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La génération Z est-elle paresseuse?
Pour commencer (parce que j’ai une petite idée de qui va être fâché.e dans les commentaires sous ce petit texte), non, je ne l’ai pas eu facile avec l’argent quand j’étais plus jeune.
Le seul argent de poche que j’ai reçu dans ma vie était un 2 $ par semaine pour faire le ménage de la salle de jeux entre l’âge de 7 et 9 ans. Après quelques années, cet argent a été transféré à la banque, on a oublié laquelle et je ne l’ai plus jamais revu.
Touuuuuut le reste de mon argent de jeunesse, je l’ai gagné en travaillant. J’ai ramassé des fraises pour 50 cennes le casseau, des framboises en m’arrachant les mains sur des épines, des cannettes sur le bord de la route 125 et j’ai fait les foins (je sais que je viens de déclencher le PTSD de certain.e.s d’entre vous qui se souviennent de ces étés-là). J’ai aussi ramassé du tabac dans les champs à l’âge de 12 ans. Oui, j’ai travaillé à l’âge de 12 ans pour faire des cigarettes. Je peux donc dire que dès l’enfance, j’étais travaillant.
Ceci dit, je trouve que la génération qui suit la mienne, la génération Z, travaille encore plus fort, plus efficacement et avec moins de bonnes raisons d’être assidue que les gens des époques qui l’ont précédée. Peut-on parler du fait qu’elle soit pourtant identifiée comme une génération de flancs mous? Eh bien, on va le faire, puisque c’est mon article et que je trouve ce préjugé extrêmement indécent.
Les jeunes ne veulent plus travailler! Vraiment?
On entend souvent que « les jeunes d’aujourd’hui ne veulent plus travailler », alors que c’est complètement faux. En fait, on est dans une période historique où le taux de chômage au Québec et au Canada n’a jamais été aussi bas. Parmi la main-d’œuvre en action au moment où j’écris ces lignes, il y a aussi les jeunes.
En fait, ce qui se passe, c’est qu’il y a plus de types d’emplois variés parmi lesquels choisir et plus d’employeurs qui ne paient pas seulement le salaire minimum. Il s’agit donc beaucoup plus d’une question d’offre et de demande que de motivation.
En ce moment, les jeunes prêt.e.s à travailler sont moins nombreux.euses que la demande de postes à combler. Il est donc normal que la grande majorité d’entre eux se tournent vers les jobs payantes, gratifiantes et plaisantes. Ce n’est pas un cas d’enfant-roi pour deux cennes, c’est simplement logique.
Le contexte était différent à notre époque (j’ai 33 ans en passant), mais il faut avouer qu’on faisait exactement la même chose dans notre temps. Back in the days, les jeunes qui avaient un contact à l’usine pour faire une job difficile, mais payée 22 $ de l’heure en bas de l’échelle, ne choisissaient pas d’aller travailler dans un fast-food de nuit pour l’honneur.
Je trouve que les gens qui chialent au sujet des jeunes qui ne veulent pas faire les jobs de merde qu’ils ont eux-mêmes pratiquées font de la projection très malsaine. C’est étrange de penser que parce qu’on a détesté un emploi à une certaine époque, ceux et celles qui ont l’âge qu’on avait à ce moment-là devraient passer par le même processus.
Ça, c’est sans compter qu’on ne travaille plus avec les mêmes objectifs.
Vivre ou survivre, telle est la question. Vraiment?
Mon premier emploi d’adulte a été d’être plongeur dans un resto ouvert 24 heures sur 24 à Joliette (shout out à Chez Henri, l’oasis des gens saouls qui ont faim à 3 h 15 du matin). Une des choses qui me fascinait, c’était que le maître plongeur qui m’avait formé s’était acheté une maison avec un salaire horaire de 1 $ de plus que ce que je faisais à l’époque. C’était pour ainsi dire une autre réalité.
Ce n’est pas tous les métiers qui sont boudés par les jeunes. Une industrie qui souffre particulièrement de la pénurie de main-d’œuvre est celle de la restauration rapide. C’est d ’ailleurs souvent à son sujet que je vois des gens chialer que les jeunes ne veulent plus travailler. Comme si le fait de ne pas rêver de faire des poutines italiennes de 22 h à 5 h était si dur à comprendre.
Vous avez d’ailleurs probablement constaté qu’on trouve de plus en plus d’employé.e.s âgé.e.s de seulement 12 ou 13 ans derrière les comptoirs de ce genre d’endroits, et c’est facilement explicable. C’est un excellent emploi pour subvenir aux besoins… de quelqu’un QUI NE PAYE PAS SON PROPRE LOYER!!!! (S’cusez, j’ai crié.)
Moi, j’ai connu l’époque où on payait 100 $ par pièce d’un logement à Montréal et où la sauce à spag coûtait 1 $ le litre à l’épicerie. Ce n’était pas compliqué de vivre au salaire minimum. Aujourd’hui, ce n’est tout simplement pas possible de se dire que ce genre d’emploi va payer nos études ou notre maison d’ici deux ans. Ça représente donc un tout autre défi de rester motivé.e alors que le labeur de jadis pouvait mener directement à la sécurité financière.
Aujourd’hui, le loyer moyen des trois et demie à Montréal dépasse 1500 $ et le salaire minimum au Québec est de 13,50 $ de l’heure. On peut donc calculer que le salaire net serait de 11,50 $ en étant très optimiste. Il faudrait donc 130 heures et demie pour payer uniquement son loyer. Rajoutez l’Hydro, l’internet, le droit de se nourrir un peu et une humble passe d’autobus pour continuer de travailler et on se ramasse avec pratiquement rien, ou moins que rien. Oui, on survit, mais est-ce que c’est vraiment une vie?
Je vous rappelle aussi que les jeunes ont la fâcheuse habitude d’être parfois aux études. C’est donc une dépense de plus pour des heures de disponibilité de moins durant la semaine.
Bref, vous ne trouvez pas que ça a du sens de trouver que ça n’en a pas pantoute? Moi, je trouve que oui et je pense donc que le problème ne vient pas des jeunes qui s’appliquent à trouver de meilleurs emplois qui leur permettent de vivre plutôt que de simplement survivre. Le problème vient des chaînes de fast-food et autres employeurs qui savent que leurs conditions de travail sont diablement ordinaires et qui devraient donc compenser avec de meilleurs salaires.
Les jeunes « pètent au frette » à rien! Vraiment?
L’idée d’écrire cet article m’est venue après avoir visionné la vidéo du barista trans qui s’est fait lyncher sur internet parce qu’il s’est filmé alors qu’il craquait sous la pression dans le backstore du Starbucks où il travaillait.
Les commentaires haineux sous la publication initiale venaient majoritairement d’une génération pour qui il est presque interdit de parler de santé mentale. Je reviens systématiquement au phénomène de projection, mais j’aimerais demander aux gens qui disent que dans leur temps, ils faisaient des semaines de 50 heures en étant à l’école sans se plaindre : ça va-tu?
Ce qu’on ne dit pas, c’est que les gens de cette génération n’avaient pas le droit de se plaindre parce qu’ils auraient perdu leur job. Faire une dépression a longtemps été perçue (et c’est parfois encore le cas) comme un signe de faiblesse. C’était donc beaucoup plus encouragé de faire semblant que tout va bien, mais de boire à la maison et de normaliser sa déprime au point de mettre un peu sa vie danger. C’est dangereux, une dépression non traitée, les chums.
Se pourrait-il simplement que les jeunes soient éduqué.e.s à propos de la santé mentale parce qu’il y a eu une évolution des perceptions et qu’ils et elles s’efforcent de rester le plus en santé possible afin de pouvoir travailler le plus efficacement et longtemps possible? On jase là, mais de ce que je vois du nombre d’arrêts de travail prescrits durant les dernières années, les professionnel.le.s de la santé semblent être un peu de mon bord,
En conclusion, peut-on se calmer le jugement?
Ce n’était pas l’article le plus joyeux sur la terre, alors je vais finir avec une note grandement optimiste.
J’ai beaucoup de respect pour la génération qui suit la mienne parce qu’elle aborde le marché du travail avec confiance, logique, et une idéologie de développement humain que je trouve extrêmement positive. Je comprends parfaitement le sentiment d’injustice d’avoir l’impression que les jeunes ont tout et qu’on n’a rien eu, mais il suffit d’y penser deux secondes pour voir qu’on avait des avantages qu’eux n’auront jamais.
J’aime beaucoup mieux voir ce qui se passe comme un changement sociétal positif faisant en sorte que dès le début d’une carrière, le travail assidu est récompensé à sa juste valeur autant en termes d’argent que de qualité de vie.
Les jeunes employé.e.s qui entament leur carrière en trippant leur vie sont les gestionnaires de demain, qui auront ce modèle d’affaires en tête quand ce sera leur tour d’engager des gens. C’est une idée qui me rassure, car quand j’aurai 55 ans et que je n’aurai plus la force d’aller faire des blagues dans les bars, ça me fera plaisir de me faire engager par un.e p’tit.e jeune qui me traitera comme j’aurais mérité qu’on me traite quand j’avais son âge.