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La PCU va-t-elle engendrer de meilleures conditions de travail?

#salaireminimum

Par
Alexandre Perras
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Pour celles et ceux qui ne sont toujours pas au courant, la fin des versements de la (très critiquée) Prestation canadienne d’urgence (PCU) arrive à grands pas. Comme consolation, la prestation transitera vers le régime d’assurance-emploi (AE) ou une «prestation de transition» pour les travailleurs qui ne sont pas admissibles à l’AE, pour ceux qui ne voient toujours pas la lumière au bout du tunnel.

Canadiens, Canadiennes, on ne vous laissera pas glisser entre les mailles du filet!

Justement, parlons-en de ce filet. Pour certains, c’est une bouée de sauvetage nécessaire, pour d’autres, une incitation à la paresse. Chose certaine, ça laisse personne indifférent.

La fin d’un rêve ou d’un cauchemar?

Plusieurs entreprises et organisations se sont positionnées contre la prestation dans sa forme actuelle. Certaines de ces compagnies auraient souhaité une prestation modulée selon le revenu des prestataires. Autrement dit, l’assurance-emploi, mais en temps de crise.

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«Frein à la reprise économique», «un incitatif à ne pas retourner travailler», «un bar ouvert», vous comprenez le principe. L’impact sur les entreprises est réel. Nombreux sont les employeurs qui ont de la difficulté à retrouver de la main-d’oeuvre depuis les dernières semaines.

À force d’entendre le ministre québécois du Travail Jean Boulet critiquer la prestation, à l’instar de plusieurs regroupements comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante ou le Conseil québécois du commerce de détail et les milieux patronaux, c’est à se demander si on ne s’en va pas dans le champ.

«Plus de 27 % des propriétaires de PME signalent que certains employés qu’ils ont dû mettre à pied ont refusé de revenir au travail quand ils les ont rappelés», a déclaré Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la FCEI, à la suite de la publication d’un sondage mené auprès de propriétaires de PME de la province.

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Et quelle est la raison la plus fréquente utilisée pour justifier le refus de retourner au travail, selon ce sondage? La PCU. En effet, 62% des propriétaires d’entreprises interrogés affirment que leurs employés ont dit préférer bénéficier de la PCU plutôt que de reprendre leur emploi.

«Se pogner la PCU»

Dans la province, c’est près de deux millions de Québécois qui ont reçu au moins un versement de la PCU depuis le mois de mars dernier. Ce qui représente 42,3% des Québécois qui avaient un emploi au mois de février.

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Cette image aurait été prise dans les rues du quartier Rosemont à Montréal. Publiée par un utilisateur sur Reddit, elle a suscité de vives réactions, mais aussi de bons questionnements.

Est-ce que les travailleurs de la province sont paresseux et «se pognent la PCU» comme le sous-entend Plaisirs Gastronomiques? Ou est-ce que le salaire, les conditions de travail et la qualité de vie qu’offrent ces emplois ne sont pas assez satisfaisants pour compétitionner avec une prestation d’urgence?

Rappelons que la PCU – 2000$ par mois – représente environ l’équivalent du montant brut que gagnerait un travailleur qui fait 40 heures de travail par semaine à 12,50$ de l’heure, soit le salaire minimum au Québec.

Même si certains détracteurs de la PCU croient que la réalité des prestataires ressemble à celle du rappeur G.I. JOE dans son clip pour la chanson PCU, la réalité est plus complexe.

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L’après-PCU

Personne ne s’en sortira indemne. Clairement. La preuve n’est pas à faire, le manque de main-d’œuvre fait mal aux entreprises d’ici et affecte, dans une certaine mesure, la relance de l’économie de la province. Mais tant qu’à la relancer cette économie, pourquoi ne pas bien le faire? Devrait-elle vraiment dépendre d’une main-d’œuvre mal rémunérée, qui travaille dans des conditions nettement pas à son avantage?

Même la FTQ a sauté dans le train, dès le début de la pandémie, avec un appel à la hausse du salaire minimum à 15$ de l’heure. «Comment ça se fait que ça prend un minimum de 2000$ par mois pour vivre, en temps de crise, et pas le reste de l’année?», a lancé le président de la FTQ Daniel Boyer dans La Presse.

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Sans compter que cette pause forcée nous a clairement incités à repenser à notre rapport au travail et à l’argent. On s’est aperçu qu’on laissait peut-être trop de place au travail dans nos vies, nos attentes face à notre emploi ont peut-être changé, on valorise davantage la vie familiale… On veut profiter un peu plus de la vie, quoi.

Si on revient au statement énoncé sur le graffiti: est-ce que les employés les plus précaires et vulnérables sont condamnés à vivre dans la précarité et la vulnérabilité ou si on trouve (enfin) des solutions pour améliorer la situation?

Et comment les employeurs pourraient-ils s’adapter à cette réalité? On sait déjà qu’offrir des bean bags au bureau, c’est assez inutile pour le moral et la satisfaction des employés. Est-ce que ça passe par de meilleurs salaires? Des horaires de travail flexibles qui permettent de mieux jongler avec la vie familiale, le trafic, les obligations personnelles? Des régimes de retraite décents? Des régimes de retrait tout court? La fin du «faire plus avec moins»?

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On peut s’imaginer que beaucoup d’employeurs attendent avec impatience la fin de la PCU pour enfin voir un «retour à la normale».

Au même moment, beaucoup de gens remettent en question les conditions dans lesquelles ils sont disposés à donner leur temps à un employeur.

Et si les employeurs en profitaient, eux aussi, pour faire un examen de conscience et se demander quels genres d’employeurs ils veulent être et quel rôle ils veulent jouer dans la qualité de vie de leurs employés?