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La question à 100$ avec la réalisatrice Sophie Dupuis: est-ce que c’est payant faire des films?

Ah, le glamour de la vie de cinéaste... not.

Par
Raphaëlle Drouin
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Le deuxième long métrage de la réalisatrice Sophie Dupuis (à qui l’on doit l’excellent Chien de garde) devait sortir en salles le 9 octobre prochain. Mais avec la fermeture des cinémas, la sortie de son film Souterrain a été reportée, indéfiniment.

Certains chanceux pourront tout de même le voir en formule cinéparc dans le cadre du Festival du nouveau cinéma, mais les autres devront attendre.

Et tant qu’à attendre, on s’est dit qu’on pourrait aller prendre des nouvelles de la réalisatrice. Question de parler de cinéma, d’argent et du glamour de faire des films au Québec.

Souterrain devait sortir en salles dans les prochains jours, finalement ça a été repoussé à cause de la COVID-19, comment tu te sens par rapport à ça?

C’est sûr que sur le coup c’est très décevant parce qu’on avait tellement travaillé fort pour la promotion et pour attirer le public. Mais le fait qu’on soit en pandémie, disons que ça m’aide vraiment à relativiser. Je suis étonnamment zen et sereine avec tout ça. On va passer à travers ça et on verra après. C’est malheureux pour ma belle équipe qui a fait beaucoup de travail. Mais je vois qu’on est attendus et je pense que le public va être au rendez-vous quand ça va être le temps.

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Ton premier long métrage, Chien de garde, a vraiment été acclamé par la critique. Il a même été dans la course pour représenter le Canada aux Oscars. Comment est-ce qu’on entreprend un nouveau projet quand le dernier a si bien fonctionné?

C’est sur qu’on sent la pression. Pour mon premier film, j’avais l’impression que je jouais ma carrière, mais je me suis rendu compte que je la jouais beaucoup plus en faisant mon deuxième film. Il ne fallait pas que les gens aient l’impression que j’avais eu la chance du débutant avec Chien de garde. Il fallait que je prouve que j’avais encore des choses à dire qui étaient intéressantes. Donc j’étais encore plus nerveuse.

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On ne se la cachera pas, ça coûte cher faire un film, comment on convainc des gens ou des institutions d’investir dans notre projet?

Je pense que la manière d’attirer l’attention c’est d’avoir une vision unique en tant que cinéaste, de raconter des histoires d’une façon qui t’appartient à toi et de ne pas essayer de faire le cinéma de quelqu’un d’autre. On a peur des fois de ne pas être assez hot avec notre façon de filmer, nos images, notre histoire, mais finalement on se rend compte que c’est ça qui rend notre vision intéressante.

Qu’est-ce qui coûte le plus cher quand on fait un film?

Ça dépend de chaque film, mais ce qui prend beaucoup de place dans notre budget c’est les salaires. Après si tu regardes un film qui est tourné à l’extérieur de Montréal ça coûte une fortune parce qu’il faut emmener tout ce monde là, il faut les loger. Souterrain c’était cinq semaines à Val-d’Or. Après ça, il faut nourrir ces gens-là, il y a des camions pleins de matériels qui descendent en région, etc.

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Tu travailles sur Souterrain depuis 10 ans, mais tu as choisi de faire Chien de garde en premier, est-ce que c’était justement pour des raisons financières?

C’est sûr qu’à un moment donné, je me suis rendu compte qu’aller tourner en région dans des mines ça allait coûter cher, donc ce n’était peut-être pas une bonne idée de faire ce film-là en premier. Et côté réalisation c’était aussi beaucoup plus costaud. Pour plein de raisons, je suis contente de ne pas l’avoir fait en premier, même que ça n’aurait pas été possible pour moi et mes producteurs de financer un film comme Souterrain en tant que premier long métrage.

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C’est quoi le meilleur conseil financier qu’on t’a jamais donné?

Oh lala… Je ne suis vraiment pas bonne avec l’argent. Sauf que je n’ai pas de dettes. J’ai été chanceuse et très privilégiée que mes parents aient la possibilité et la volonté de m’aider à payer mes études, mais j’ai quand même travaillée pendant et j’ai réussi à me ramasser de l’argent. Même à ça, depuis que je suis sortie de l’école je paie ma carte de crédit tous les mois et ça m’enlève un gros stress.

En tant que travailleuse autonome, tu as dû quand même vivre des moments où ta situation financière était plutôt précaire?

Je savais assez vite que j’allais vivre dans une instabilité financière et j’ai décidé de garder un petit train de vie. J’ai voyagé avec mes films dans les festivals, mais en dehors de ça je n’ai pas beaucoup voyagé. J’ai fait aussi des films sans argent, j’ai vécu en colocation pendant longtemps, j’ai magasiné dans des friperies… Tout ça pour ne jamais être pris par la gorge et ne pas pouvoir mettre du temps dans mon cinéma. Ce sont des choix qui font qu’aujourd’hui je gagne ma vie juste à faire mes films. J’ai 34 ans et je me sens très chanceuse de ça.

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La question à 100$: est-ce que ça rapporte faire des films au Québec?

Non, ça ne rapporte pas. On ne reçoit pas d’argent une fois que le film est terminé. On a juste reçu notre salaire et c’est tout. Le diffuseur va faire de l’argent avec les billets de cinéma, mon distributeur va aussi faire un certain retour quelque part, mais nous, tout l’argent qui pourrait revenir vers nous va être envoyé aux institutions: SODEC, Téléfilm, tout ça, à qui on est supposé rembourser notre subvention. C’est un métier avec un salaire comme n’importe qui d’autre.

C’est pas mal moins glamour qu’on le pense…

Non et je ne comprends pas d’où cette idée-là vient. C’est beaucoup d’insécurité. Moi j’ai été très chanceuse parce que je me suis fait financer Chien de garde et Souterrain a été financé rapidement après, mais ce n’est pas toujours comme ça. Ce n’est pas payant, mais je ne ferais rien d’autre. C’est ma passion. Je n’ai pas trouvé un bonheur aussi grand que le bonheur que j’ai quand je suis en tournage. Ça va être dur à battre dans ma vie, je pense!

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