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La petite histoire des gros tout-inclus

Les Québécois.e.s les aiment (beaucoup), mais on en sait peu sur leurs origines.

Par
Billy Eff
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Il y a quelques semaines, lors d’un entretien avec Alexi Roy, fondateur de l’infolettre-service Les vols d’Alexi, ce dernier m’indiquait songer à inclure des offres de tout-inclus, c’est-à-dire de séjours incluant transport, hébergement, nourriture, alcools et commodités pour un seul prix. Selon lui, c’est une des demandes qui revient le plus souvent de la part de ses abonnés.

Je n’y ai pas trop repensé tant cela me semble naturel. Les Québécois.es sont bien connu.e.s pour leur amour des formules tout-inclus, surtout dans les Caraïbes où il est impossible de fouler une plage entre décembre et mars sans entendre un taouin ivre crier des niaiseries.

Mais d’où vient cette préférence des Canadien.ne.s en général, mais surtout des Québécois.es, pour les tout-inclus?

La chaleur

Pour ceux et celles d’entre nous trop jeunes pour avoir acheté des timeshare en Floride lorsque c’était encore abordable, les tout-inclus des Caraïbes offrent une chance de s’évader du froid hivernal brutal de notre province.

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En effet, ces « résortes » sont beaucoup moins achalandés l’été, alors que la plupart des Québécois.es optent soit pour des voyages plus déstabilisants, soit pour un bon vieux chalet en forêt. La mer, la plage et le soleil chaud des tropiques sont plus qu’appréciés lorsque les mois froids pointent leur nez.

Le prix

Avez-vous déjà essayé d’organiser des vacances à l’international avec cinq personnes? C’est compliqué et cher, n’est-ce pas?

Maintenant, imaginez que trois de ces vacancier.e.s soient des enfants. L’enfer logistique et le montant de la facture pourraient en convaincre plus d’un.e qu’avoir des kids n’était pas une bonne idée!

Le prix est probablement donc l’un des plus gros arguments de vente de cette formule. De Montréal, une foule de voyages d’une semaine tout-inclus à moins de 1 000$ sont disponibles. Ce qui nous rassure dans ces prix, c’est que pour moins d’un billet d’avion vers, par exemple, Tokyo, on puisse s’envoler faire ce que l’on veut (ou justement ne rien faire) sans avoir à se soucier de l’argent. Toutes les grosses dépenses habituelles d’un voyage sont comprises dans le prix.

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Des origines socialistes?

C’est d’ailleurs l’une des raisons d’être du tout-inclus tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Petite leçon d’histoire : après la deuxième guerre mondiale, les resorts ont gagné en popularité grâce, en partie, à Sir Billy Butlin, un Britannique dont la famille exploitait déjà des lieux de villégiature au Royaume-Uni depuis longtemps. Il a d’abord voyagé aux Bahamas en 1949 avant de revenir quelques mois plus tard pour ouvrir le tout premier resort moderne dans les Caraïbes.

Mais cette popularité du tout-inclus, on la doit également au Belge Gérard Blitz, champion olympique de water-polo, que la cohésion entre les nationalités différentes se côtoyant au sein des villages olympiques a inspiré. Issu d’une famille socialiste, il a rêvé de créer une utopie où n’existeraient ni argent, ni temps, ni nation.

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Il a d’abord lancé avec un ami fabricant de tentes le tout premier Club Méditerranée, à Majorque. Malgré l’absence de courant électrique, de tuyauterie ou même de chambres (les invités dormaient dans des tentes posées sur la plage), le succès a été presqu’immédiat. Dès la première année, le Club Med (comme on le connaît mieux aujourd’hui) a dû refuser 10 000 clients.

Selon des articles de l’époque parus dans Paris Match, durant les premières années du Club, il n’y avait pas d’horloges, pas de serrures sur les portes, pas de télévisions, pas de voitures et surtout pas d’argent. Un simple bracelet fait de billes que l’on échangeait contre des consommations était donné à l’arrivée aux client.e.s. « Dans ces villages, l’argent n’a pas de valeur. Nous sommes tous milliardaires! Nous vivons dans une économie parfaitement socialiste où tout est gratuit pour tou.te.s », rapportait en 1965 le média français.

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Être loin, comme à la maison

On connaît les Québécois.es pour plusieurs choses, mais pas pour notre propension à aimer la nouveauté et l’exotisme. On écoute les chansons que l’on connaît, on mange (tôt) les mêmes aliments que l’on mange habituellement… bref, on n’aime pas trop déroger à nos habitudes.

Et c’est ce qui fait d’un endroit comme un tout-inclus une destination de prédilection pour nous. Bien qu’on soit dans un pays totalement différent, on a accès à tout le confort et la sécurité du monde occidental moderne. Avec toutes les commodités offertes, on n’a même pas besoin de sortir du resort, ce qui nous fait facilement oublier qu’on est très loin de chez nous. C’est une aventure dont on est le héros ou l’héroïne.

Cet aspect de confiance en l’institution des tout-inclus continue à séduire. Savoir qu’il n’y aura pas de surprises, qu’on pourra se torcher autant qu’on veut sans avoir à se soucier de comment on rentrera chez nous ou de qui va s’occuper des enfants pendant que maman sirote ses margaritas sur la plage est un plus non négligeable.

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Mettre son cerveau sur off

Ce qui nous amène à la dernière raison justifiant l’engouement pour ces établissements : le fait que ce soit, de nos jours, ce qui se rapproche le plus de réelles vacances.

Oui, il est vrai que les plus jeunes ne trippent pas autant sur ça que leurs parents. Avides d’aventures, de découvertes et ayant horreur de rester en place pendant plus d’une heure, ces âmes vigoureuses préfèrent les bonnes vielles auberges ou encore les AirBnB qui donnent la chance d’explorer leur pays de visite. Toutefois, avec l’état actuel de l’économie, de plus en plus se rendent compte qu,e pour déconnecter et se reposer, le resort est une pas pire option. Et si on veut rester dans le thème de l’aventure, il suffit alors de louer une voiture à l’hôtel pour partir explorer!

Dans un monde qui assaille d’options au point d’en faire de l’anxiété, le tout-inclus revient à laisser l’algorithme décider pour vous. Le plus gros choix que vous aurez à faire sera entre le rhum blanc ou brun au bar sur la plage. Une foule d’activités déjà prises en compte et en charge seront disponibles. Vous n’aurez qu’à vous pointer et le staff s’occupera du reste. Ce sera réellement des vacances clé-en-main où tout sera conçu pour que vous puissiez mettre votre cerveau sur off.

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Si vous vous êtes rendu.e aussi loin dans le texte, c’est que vous l’attendiez : oui, l’un des (nombreux) attraits de la formule tout-inclus est aussi, pour certain.e.s, le fait de trouver des couples d’adultes en vacances avec qui pousser le party un peu plus loin, si vous voyez ce que je veux dire.

Après plus d’une décennie où le mot d’ordre était de « voyager comme un.e local.e », la pandémie aura peut-être été le coup de feu qu’il fallait pour l’industrie des tout-inclus. Tout le monde est tanné de tout et surtout de devoir prendre des décisions et se planifier des vacances extra-Instagrammables alors que la vie pourrait être si simple : un bon livre, la plage et le plus gros mojito que la Terre ait jamais vue.