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J’étais bien content de quitter ma job et maintenant je ne veux pas y retourner
«Là, j’ai repris le travail, mais avec aucune envie d’y retourner», confie Jérôme* qui occupe le poste d’assistant gérant dans un commerce de détail pour une marque de plein air depuis plus de trois ans. Si ça lui a fait du bien de revoir des gens et de socialiser après deux mois de pause, d’autres aspects de la reprise lui tapent sur le système. «Je ne suis pas content de retrouver les meetings interminables et les discussions post-COVID ou les gens racontent à quel point ils ont “grandi” avec cette expérience», dit-il.
Il est loin d’être le seul dans ce cas, et ce n’est pas étonnant quand on y réfléchit. Pour lui comme pour d’autres, le lockdown a été le moyen de faire le point sur son parcours professionnel. Une pause forcée, un bâton dans la roue infernale du système, un bogue dans la matrice dont certains ont profité pour s’éveiller et s’émanciper de leur quotidien.
C’est le cas de Mégane*, une food protection specialist qui a réalisé qu’elle voulait quitter après avoir fait du télétravail jusqu’à la mi-juin. «C’est un job qui me plait, mais c’est plutôt la compagnie qui ne répond pas vraiment à ce que je veux en termes de mentalité, avancement de projet et rythme de travail», explique-t-elle.
Alors, pilule bleue ou pilule rouge?
Le confinement: l’occasion de faire le point
Mi-mars. Le magasin où travaille Jérôme ferme et il est mis à pied temporairement. «J’étais content qu’on soit sur pause, ça m’a permis de faire le point». Un arrêt nécessaire pour lui qui évolue depuis 15 ans dans le commerce de détail, à grimper les échelons petit à petit. «J’ai pu focaliser sur des besoins primaires qui sont autres que monter dans la hiérarchie», raconte-t-il.
D’après lui, l’idée de partir était déjà présente, il y avait des «graines déjà semées dans mon esprit», comme il l’explique. Elles ont poussé grâce au confinement, jusqu’à devenir trop imposantes pour être ignorées. Même une récente augmentation ne l’a pas fait changer d’avis. «J’ai reçu une promotion et je gagne un peu mieux ma vie après être parti du salaire minimum. Mais malgré ça, la motivation n’y est plus».
Pour Mégane aussi, la réflexion s’est initiée pré-COVID. Elle a profité du lockdown pour planifier son départ. «J’ai posé mes objectifs et presque fini ma formation en vente. Grâce à ça, j’ai un plan pour partir, alors qu’avant, non. Le confinement m’a permis d’avoir plus de temps pour la concrétiser, cette idée.»
Besoin de changement
Jérôme fait part de son besoin d’un job qui a du sens, dans lequel il pourra s’épanouir et rendre service. Il se dit tanné des grandes entreprises aux concepts qui déshumanisent les relations interpersonnelles. «Il y a plein de fabuleuses techniques pour créer des faux semblants en termes de relations, et ça fait un moment que ça me gonfle et que je suis las», dit-il.
«Je vais montrer quoi à mon enfant? Que je fais une job qui ne me plait pas? Comment lui montrer le bon chemin si je ne suis pas foutu de trouver le mien?»
Il est également jeune papa, une raison supplémentaire pour partir. «Je vais montrer quoi à mon enfant? Que je fais une job qui ne me plait pas? Comment lui montrer le bon chemin si je ne suis pas foutu de trouver le mien?», argumente-t-il. Sans savoir encore vers quoi il veut se tourner, Jérôme souhaite reprendre des études qui l’amèneront à un métier ou il sera indépendant.
Alors qu’elle était en télétravail, Mégane a réalisé qu’être loin des distractions d’un open space la rendait plus efficace. «J’ai aussi eu moins de stress. Au bureau, la pression et la tension dans l’entreprise viennent me chercher.» Mais depuis qu’elle est revenue dans la compagnie, le stress a recommencé. «Même en étant sur place que trois jours par semaine, tu ressens la tension.»
Ce qu’on réalise avec la COVID-19
Mathilde*, une conseillère pédagogique, a compris que le poste qu’elle occupait n’était vraiment pas pour elle pendant le confinement, trop d’administratif et pas assez de pédagogie. Puis l’éloignement avec les collègues et l’absence de perspective d’un retour à la normale rapide a fini de la décider. «Il y a un côté psychologique avec la pandémie, ou tu te rends compte que déjà être en bonne santé c’est génial, et ça te fait réfléchir sur ta vie et sur ce que tu veux vraiment.»
C’est un avis partagé par Jérôme, persuadé que la crise sanitaire a redéfini ce qui est essentiel et ce qui l’est moins. Lui qui n’est pas citadin à la base aimerait un retour à la nature et aux choses simples. «Un peu plus de simplicité nous permettrait de mieux vivre ce genre de moments qui ont été difficiles», explique-t-il.
Avec la crise, Mégane a enfin eu l’occasion de se mettre plus sérieusement à sa passion, la peinture. «Je n’avais jamais eu le temps de développer mon style. Avec le télétravail, j’ai fait de la recherche, de la pratique, j’ai approché des galeries et j’ai même eu quelques clients», se réjouit-elle.
Quelle sera la suite?
Bien que sa décision soit prise, Jérôme ne souhaite pas précipiter sa réorientation. Il se voit reprendre des études d’ici un an. «Il faut quand même que j’aie une transition intelligente de sorte que ça n’impacte pas notre quotidien».
Pareil pour Mégane qui espère trouver un autre poste dans les ventes d’ici la fin de l’année. Elle ne se ferme pas à l’idée de rester dans la même entreprise, mais selon certaines conditions. «Je resterai si on m’ouvre l’opportunité pour que je fasse des ventes, j’essayerai au moins. Mais là, comme ça, non.»
*À la demande des intervenants, leurs noms ont été changés pour préserver leur anonymat.