LogoSponsor

La question à 100 $ avec François Arnaud : c’est comment, jouer un fraudeur?

L'acteur nous parle aussi de sa première job et du meilleur conseil financier qu'il a reçu dans sa vie.

Par
Benoît Lelièvre
Publicité

Les choses vont bien pour François Arnaud. Après avoir enflammé les audiences dans le rôle du snoro machiavélique Cesare Borgia dans la série américaine The Borgias de 2011 à 2013, le comédien québécois n’a pas eu le temps de chômer pendant le reste de la décennie.

On l’a entre autres vu à l’œuvre dans des séries grand public comme Blindspot et The Moodys et des films de répertoire comme La Reine garçon et Origami. Sa polyvalence et son dévouement à son art font de lui un acteur extrêmement populaire auprès du public.

Depuis vendredi dernier, on peut également l’apprécier dans le rôle d’un snoro un peu moins le fun : le PDG de Norbourg Vincent Lacroix. Oui, oui! Ce même Vincent Lacroix qui a fait disparaître les économies de milliers de petits investisseurs en orchestrant un détournement de plus de 100 millions de dollars.

Publicité

Dans le cadre de la sortie du film Norbourg de Maxime Giroux, j’ai pu m’entretenir avec l’interprète d’un des bandits les plus détestés de l’histoire du Québec afin de parler de son rôle, de son rapport à l’argent, et surtout, pour lui poser la question à 100 $.

Un aspect qui m’a beaucoup plu du film, c’est que bien que tu ne ressembles pas physiquement au personnage principal, tu as vraiment réussi à capter son essence. Qu’est-ce qui t’as séduit dans l’idée d’incarner Vincent Lacroix?

Le défi de jouer quelqu’un qui existe, dont on a une image ou une idée. C’est quelqu’un qui ne me ressemble pas trop, physiquement ou moralement. On voulait pas faire un show de prothèses. De toute façon, on n’avait pas le budget pour ça. C’était donc pour moi l’occasion de repousser mes limites et de changer mon essence. C’est la partie de ma job que j’aime vraiment.

« J’ai trouvé qu’il ressemblait beaucoup à Jean Charest en entrevue. Dans sa manière de parler et de détourner les questions. »

Publicité

Tu dis que je ne lui ressemble pas, mais il faut comprendre que le Vincent Lacroix qu’on voit dans Norbourg n’est pas le Vincent Lacroix qu’on a connu dans les médias à l’époque. Ce n’était pas le Vincent plus vieux, à la mine abattue, poursuivi par les caméras. Le film porte beaucoup plus sur ses crimes et son ascension problématique que sur sa chute.

J’avais donc une liberté d’interprétation un peu plus grande. J’ai quand même fait mes recherches. J’ai regardé le plus d’images et de vidéos possible de lui. C’est un gars de Sherbrooke. Il a un accent un peu particulier. J’ai trouvé qu’il ressemblait beaucoup à Jean Charest en entrevue. Dans sa manière de parler et de détourner les questions. Je me suis aussi beaucoup familiarisé avec l’histoire, parce que je ne m’y connaissais pas plus qu’un autre au sujet du scandale Norbourg. Bref, c’était un défi comme je les aime.

Avais-tu peur de jouer quelqu’un d’aussi détesté? Que ça nuise à ta carrière?

Non, je ne réfléchis pas à ma carrière dans ces termes-là. J’y vais vraiment projet par projet. C’est surtout une question de défis pour moi. De plus, je pense qu’on a passé l’époque où les gens se choquaient contre des personnages de cinéma. Si Aurore, l’enfant martyre sortait en 2022, je ne crois pas que les gens lanceraient des roches à l’actrice qui interprète la belle-mère.

Publicité

Au contraire, je n’ai pas pensé à Vincent comme un méchant quand je l’ai joué. C’est pas quelqu’un admirable moralement ou quoi que ce soit, mais la partie intéressante du travail d’acteur, c’est de devenir quelqu’un et d’en interpréter les nuances.

Justement, en te plongeant dans la psychologie de Vincent Lacroix, dirais-tu avoir appris quelque chose sur lui?

J’en ai surtout appris à propos de l’histoire de Norbourg au sens large. Ce que j’ai trouvé plus séduisant à propos du personnage – sans nécessairement le trouver séduisant, lui –, c’est son côté petit garçon dans l’excès. Il ne voulait jamais que la fête s’arrête. Chaque fois qu’il était confronté à une forme d’adversité, c’était une occasion pour lui de pousser la note et d’exagérer encore plus. Il a une énorme addition à payer au restaurant? « Let’s go, on achète le restaurant au lieu de payer! » Tout est en train de péter dans la boîte? « Let’s go gang! On va dans le Sud et c’est la compagnie qui paye! »

Publicité

Je ne cautionne rien de ce que Vincent Lacroix a fait, mais il y a un petit côté attachant dans son sens de l’excès.

Ta carrière internationale a le vent dans les voiles. Pourquoi c’était important pour toi de revenir travailler sur des productions québécoises?

Ça m’a fait tellement de bien de revenir et de contribuer à la culture québécoise. Je me sentais un peu coupable de ne pas le faire. C’est pas comme si j’avais toujours eu le désir de partir à l’étranger non plus. Quand je prends une décision professionnelle, c’est en fonction du projet d’abord et avant tout. Peu importe où il se situe. Mais oui, c’est le fun de revenir par ici pour travailler avec mon monde.

La première fois où tu as été payé pour ton travail, qu’est-ce que tu t’es acheté?

Écoute, ma première job, c’était chez Première Moisson, et ça a vraiment mal commencé. À ma toute première journée de travail, je me suis échappé un gros sac de farine passée date dessus en sortant les vidanges et mon patron m’avait renvoyé à la maison parce que je sentais la pourriture (rires). À cette époque-là, je passais beaucoup de temps au club vidéo et ma première dépense a probablement été une location ou une affiche de film. Je dépensais pas mal là-dessus.

Publicité

Sinon, en ce qui concerne mon boulot d’acteur, je dépense pas mal juste sur le vin, la bouffe et les voyages, alors ça devait être en rapport avec une de ces trois choses-là.

Quel est le meilleur conseil financier que t’aies jamais reçu?

Je sais pas, mais je l’ai sûrement pas écouté (rires). Sans farces, quand j’étais petit, ma mère nous donnait une allocation hebdomadaire à la maison. Pas beaucoup; quelques sous à peine. Elle nous les donnait toujours dans trois enveloppes : une pour dépenser, qu’on passait en bonbons ou quelque chose dans le genre, une pour épargner et une pour la charité.

C’est vraiment une chance que j’ai eue d’avoir été sensibilisé à cette manière de penser à un très jeune âge. Ça m’a permis de comprendre que l’argent, bien que ça sert à être dépensé, on peut le dépenser de plusieurs manières.

Es-tu plus du genre économe ou dépensier?

Dépensier. Clairement plus dépensier qu’économe (rires). Mais j’veux changer. Je suis prêt à changer. Je me suis acheté un terrain au Québec, au nord de Montréal, sur lequel j’ai envie de construire quelque chose. Un petit refuge contre les changements climatiques. Quelque chose à moi, sur lequel je vais investir.

Publicité
La question à 100 $ : jouer un fraudeur, est-ce que ça t’a fait réfléchir à ton propre rapport à l’argent?

Non. Pas du tout, en fait. Ça m’a beaucoup conforté dans l’idée que c’était pas pour moi, un mode de vie à la Vincent Lacroix. J’aime beaucoup trop dormir la nuit pour m’enterrer d’un tel niveau de stress. Remarque que quand je vais me faire pogner dans un scandale financier, tu pourrais ressortir cet article. Ça aura mal vieilli (rires).