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Je suis passé à travers un terrible jeûne de dopamine pour que vous n’ayez pas à le faire

Aucun plaisir durant 24 heures. C'est long. Longtemps.

Par
Pierre-Luc Racine
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La COVID-19 a absolument tout changé. En quelques jours, la terre est passée d’un état normal à la panique. Quelque chose que je n’avais pas prévu quand j’ai accepté le défi de vivre cloîtré chez moi durant 24 heures.

Et j’ai manqué une partie de l’escalade des mesures sanitaires parce que j’étais dans le plus intense des isolements: un jeûne de dopamine. Aucun plaisir, aucune stimulation pendant 24 heures. Pas d’écran, pas de téléphone, pas de bouffe, pas de rien.

Cet article paraît quelques semaines après que l’expérience ait été accomplie, mais je me suis cloîtré chez moi le dimanche 15 mars 2020. La journée où le premier ministre a ordonné la fermeture de beaucoup de lieux publics. Est-ce que ne pas être au courant minute par minute m’aura aidé à calmer de l’anxiété? Est-ce que 24 heures sans stimuli a été une bonne chose? Est-ce que j’ai été plus productif le lendemain?

C’est ce que je vous confie à l’instant!

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La panique du début

Minuit. Je ferme tout. En plein milieu du deuxième donjon dans le jeu A Link To The Past sur ma Switch, j’éteins mon iPhone, ma Switch et ma télé. Je ne les rouvrirai plus durant 24 heures.

Comme je viens de manger un quatrième repas pour jeûner le plus possible, je glande une petite demi-heure dans le silence à faire de l’anxiété sur ma prochaine journée qui m’énerve déjà.

Je finis par me coucher. Je me réveille… douze heures plus tard! Eh oui! Parce qu’en temps normal, dès que je me réveille sans me rendormir pendant plus de quatre secondes, je me tourne vers mon iPhone, mais là, tout peut attendre. J’ai donc dormi un tour de cadran!

Je fais quelque chose que je n’ai pas fait depuis très longtemps: prendre le temps de me réveiller. Le matin, mon cerveau et mon corps sont comme une grande salle d’entrepôt où les lumières s’ouvrent une à une, mais je ne me laisse jamais le temps d’être fonctionnel avant de procéder avec mes activités du quotidien. Là, du temps, j’ai en masse. J’en ai trop. J’ai 720 minutes devant moi.

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Complètement isolé

Coincé en quarantaine avant que ça soit à la mode, je me demande ce qui va se passer. La veille, j’ai annulé ma soirée d’humour. J’ai une audition mardi et je ne sais pas ce qu’il va en devenir. Je ne sais pas non plus si tous les shows vont être annulés. J’ai aussi un enregistrement de mon podcast cette journée-là. D’ailleurs, avec tous mes revenus de spectacles qui s’envolent, est-ce qu’on va réussir par gagner quelques abonnés sur notre Patreon pour survivre?

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Habituellement, je me lève avec une certaine drive de «Yeah! Affrontons cette journée!» et là, je me suis levé comme un escargot. Je m’ennuie très rapidement. Je me sens comme si j’étais dans une salle d’attente et qu’on n’appelle jamais mon nom.

J’ai énormément d’interdits dans ma journée, mais j’ai le droit d’aller marcher dehors. En fait, ai-je le droit? Est-ce qu’on a viré comme en Italie où il faut un papier pour circuler dans les rues? Combien fait-il à l’extérieur? J’ai ouvert ma fenêtre comme si j’étais au Moyen Âge et que j’allais vider mon pot de chambre par la fenêtre.

Je regarde mes notes en ce moment et j’ai écrit qu’écrire à la main est épuisant et contre-productif.

Briser une règle

J’ai décidé que j’allais manger malgré le fait que je suis censé être en jeûne de tout. Par les temps qui courent, et le virus aussi, je ne peux pas laisser mon corps succomber à la famine et risquer d’affaiblir mon système immunitaire.

Le temps passe tellement lentement. J’ai noté: «Je viens de passer du temps à regarder mon plafond. Ça ne m’était jamais arrivé depuis le secondaire quand je finissais des examens trop rapidement et que je n’avais rien à faire. Ça fait 20 ans de ça!»

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Ensuite, j’ai découvert quelque chose: être méditatif, juste laisser aller et venir le flot de mes pensées fait avancer le temps. En plus, des introspections, ça ne fait jamais de tort.

Vers la fin

La journée a été une des plus ennuyantes de mon existence. À 22 heures, je me dis qu’il n’en reste que 120 minutes. Ça, c’est 7200 secondes. 7199, 7198, 7197…

À 23h, je vis un dilemme: aller me coucher ou survivre une heure pour être au courant de ce qui se passe dans la province et dans le monde. J’opte pour attendre mon heure et me récompenser en finissant le deuxième donjon dans A Link To The Past.

MINUIT!!! Bon sang! J’ai survécu! J’ouvre tout et je suis submergé sous les messages. Fuck. Tous mes shows sont annulés. Je réponds à tout le monde et je vais me coucher. Mais je ne m’endors pas, comment dormir après avoir passé la journée à ne rien faire? Je finis par m’endormir vers deux heures du matin.

Maintenant, les trois questions:

1- Est-ce que ça m’a fait du bien?

Un peu? J’imagine, au début. Je pense que l’idée d’attendre une heure avant de toucher quelque écran que ce soit ne soit pas farfelue. Ça permet de réfléchir, planifier sa journée et juste prendre le temps de respirer un peu.

2- Est-ce que ça a augmenté ma productivité?

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Absolument pas. Ma journée suivante a été identique à toutes mes journées. Absolument aucun changement notable n’a eu lieu. Niveau productivité, ce fut une perte de temps majeure.

3- Est-ce que je vais le refaire?

T’es tu malade?

Si oui, reste chez toi en quarantaine. Sinon, reste chez toi en quarantaine quand même!

En réalité, je crois surtout que l’expérience revient plus à cesser de faire un million d’affaires à la fois. Juste prendre le temps de respirer , d’arrêter d’avoir le nez collé dans son téléphone à rafraîchir nos réseaux sociaux qui n’ont plus rien d’intéressant à nous dire. Juste pour décrocher un instant. Et je suis pour ça, décrocher un instant.

Juste… pas pendant 24 heures.