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La COVID nous a forcés à patienter et ça va aider nos finances
Nous sommes en 1972. La radio joue les airs d’American Pie (la toune, pas le film) et de Lean on me. À ce moment précis, un chercheur du nom de Walter Mischel observe le comportement de jeunes enfants. Le test est simple: il offre à l’enfant une guimauve, mais s’il préfère attendre deux minutes, il aura droit à deux guimauves.
Après avoir noté le résultat, le chercheur a fait un suivi sur le cheminement de ces enfants jusqu’à l’âge adulte. Il a réalisé que ceux qui avaient réussi à attendre avaient, en moyenne, mieux réussi leur vie, que ce soit par leur réussite matérielle, scolaire ou professionnelle.
Ce que ces enfants avaient déjà maîtrisé, à ce très jeune âge, c’était le principe de la gratification différée. En d’autres mots, il s’agit simplement d’allonger le délai entre le désir et la récompense. C’est la différence entre celui qui économise et celui qui utilise (un peu trop) le crédit.
La gratification différée est très avantageuse pour nos finances. Savoir attendre un peu avant de se récompenser nous permet de mieux cerner nos besoins. On a le temps de se poser la fameuse question McSween: «En as-tu vraiment besoin?» Ce délai nous permet aussi de voir si le même produit ne serait pas moins cher ou de meilleure qualité ailleurs. Faire preuve d’un peu de patience peut éviter bien des remords.
Une habitude imposée
Retournons maintenant en 2020. Trois mois et demi ont passé depuis le début de la pandémie. Plusieurs semaines au cours desquelles nous avons appris à nous adapter au quart de tour. Au début, nous nous précipitions dans les épiceries et les magasins pour accumuler des denrées. Nous ne connaissions pas encore la résilience des chaînes d’approvisionnement et la crainte du virus était à son plus fort. On s’est cloîtré dans nos maisons, se promettant d’apprendre à faire notre pain.
Même ceux qui sont restés, au fond d’eux-mêmes, de grands consommateurs, ont dû apprendre à retarder le moment des achats. Que ce soit parce que les magasins étaient en rupture de stock, ou en raison des délais de livraison, nous avons dû apprendre à nous calmer le pompon un peu. Ça arrivera quand ça arrivera. En attendant, on fait avec ce qu’on a. Pour une société habituée d’avoir tout ce qu’elle veut, quand elle le veut, c’était tout un choc.
Pratiquer la gratification différée, à ce moment-là, c’était aussi simple que de respirer.
Les circonstances exceptionnelles nous ont facilité la tâche. Nous n’avions pas à nous fier à notre volonté, nous étions soumis aux éléments extérieurs. De plus, nous étions prompts à nous imaginer dans un monde post-apocalyptique, à nous sustenter de lentilles et de riz brun autour d’un feu dans une poubelle de métal. Se restreindre avait un petit côté aventurier. Pratiquer la gratification différée, à ce moment-là, c’était aussi simple que de respirer.
Tester notre volonté
Mais plus les semaines avancent, plus ça se corse. Avec la réouverture, ça devient plus tentant de répondre rapidement à nos besoins. La restriction des dernières semaines nous a aussi rendus impatients. L’argent nous brûle les doigts, même si les procédures d’hygiène et les longues files nous restreignent encore un peu.
La consommation apporte rapidement une petite dose de dopamine, si fugace soit-elle.
Les dernières semaines ont aussi été difficiles sur notre moral et notre santé mentale. Pour tous ceux qui sont restés pris entre les quatre murs de leur maison, s’acheter un petit quelque chose de tout beau tout neuf est criant est très tentant. Après des mois à porter fièrement le coton ouaté, on a envie de se mettre beau, de sortir. La consommation apporte rapidement une petite dose de dopamine, si fugace soit-elle. Mais pour des individus qui s’ennuient et qui dépriment, il n’y a qu’une seule envie, se laisser tenter.
Le déconfinement et le retour à un semblant de normalité testent notre capacité à pratiquer la gratification différée. Mais ce que la pandémie nous a aussi démontré, c’est que tout n’a pas à dépendre de notre volonté. L’environnement influence énormément nos comportements. En finances personnelles, il s’agit parfois d’ajouter un peu de friction pour enrayer une mauvaise habitude.
Faire nos commissions seulement le samedi, payer uniquement avec notre carte débit, se déplacer à pied ou en vélo; ce sont quelques trucs et astuces qui nous forcent à retarder, à calculer et à soupeser nos achats. Plus on pratique la gratification différée, plus elle deviendra naturelle. Et nous avons prouvé que nous en sommes tous capables.