Le mardi soir, quand je me pose la question « qu’est-ce qu’on mange pour souper? », c’est rare que la réponse soit : « pintade demi-deuil accompagnée de sa chartreuse de chou en sauce Cardinal ».
C’est parce que moi, j’ai pas Élyse Marquis qui pousse une table remplie de morilles fraîches dans ma cuisine. Pis Daniel Vézina est pas là pour venir m’avertir timidement, mais ô combien fermement, si j’oublie ma lasagne à broil.
Quand je vois des apprentis-chefs cuisiner avec les meilleurs produits et monter de superbes assiettes, ça me fait sentir mal de googler « cuire saumon four » après.
Y a aussi que j’ai pas les skills pour faire huit îles flottantes (pourquoi ça existe cette chose?) en 20 minutes. Quand je vois des apprentis-chefs cuisiner avec les meilleurs produits et monter de superbes assiettes, ça me fait sentir mal de googler « cuire saumon four » après.
FOODIE OR NOT FOODIE?
Nos grands-mères se vantaient pas de faire leur propre pâte à tarte : elles avaient pas le choix. Quand le filling Shirrif est arrivé sur les tablettes c’était une révolution pour elles : plus besoin de squeezer 50 citrons pour faire une tarte avec d’la meringue cramée sur le top.
Selon Radio-Canada International, notre consommation d’aliments transformés a augmenté de 136% entre 1938 et 2014, pendant que notre consommation d’aliments naturels a diminué de 65%.
Un foodie, c’est un gourmand qui prend des photos et qui tweete pendant Les chefs!.
Nos mamies étaient foodies par obligation… À la différence qu’elles prenaient pas de photos de leurs tourtières avec leur kodak de J.A. Martin photographe. C’est vrai qu’être foodie, c’est indissociable des zinternets. Un gourmand, c’est quelqu’un qui aime la bouffe. Un foodie, c’est un gourmand qui prend des photos et qui tweete pendant Les chefs!.
Dis-moi ce que tu photographies, je te dirai qui tu es
J’ai payé mes études en travaillant à La Banquise, j’ai donc vu autant de monde prendre leur poutine en photo que de Français qui me tipaient 1%. « On vient juste d’atterrir! On connaît pas les règles pour le tipssse » était l’excuse la plus populaire (un gars m’a même dit ça après avoir payé avec une carte débit Desjardins… je lui souhaite de s’être fait voler ses données).
Savez-vous à quel point c’est frustrant pour une serveuse de se faire dire que le plat est froid quand ça fait – no joke – 20 minutes que tu cherches le bon angle pour photographier ton amas de gras? De Vinci a probablement pris moins de temps pour placer Mona avant de la peindre.
« Si on publie une photo d’une salade faite avec du chou frisé acheté au marché fermier, ça dit qu’on est préoccupé par l’environnement, qu’on est éduqué et qu’on a assez d’argent pour acheter des produits bios au marché. C’est une représentation de ses valeurs », dit une foodie assumée dans cet article de La Presse.
L’EXPÉRIENCE (dans le sens du moment, pas d’un bécher)
Pourquoi va-t-on manger un burger au resto? C’est pas sorcier faire une boulette (y’a tu un cours de boulettes à Poudlard?) Parce qu’on recherche l’expérience.
D’après un sociologue en alimentation (je suis aussi étonnée que vous que ça existe) c’est un comportement typique des Y : « C’est une génération qui est caractérisée par sa volonté d’avoir un plaisir immédiat. Elle est très dans les sens, dans l’émotion. Quand les Y mettent de l’argent dans quelque chose, ils veulent que ça soit sensoriel. »
Les Canadiens ont consacré 29% de tout leur budget alimentaire dans les restaurants.
C’est pas pour rien qu’en 2018, les Canadiens ont consacré 29% (soit presque un dollar sur trois) de tout leur budget alimentaire dans les restaurants. Si la tendance se maintient, la moitié du budget alimentaire des familles canadiennes sera consacré à la restauration et/ou aux produits prêts-à-manger d’ici 2035.
Mon hypothèse personnelle : après avoir mangé une pizza italienne au four à bois au resto, c’est plate en ostie une pizza touski de fond de frigo sur un pita. On veut du beau, du bon et vivre cette expérience tout le temps, mais notre budget suit pas.
Pis arrêtez d’essayer de nous berner : Delissio, c’est crissement pas du resto.
Faque, j’tu obligée d’être foodie?
Bien sûr que non. Mettons que la semaine, s’il y avait une pilule qui pouvait me nourrir, je la prendrais. C’est pas vrai que je fais des arcs-en-assiette avec le dos d’une cuillère un p’tit jeudi soir.
Faut juste pas se sentir mal et se ronger les ongles (à moins de les avoir fait mariner au préalable) si on soupe un spaghetti avec d’la sauce en canne une fois de temps en temps. Oui je sais : une gousse d’ail, une canne de tomates broyées pis une poignée d’herbes fraîches c’est pas long à sacrer dans une poêle, mais des fois, ça me tente juste pas!
Je dirais donc que je suis foodie à temps partiel, justement quand j’en ai, du temps (et de l’argent!) Surtout en voyage : c’est là que je me laisser berner par des bagels multicolores à 7$ et que je les prends en photo.
Faut pas bouder son plaisir non plus : je veux avoir un souvenir de ma crème glacée à la carotte (8$) et immortaliser ce moment spécial! Par contre, c’est pas spécial (et très cher) si tu le fais chaque jour à chaque repas…
La preuve, ce post que j’ai fait à mon retour de New York que j’ai savamment nommé « 33 fois par jour » :
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