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La question à 100$ avec l’autrice Marie-Ève Thuot: écrire 10 heures par jour, ça se peut?!

Ou les propriétés magiques du mini-trampoline.

Par
Raphaëlle Drouin
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Le premier roman de Marie-Ève Thuot, La trajectoire des confettis, est sur pas mal de listes de lecture depuis sa sortie en 2019. En plus d’avoir remporté le prix des Rendez-vous du premier roman et celui des libraires dans la catégorie roman-nouvelles-récit, le livre s’est retrouvé dans les palmarès des meilleurs vendeurs.

Pas pire du tout pour une autrice, jusque-là inconnue, qui a pondu son premier manuscrit en seulement quatre mois à coup de 10 heures d’écriture par jour. Deux ans plus tard, La trajectoire des confettis voit le jour: un roman choral de plus de 600 pages qui valse à travers les époques pour faire éclater les normes sociales entourant le sexe, l’amour et la procréation.

On a attrapé au vol celle qui lui a donné naissance, Marie-Ève Thuot, alors qu’elle terminait une tournée de promotion en France, pour lui parler d’écriture, d’argent et (surtout) de mini-trampoline.

La trajectoire des confettis, a gagné plusieurs prix, il a même fait partie de la première sélection du prestigieux prix Médicis et c’est un des livres québécois les plus vendus en 2020. Est-ce que tu considères que c’est un succès?

2020 est la meilleure année de ma vie. La plus étrange aussi. J’ai l’impression de vivre dans un roman ou un film catastrophe comme j’en ai lus et vus des dizaines ces dernières années pour ma thèse de doctorat, mais aussi de vivre simultanément le happy end d’un roman feel good qui dépeindrait ma trentaine. J’aurais manqué d’imagination si j’avais voulu anticiper une telle histoire.

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Tu viens de terminer une tournée en France pour faire connaître ton livre, ça vaut la peine pour les auteurs québécois de faire de la promotion de l’autre côté de l’Atlantique?

Financièrement, je ne sais pas encore. Mais ç’a été gratifiant et inspirant de rencontrer enfin des lectrices, des lecteurs, d’autres écrivains et écrivaines, des libraires – ce que je n’ai pratiquement pas pu faire au Québec à cause de la pandémie.

Qu’est-ce qui paye le plus quand on est auteur?

Ce n’est que mon premier livre, donc ça m’est difficile de généraliser. Dans le cas de La trajectoire des confettis, je dirais les ventes et les prix.

Au contraire, qu’est-ce qui coûte le plus cher?

Le temps. J’ai travaillé à temps plein sur La trajectoire des confettis pendant deux ans et demi. J’étais consciente que c’était un luxe, pouvoir y consacrer mes journées. Je ne crois pas que j’aurais écrit ce livre si j’avais dû occuper un emploi en parallèle.

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C’est quoi LA dépense que devraient se payer tous les auteurs selon toi?

Des vacances, une année sabbatique. Pour paraphraser Virginia Woolf, du temps à soi.

Sinon le meilleur achat que j’ai fait un peu avant de commencer ce roman, c’est un mini-trampoline. J’avais lu quelque part que ça activait la lymphe et aidait la santé, j’étais intriguée, finalement ça active surtout mon esprit. Quand mes idées s’embrouillent ou stagnent, c’est super efficace. Ça rend euphorique aussi – c’est pour ça que les enfants peuvent sauter inlassablement sur des matelas, l’effet rebond est enivrant. Tout le monde se moque un peu de moi en voyant mon trampoline ou quand j’en parle (je peux en parler longtemps). Pourtant, beaucoup d’écrivains ont insisté sur l’importance de la marche pour la créativité (Nietzsche, Houellebecq, Murakami a écrit un livre sur la course, etc.). Le trampoline accomplit en 10-15 minutes ce que la marche fait en une heure ou deux.

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Bon, d’un autre côté, on raconte que Proust a écrit les 2500 pages d’À la recherche du temps perdu affalé dans son lit. Chacun son truc.

Est-ce que l’écriture est ton principal revenu?

En ce moment, oui, ça l’est. La question que je me pose n’est plus «est-ce que ça peut le devenir?», mais plutôt «est-ce que ça peut le rester?». Avoir du succès avec un livre n’est déjà pas évident, mais en avoir avec plusieurs et faire de l’écriture sa carrière principale, c’est une tout autre affaire. Un des défis est peut-être de résister aux opportunités plus rémunératrices que l’écriture, mais possiblement chronophages. Le sempiternel dilemme entre le temps et l’argent.

As-tu des trucs pour pouvoir écrire un roman sans avoir de soucis financiers?

Réponse banale, mais je dirais essayer de vivre simplement, minimiser ses dépenses. Quand j’ai écrit La trajectoire des confettis, j’habitais depuis dix ans dans une maison avec sept colocs, mon loyer n’était pas très élevé… Quand j’angoisse par rapport à l’argent, c’est-à-dire souvent, je me répète une phrase pigée je ne sais plus où, dans un livre de développement personnel peut-être: «Être heureux de son sort, voilà la plus grande des richesses». Mantra kitsch, mais qui m’aide. Sans oublier le trampoline, excellent aussi pour chasser l’angoisse.

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La question à 100$:quand tu écrivais La trajectoire des confettis, tu pouvais écrire pendant plus de 10 heures par jour. Pour ceux qui ne maîtrisent pas encore le télétravail, c’est quoi ton secret pour rester concentrée (et inspirée) aussi longtemps?

Faire ce qui me passionne. Je ne me reconnais pas dans la figure de l’artiste torturé, pour moi la création est de l’ordre du jeu. Écrire La trajectoire des confettis me passionnait et m’amusait, ça me procurait de la joie, de l’euphorie même, et en conséquence une énergie de travail quasi inépuisable. J’étais dans le «flow», pour reprendre le concept du psychologue Mihály Csíkszentmihályi. Ou peut-être que c’était grâce au trampoline? Enfin, je n’ai pas de mérite pour les 10 heures par jour, je n’avais simplement pas envie de faire autre chose que de travailler sur ce roman – si on peut appeler ça «travailler» (verbe qui étymologiquement découle du mot «torture»).

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