des lunettes, j’ai toujours l’impression d’être en dedans même quand je suis dehors, parce que j’ai des vitres en avant de mes yeux.
C’est quoi la pire gig que tu as faite pour de l’argent?
Il y en a beaucoup.
Mais il y a quelques années, il y a eu une campagne pour ouvrir une voie d’autoroute pour les autobus dans une certaine banlieue. Ils ont booké des shows d’une heure, à 8 h du matin, dans un bus, pour montrer que c’était long de se rendre à Montréal à cause du trafic. C’était bien payé, mais c’étaient les pires conditions. Personne n’était réveillé. Je faisais mon show dos à la route pis je me tenais sur un poteau pour pas tomber parce que ça brassait.
J’ai même pas eu le temps de dire ma dernière joke parce qu’on est arrivé à Montréal et le monde est descendu de l’autobus!
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Dans une Cococratie, pour quelle affaire ne serait-on plus jamais obligé de payer?
Le dentiste. Si t’as mal à la bouche, ça affecte tellement ta qualité de vie. Mais il y a ben des gens qui sont pas capables de le payer.
La question à 100 $ : ça se peut-tu, rembourser 79 865 $ de dettes étudiantes en étant artiste?
J’oserais croire que oui, parce que je vois des artistes s’acheter des autos neuves et des appartements après de gros contrats.
C’est l’une des jobs où la paie varie le plus. Tu peux être très pauvre ou tu peux faire vraiment beaucoup d’argent. Une année, tu peux faire plus qu’un dentiste, pis une autre année, quasiment le salaire minimum.
C’est dur à prévoir. Peut-être que dans quelques mois, je vais me retrouver sur une série télé et je vais être capable de faire des paiements à coups de chèques de 10 000 $ !