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La pénurie de main-d’œuvre a-t-elle accéléré le processus d’embauche?

C’est peut-être la fin des recrutements en 50 étapes.

Par
Justine Leblond
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Aux États-Unis, et dans les grandes firmes internationales en général, les processus de recrutement passent systématiquement par de nombreuses étapes, notamment celle des tests que l’on décrit comme étant de plus en plus difficiles et dans lesquels certains candidats se sentent épiés, lessivés.

Mais au Québec, surtout en contexte de pénurie de main-d’œuvre, cette réalité semble moins vraie. Plusieurs employeurs nous confient même devoir accélérer les processus de recrutement pour ne pas perdre leur candidat préféré en cours de route!

« Les entreprises se sont mises au goût du jour et suivent les tendances : elles allègent beaucoup leur processus de recrutement ou se forcent à faire les mêmes étapes dans un laps de temps très court, car si un candidat a le choix entre une job où il y a trois étapes sur une semaine et une où il y a trois étapes en un mois, il va choisir la première option », explique Roxane Dumais-Pelletier, présidente de Métier Plus, une firme québécoise de recrutement et de gestion.

« Avant, vous pouviez avoir deux, trois, quatre entrevues, par exemple : une avec le RH, une avec le vice-président, une avec le directeur, puis un test psychométrique… »

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Pas question pour autant d’être moins exigeant, selon elle. « Le but, c’est simplement de tout faire le plus rapproché possible, avec des deadlines très courtes. Ça attire les candidats et les entreprises sont gagnantes aussi. »

Ce phénomène d’accélération du processus de recrutement, Anne-Marie Deslauriers, chasseuse de têtes, le constate depuis plusieurs années. La fondatrice de Delan, une entreprise de recrutement spécialisée en technologie, le conseille même aux recruteurs du domaine.

« Avant, vous pouviez avoir deux, trois, quatre entrevues, par exemple : une avec le RH, une avec le vice-président, une avec le directeur puis un test psychométrique… On veut comparer les candidats. Mais là, ils ne peuvent plus ! Si un recruteur fait ça, il va perdre un candidat qu’il voulait. »

C’est encore plus vrai pour les candidats repérés par les chasseurs de têtes, puisqu’ils sont « passifs » : ils ne cherchaient pas spécialement de travail, mais on tente de les faire venir dans une entreprise. « Quand un employeur cherche un candidat, il faut qu’il en fasse une priorité, qu’il se libère du temps », recommande Anne-Marie Deslauriers.

« J’ai de plus en plus le sentiment que je dois vendre l’emploi, son importance et sa valeur au candidat. Face aux nombreux choix, les gens magasinent davantage. »

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Les recruteurs font tout simplement face à la loi de l’offre et la demande. Puisque les offres se multiplient, les demandes sont plus exigeantes, que ce soit sur le temps de processus comme sur la qualité de l’offre. C’est en tout cas ce que constate Émilie Morin, présidente d’Idhéa Marketing Web, une agence numérique à destination des petites et moyennes entreprises (PME). « J’ai de plus en plus le sentiment que je dois vendre l’emploi, son importance et sa valeur au candidat. Face aux nombreux choix, les gens magasinent davantage. »

On peut d’ailleurs remarquer l’effort des recruteurs sur les annonces, notamment dans la section concernant les raisons de postuler : « Une équipe qui travaille ensemble, pour de vrai! (C’est pas pour nous vanter, mais on est bin bin hot ensemble) ». Les recruteurs s’essaient même à l’humour dans la liste des compétences recherchées : « Rigueur et souci du détail (pour nous aider à trouver Némo) ».

Une nouvelle génération pour de nouvelles méthodes

Émilie Morin associe ces nouveaux enjeux à la génération Z. « Je trouve qu’il y a beaucoup plus de transparence dans leur discours. Ils osent plus dire ce qu’ils veulent, on dirait qu’il n’y a pas de secret, donc ça, c’est le fun. Par exemple, un jeune va dire clairement : “Là, avec ce salaire, je ne pourrais pas payer mon loyer et gérer mes dépenses, donc j’ai plutôt besoin de ce salaire-là”. Ça fait que les gens sont beaucoup plus demandeurs et osent dire ce qui les arrange ou ce qui ne les arrange pas. »

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Depuis la pandémie, la forme des entrevues d’embauche a aussi évolué et les visioconférences sont presque devenues une norme. Maintenant que tout le monde ou presque sait correctement s’en servir, on a l’habitude de se connecter sur Teams ou Zoom. Anne-Marie Deslauriers y voit même des avantages.

« Déjà, ça sauve du temps. Les gens n’ont pas besoin de se déplacer, d’aller à une heure de transport de chez eux. Puis le candidat va être plus relaxe, moins guindé ou stressé. C’est peut-être un peu plus informel, mais un peu plus humain aussi. Et je pense que la pandémie a fait mettre l’humain d’abord. »

« Il y en a qui pensent que, parce que c’est virtuel, l’entrevue peut être faite à la va-vite, mais il y a moyen d’être professionnel! »

Emilie Morin et Roxane Dumais-Pelletier se disent aussi enthousiastes par rapport aux entrevues en visioconférence, mais la présidente de Métier Plus rappelle qu’il ne faut pas non plus faire une croix sur les anciens codes pour autant.

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« J’ai déjà eu un candidat qui a fait son entrevue dans son auto, une autre où le candidat s’est levé pour aller aux toilettes en laissant la porte de la pièce ouverte, alors j’ai entendu toute la vie de la maison… Il y en a qui pensent que, parce que c’est virtuel, l’entrevue peut être faite à la va-vite, mais il y a moyen d’être professionnel! Par exemple, en se cadrant correctement ou en réglant son micro à l’avance. »

C’est peut-être donc ça, les entrevues d’embauche d’aujourd’hui : moins de complets-cravates, mais plus de micros-cravates.