Avec le lancement d’une marque sur la parentalité chez URBANIA, ça tombe dans le sens que j’écrive dedans de temps à autre.
Pas parce que j’ai des choses intelligentes à raconter, rassurez-vous (je suis une sorte de Marc Cassivi, mais avec des enfants qui écoutent des films de marde).
Non, plutôt parce que je suis un des seuls parents de la boîte, dans ce nid d’éco-anxieux, qui ont jeté leur dévolu affectif ailleurs que sur l’achat compulsif de chiens pandémiques.
Même notre boss, Rapha, traîne toujours Suzu, son chien affreux, qui vit dans l’espoir que nos miettes de bagel tombent par terre.
Zuckerberg bloque nos contenus, mais, par chance, pas nos photos de chiens. Le monde est sauf.
Un long préambule pour vous expliquer ma surprise la première fois que j’ai entendu que URBANIA lançait une marque pour « les parents détendus ».
Ça confirmait que ces gens n’ont aucune idée de quoi ils parlent. Voyons, tous les parents sont complètement patacrac, c’est connu.
Ceux d’élèves qui subissent la pression de devenir Laurent Duvernay-Tardif, ceux qui inscrivent leurs enfants dans des agences de casting (un vrai petit clown celle-là hihihi) pour devenir Rosalie Vaillancourt, ceux qui achètent des speedpass pour La Ronde, ceux qui traînent leurs petits génies à l’expo de Chagall en faisant semblant que ça vient d’eux, ceux qui hallucinent des diagnostics de douance pour pallier leur absence de contrôle parental, ceux qui vont au Cocothon, etc.
«Mollo, dans le fond, c’est un safe space pour se relaxer le pompon », explique-t-on dans le texte de présentation de la marque.
Bref, c’est comme une version intello urbaine de la Mère Ordinaire. Au lieu de vendre des t-shirts et des casquettes où l’on peut lire «À boutte» ou «Namasté tabarnak», nos produits dérivés diront « Vas-y.iel Mollo!» ou «Calme-toi le pompon!».
Par contre, nous on ne shamera pas les gens qui n’ont pas d’enfants, promis (on les jalouse même).
Heureusement notre cheffe de marque Gabrielle gère ça comme une pro et va chercher des talents à l’externe pour produire du contenu. Des gens qui ont des enfants, le plus possible. Parce que demander aux collègues d’URBANIA de s’exprimer sur la parentalité, ça serait un peu comme demander à Luke Skywalker ou Jaime Lannister de donner des conférences dans les écoles pour sensibiliser les jeunes aux dangers liés à l’inceste.
Voilà, la table est mise, revenons au sujet du jour: le temps qui passe et le désespoir de ne plus avoir de jeunes enfants (petite journée).
C’est ma plate réalité, hélas.
Hier, j’étais un jeune papa doté d’une coiffure luxuriante de fauve, le visage dénué de ride, puis PAF, me voilà du jour au lendemain devenu le géniteur has been de deux enfants ingrats sur le sentier sinueux de l’adolescence.
Quand j’essaye de ne pas y penser, Facebook nostalgie me le rappelle à coup de souvenirs de cette époque joyeuse où les enfants étaient encore adorables avec leurs petites joues croquables et leur voix boostée à l’hélium.
That ship has sailed en osti, et c’est pour moi un véritable deuil.
La vie est très mal faite si on s’y attarde. Quand t’es jeune, tu sors beaucoup et t’es toujours très hang over à l’anniversaire de tes petits chérubins.
Et là, plus t’avances en âge, plus t’es tranquille, tu développes de saines habitudes de vie et t’as envie d’aller écouter des contes de Barbada en joggant ou croquer dans des médailles avec eux après un mini-marathon.
Et même si ça me tentait encore, ça serait maintenant à sens unique.
Ma fille, Simone, 11 ans, et passe ses fins de semaine avec ses 18 000 amies. Mon gars de 15 ans, lui, vit dans sa chambre 24/7 lorsqu’il n’est pas à la polyvalente.
Comme s’il était en isolement dans À l’ombre de Shawshank, je dépose un plat de bouffe devant sa porte pour le reprendre une fois vide.
Nos rares échanges se déroulent dans un dialecte inconnu, fait de grognements et de borborygmes en mutation.
-Pis, fiston, il te reste un peu d’argent sur ta carte pour la cafétéria?
-BeuhhgnaaAAAAaaagneeEEeuugnarr!!*
*Silence vieux fossile, je n’ai point demandé à venir au monde!
D’une tristesse.
On était encore si proches, la veille. C’était même le plus colleux des deux.
Assis sur moi au cinoche jusqu’en sixième année. Je l’ai initié aux jeux vidéo, au iSaute, aux arcades du Starcité, aux pâtes semi-cuites (avec du sel), à Forrest Gump et à une foule de choses, pour m’en tirer au final avec une « discussion » par semaine, durant laquelle il se lamente du souper ou me trouve lourd d’exister.
Salement atteint du syndrome de Stockholm, je l’excuse en me disant que c’est normal, à l’adolescence, d’avoir nos hormones à spin.
Mais une question demeure: comment ai-je pu passer de David Bowie à Nicolas Ciccone en aussi peu de temps?
Juste l’autre jour, à la rentrée des classes, je lui ai souhaité une belle journée et il m’a grogné « lourd » en roulant des yeux.
Pas de farce, là.
Je suis pas niochon, je sais que c’est pas nouveau de se sentir déconnecté de nos enfants, que c’est une étape normale dans la parentalité. Je ne vais pas juste parler de ça non plus, juré craché.
Au pire, il me reste ma fille, la pauvre, pour absorber tout mon amour paternel refoulé. Elle a déjà un pied dans l’adolescence, mais une portion d’elle accepte encore d’être vue en société avec moi. Parfois, elle me donne même la main sur le chemin de l’école.
Mais la transition est violente. On rentre à peine de six mois de voyage en famille, où on a été tous les quatre ensemble, 24/7.
Cette cassure brutale au retour revêt une dimension tragique.
Le mal s’est infiltré en Amérique du sud, où l’on a contemplé impuissant l’élévation de ce mur de plus en plus étanche entre nous et nos enfants.
Ça a commencé subtilement avec ma fille qui passe devant les parcs sans s’arrêter au Chili. Ensuite, les conversations qui s’espaçaient insidieusement avec mon gars.
Puis au détour d’une nuit, les enfants préféraient leur cell à une game de Uno en attendant notre bouffe au resto*.
*À leur défense, c’est plate en tabarnak le Uno.
Au retour, tu jubiles la première fois où tu passes du temps sans eux. Le constat du premier samedi où ils se gèrent et que tu retrouves ta vie comme dans l’temps (cocaïne sur le cul de ta blonde en écoutant du Yann Tiersen).
Ta vie avant de te lever aux aurores pour écouter Toupie et Binou.
Ta vie avant de te lever à l’aube pour aller à une pratique d’hockey à l’aréna Père Marquette, en février.
Ta vie avant de souffrir des spectacles de danse en costume de Elsa la reine des neiges quatorze fois par jour.
Tu jubiles, mais juste au début.
La première fin de semaine de lousse revient vite, puis encore et ainsi de suite.
Puis au bout de deux mois vient ce constat désarmant: osti, c’était juste ça être parent!
Eh oui, sans même t’en apercevoir, ton rôle de parent en devient un de figurant. Tu punches maintenant juste ta carte de responsabilité, quand tu te fais téter un lift.
Get ready, les 76 345 comédiennes qui ont fronté le 7 Jours avec la quote « être maman est le plus beau rôle de ma vie ».
Depuis ce sevrage forcé, je suis en craving.
Lorsque je me promène sur la rue Masson, je dévisage les jeunes parents derrière leur poussette remplie d’un humain flambant neuf. Les salopards.
Même ces néo-géniteurs ont une baby face et arborent une face de sortie aux pommes. Ils m’énervent. J’ai juste envie de les brasser et de leur beugler: ADÈLE VA T’ABANDONNER, TOI AUSSI!! ARGG!
Je suis à un trench coat d’avoir l’air d’un prédateur rôdant autour de l’école en regardant les maternelles comme un junkie en convulsion.
En plus, je suis devenu cette personne sans filtre qui se jette sur les parents pour-leur-dire-d’en-profiter-parce-que-ça-passe-vite.
J’aimerais m’excuser d’ailleurs d’avoir voulu défenestrer tous les fatigants qui m’ont fait le coup à l’époque.
VOUS AVIEZ RAISON, mais je n’étais juste pas prêt.
-Ah il a quel âge ce beau bébé-là?
-Quinze mois
-(calcul dans ma tête) Ah! Il va bientôt marcher si ce n’est pas encore fait, le bel âge! Profitez-en! Ça passe vite!
-Ouais ouais ben ben vite…(face ravagée par quinze mois de nuits blanches).
Par chance, on peut se rabattre sur Samuel, deux ans, le fils de mon frère cadet, venu mettre un peu de lumière dans la nuit de notre parentalité passée date.
Un bébé placebo enjoué qui saute sur commande, chante la Ferme à maturin et imite les sons des animaux.
-Samumu! Le tigre, il fait quoi?!
-Waarrrrrrrrr
Si j’avais une lampe magique, mon premier vœu serait de reculer mes enfants de cinq ans drette là!*
Dix et six ans, deux âges formidables.
Des âges où ils t’accueillent comme Bono en Afrique juste pour avoir réussi l’exploit de rentrer un mardi soir à la maison après ton shift.
Des âges où la poubelle de sa chambre sert à jeter des kleenex seulement à cause d’un rhume.
Des âges où le brainstorm du costume d’Halloween commence en avril.
*Les deux autres vœux sont secrets ar ar ar.
Est-ce que je vais devoir me fabriquer une deuxième famille comme tout le monde? La tentation est forte. Comme je suis riche et célèbre, les occasions ne manquent pas en plus.
Ma collègue Maudé serait down, je crois.
D’un autre côté, ma blonde a mis la barre haute dans la catégorie « mère de l’année ».
Récidiver, ça serait courir le risque d’être déçu.
Surtout si ma future jeune épouse insiste pour faire un gender reveal party ou appeler notre enfant Jayden ou Ax-Elle. Ah oui, ça implique de recommencer à acheter des couches et magasiner Sophie la girafe, même si elle est toujours en rupture de stock.
En attendant de vous retrouver ici, un conseil: barrez vos portes si vous me voyez rôder dans les parages, surtout si vous avez de jeunes enfants.
Un kidnapping est si vite arrivé et ça fait longtemps que je ne suis pas allé au Funtropolis.