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Quand on discute salaire, on le fait en litote : « C’est pas pire payant » qu’on dit souvent.
Même à voix haute, on enfonce la touche MAJ de notre yeule pour parler en symboles plus qu’en chiffres : « *& !%&@#$!*@#!! », ça décrit pas pire bien le sentiment qu’on ressent quand on jase du blé gagné.
Discuter devises, c’est comme un duel : personne veut dégainer ses chiffres en premier. Exemple :
Scène 1 – extérieur jour, village du Far West
Wouin wouin wouin wouinnnn. (Ceci est ma tentative d’écriture de musique western… Imaginez une botte de foin qui roule, ça va faire pareil.)
– T’as eu c’que tu voulais pour le contrat?
– Pas mal, c’est… correct.
– Correct bon? Correct combien?
– Correct… pas pire. Toi, t’es satisfaite?
– Quand même. C’est pas loin de ce que je pensais.
– Combien pas loin? Pas loin moins ou pas loin plus?
– Pas loin OK.
FIN (du sketch. Arrêtez pas de lire l’article ici, là.) L’argent, c’est vraiment un sujet tabou. Plus que le sexe, comme en témoigne le dernier épisode de Zone franche.
Pourtant, lorsqu’on sonde notre lectorat sur URBANIA et Quatre95, 56% des 1148 répondants disent qu’ils sont à l’aise de parler d’argent en public. Cette statistique monte davantage lorsqu’ils sont avec leurs proches: 79% parle de leur salaire dans leur cercle rapproché.
Petite histoire
Étant travailleuse autonome, je négocie moi-même mes contrats. Un collègue pas mal plus expérimenté que moi me conseillait récemment d’engager une agente pour le faire à ma place. Naïve, je lui réponds que je ne pense pas en avoir besoin pour l’instant.
Il me raconte : une amie et lui ont gradué la même année de l’École des Auteurs*. Ils ont des parcours quasi identiques et, malgré tout, son amie qui possède un vagin se fait presque systématiquement offrir moins de cash que lui.
*Ça existe pas, « L’École des Auteurs » : c’est un stratagème que j’utilise pour conserver l’anonymat de mon collègue. J’ai appris ça dans le très utile cours « Stratagèmes »… à l’École des Auteurs.
Grande histoire
D’après le Forum économique mondial, on va atteindre l’égalité salariale entre les hommes et les femmes en 2186, soit dans un tout petit, minusculissime 167 ans.
Lors d’un nouvel emploi, les femmes se font offrir moins de pépètes en commençant.
La principale raison? Lors d’un nouvel emploi, les femmes se font offrir moins de pépètes (ne pas confondre avec pepperettes) en commençant.
Et même si elles demandent une augmentation, les propriétaires de mamelons interdits sur Instagram l’obtiennent moins souvent que leurs collègues dont les photos de tits sont permises. C’est pas moi qui le dis, c’est Harvard (l’affaire sur les augmentations, pas sur les nipples).
Même si certains employeurs font encore signer des ententes de non-divulgation qui interdisent de jaser de chèque de paie avec les collègues, plusieurs experts suggèrent plutôt d’être hyper transparents. Selon eux, ça diminuerait l’impression d’injustice. Pis si jamais il y en a une injustice, ça oblige les boss à enfiler leur costume de justicier pour les rétablir.
Salary, einkommen et cie
Partager les informations salariales, c’est le meilleur moyen de rétablir l’équité, c’est prouvé. Y a quelques endroits qui l’ont compris.
En Allemagne, une loi permet maintenant aux travailleuses de demander combien gagnent six hommes qui occupent le même poste qu’elles pour mieux négocier leur salaire. Avant cette loi, les hommes gagnaient en moyenne 21% plus de schnitzels que les femmes.
Avant cette loi, les hommes gagnaient en moyenne 21% plus de schnitzels que les femmes.
Au Royaume-Uni, toutes les entreprises de plus de 250 employés sont obligées de publier les données sur les écarts de salaires entre hommes et femmes. Pas un scoop : c’est en général une couple de fish and chips de plus par paye pour les hommes!
En Ontario, pour « s’assurer que les femmes obtiennent davantage de renseignements lorsqu’elles négocient une rémunération qui soit égale à celle de leurs collègues de sexe masculin », les employeurs devront obligatoirement inclure l’information sur la rémunération dans toutes les offres d’emploi publiques. Ce sera aussi interdit de sanctionner les employés qui discutent avec leurs collègues de… ben de salaire (ils mangent quoi les Ontariens?).
Faque, j’tu obligée de taire mon salaire?
Non. Même qu’au contraire, c’est smatte d’en parler.
Je dis pas de flasher votre talon de paye au prochain souper de famille (enchaînez avec une discussion sur les signes religieux tant qu’à y être). Mais en milieu de travail, si ça s’applique, soyez game de faire un Lucky Luke de vous-mêmes et osez être le premier à dégainer vos chiffres.
Pourquoi?
Parce qu’au Québec, on n’a pas de loi qui oblige les gars à dire combien de poutines ils se font offrir pour un contrat.
Parce qu’un ou une collègue qui me dit combien il gagne, ça m’aide à négocier deux-trois biscuits feuille d’érable de plus.
Parce que le tabou du cash, c’est souvent les patrons qui le perpétuent pour économiser une couple de puddings chômeur à la fin de l’année.
Parce que, who run the world?
Les boys, parce que les girls sont encore moins payées.
Pis il faut que ça change.
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La question de l’argent et ses tabous vous intéresse. Écoutez l’épisode de Zone franche ici!