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Jean-Yves Blais : le scientifique de la pêche qui fait mouche

« La pêche à la mouche, c’est un sport et un art, mais c’est avant tout une science. »

Par
Guillaume Whalen
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Auteur de deux encyclopédies sur la pêche à la mouche, détenteur d’un record Guinness pour « le monteur de mouches le plus perfectionniste » en 1990, inventeur d’une fausse symphe (une sorte d’appât incroyablement réel) figurant dans le Livre des inventions mondiales de 1991 et chroniqueur invité à La semaine verte, Jean-Yves Blais peut se vanter d’être sans doute le plus grand érudit de l’univers entomologique au Québec.

J’ai donc profité du fait qu’il habite à Chandler en Gaspésie pour aller rencontrer ce personnage mythique.

La biologie au service d’une pêche redoutable

Cette passion pour le monde des insectes et la pêche est née à Verdun, plus précisément aux rapides de Lachine, pour le seigneur des mouches. Il remarque à sa grande consternation que ça ne mord pas fort dans ce coin de l’île de Montréal. Pourtant, il voit de nombreuses truites bondir hors de l’eau pour gober de curieux papillons passant au-dessus des flots. Il décide alors de fabriquer un appât ressemblant à un moustique et les résultats sont immédiats. « Les truites faisaient la file pour goûter ma création », dit-il en rigolant.

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Jean-Yves Blais apprend alors sa première leçon : être plus intelligent que le poisson, qui ne se laissera pas berner par des appâts de pacotille. « Le poisson n’est pas dupe, il demeure très sélectif dans son menu. Il ne chatouillera pas une mouche qui ne figure pas dans son assiette », explique-t-il.

Intrigué par l’univers des invertébrés, il commence à suivre des cours en biologie à l’Université de Montréal à la fin des années 70 en tant qu’étudiant libre. Or, cet amoureux de la nature poursuivra cette éducation pendant une quinzaine d’années. Il se dirigera ensuite au ministère de la Faune pour peaufiner son savoir quatre années durant. « Au Ministère, j’ai eu accès à un coffre-fort recelant un trésor merveilleux : toutes les recherches scientifiques sur tous les poissons et les insectes du Québec », dit-il.

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Toujours sur les bancs d’école pour creuser davantage le sujet, Jean-Yves Blais voit sa fascination pour les bestioles porter fruit. Son talent inusité dans l’art de fabrication des appâts réalistes entre dans la légende puisque son nom sera inscrit dans le livre des records Guinness en 1990.

Non seulement peut-il recréer tous les insectes inimaginables, mais il peut très bien les nommer dans leur nomenclature latine. J’ai d’ailleurs dû le faire répéter souvent des Litobrancha recurvata ou des Ephemera simulans dans ses explications. Pour les curieux et curieuses, il s’agit de deux types d’éphémères, de petits insectes de 2 à 18 mm qui sautent en grand nombre sur les lacs et rivières et dont les truites raffolent. « Moi, les éphémères, c’est mon champ d’expertise. Il en existe 38 espèces différentes au Québec et je peux toutes les imiter le plus fidèlement possible », me lance-t-il fièrement.

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Une affaire qui peut rapporter de grosses prises

Bien que Jean-Yves Blais assemble ce type d’appât pour le plaisir, il peut tout même s’en sortir avec un beau pactole. À une certaine époque, il pouvait produire douze douzaines de mouches pour une journée de huit heures, à raison de six jours par semaine. « Je pouvais faire jusqu’à mille piasses par journée juste avec les mouches à saumon », me confie le Gaspésien de 68 ans.

Ainsi, en seulement 4-5 minutes, une fausse mouche est prête à plonger à l’eau, moyennant cinq à dix dollars environ pour se la procurer. Néanmoins, les enchères peuvent rapidement grimper. « Un pêcheur désespéré, qui veut absolument sentir qu’un poisson mord à sa ligne, est prêt est payé très cher pour une mouche de qualité. Y’a déjà quelqu’un qui m’a donné 50 $ pour une seule mouche! J’me sentais cheap d’accepter, mais il insistait pour absolument l’avoir! », raconte l’entomologiste, qui pratique cette science depuis maintenant 45 ans. « Disons que la marge de profit peut être assez élevée avec un pêcheur impatient. »

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Pour ceux et celles qui désirent agrémenter leur saison de pêche de belles prises, Jean-Yves Blais conseille d’apprendre quel type de mouche saura attirer le poisson tout en connaissant « sur le bout de ses doigts » la composition anatomique de chaque fausse mouche pour ne pas que le poisson y décèle le leurre.

Nous concluons justement l’entrevue puisque le travail l’appelle en raison de la folie de la pêche d’hiver à l’éperlan. Il doit s’atteler à la création de fausses crevettes. « Mais là, je ne dois pas créer une crevette générique, précise-t-il. À Gaspé, y’a seulement des éperlans arc-en-ciel qui nagent sous la banquise, et ils ne dévorent qu’un type précis du fruit de mer. »

Une chose est certaine; avec Jean-Yves a ses côtés, on peut être assuré.e que ça va mordre.

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