À la SPCA de Montréal, « il n’est pas rare » que des individus apportent leur animal de compagnie pour le faire euthanasier. Par contre, il arrive que l’animal ne soit ni malade ni blessé. « C’est simplement parce que leur propriétaire n’a plus les moyens de s’en occuper », déplore la directrice générale de l’organisme, Laurence Massé.
« Beaucoup de gens se disent que personne d’autre qu’eux-mêmes ne peut bien s’occuper de leur animal, alors ils préfèrent le faire euthanasier plutôt que de le confier à quelqu’un d’autre », poursuit Mme Massé.
En prenant un animal en charge, la SPCA de Montréal ne s’engage cependant pas à l’euthanasier, même si cela est le souhait de son propriétaire. « Si l’animal présente des défis de santé auxquels on peut pallier, on va lui laisser une chance », nuance sa directrice générale.
Des coûts sous-estimés
Hormis les refuges, les cliniques vétérinaires aussi sont confrontées à cette situation, note le Dr Gaston Rioux, président de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec. « C’est une réalité, et c’est toujours un contexte difficile, témoigne-t-il. Ce sont des décisions qui sont crève-cœur pour tout le monde. »
« Il y a des gens qui ne sont pas conscientisés ou qui n’ont pas réfléchi avant d’adopter un animal, soulève la vétérinaire et bioéthicienne Caroline Kilsdonk. Ils n’ont pas considéré tous les frais qui viennent avec. »
Selon des données de l’Association des médecins vétérinaires du Québec, il en coûte annuellement jusqu’à 2 210 $ pour prendre soin d’un chien de petite race et jusqu’à 3 203 $ pour un chien de grande race.
Pour un chat adulte, il peut en coûter jusqu’à 1 751 $ par année s’il demeure à l’intérieur et jusqu’à 2 108 $ pour un chat d’extérieur.
Pour un chat âgé, il faut prévoir entre 2 344 $ et 2 701 $ par année.
Ces sommes incluent l’examen de santé annuel de l’animal, ses vaccins, la médaille réglementaire, les gâteries et les produits dentaires, la nourriture et autres accessoires de base. Ces montants excluent d’autres frais qui pourraient survenir, comme des examens ou des prélèvements à analyser en laboratoire, des radiographies ou l’achat d’une police d’assurance.
« Tout ça, il faut y penser avant même d’adopter, rappelle le Dr Rioux. Un chihuahua ne coûtera pas aussi cher en nourriture qu’un saint-bernard ou un grand danois… »
Avant d’en arriver là
C’est également sans compter les dépenses encourues par un accident ou une maladie que l’animal pourrait développer. L’euthanasie est alors parfois envisagée par des propriétaires qui n’ont pas les moyens de débourser pour les frais médicaux qui ont aussi augmenté au cours des dernières années.
Laurence Massé est catégorique. « Au cours des dernières années, on a observé une hausse des abandons en raison des frais vétérinaires, souligne-t-elle. Tout coûte tellement cher : les gens ont du mal à payer leur épicerie, donc dès qu’il y a un imprévu médical chez leur animal, ils se retrouvent mal pris. »
Madame Massé note toutefois qu’il coûte parfois moins cher de traiter rapidement un petit mal pour éviter qu’il ne s’aggrave et que la facture gonfle.
« Une vétérinaire m’a déjà dit que les gens attendent de plus en plus avant de consulter parce que c’est cher, mentionne-t-elle. Mais s’ils attendent trop, ça peut devenir beaucoup plus coûteux parce qu’on va se retrouver à soigner quelque chose qu’on aurait pu guérir ou prévenir plus tôt. »
Plusieurs scénarios à envisager
Les vétérinaires sont aussi en droit de refuser d’euthanasier un animal qu’ils jugent récupérable. « Dans une telle situation, il faut toutefois donner l’opportunité au client de s’adresser à un autre professionnel », souligne le Dr Rioux.
Les vétérinaires ont parfois des solutions alternatives à proposer, ajoute Dre Kilsdonk.
« Il y a des [euthanasies] qui sont inévitables, admet-elle. Mais dans certaines circonstances, il existe d’autres possibilités, et c’est pour cette raison qu’il faut en parler avec le vétérinaire, pour choisir ce qui convient à votre budget, vos conditions de vie et vos désirs. Parfois, on peut financer certains traitements, mais ceux-ci demandent beaucoup de temps. »
Dans l’intérêt de sauver l’animal, certains vétérinaires offrent aussi des ententes de paiement pour étaler la dépense et la rendre plus abordable. Il est aussi possible, notamment avec Accord D, de financer les soins.
Avant de commettre l’irréparable, si l’animal peut encore être sauvé, pensons aussi aux refuges, plaide la vétérinaire. « Si l’euthanasie n’est pas envisagée parce que la vie de l’animal est en danger ou parce qu’il s’agit d’un chien dangereux, mais parce qu’on n’a plus les moyens de le garder, le refuge ou le confier en adoption à un proche est une meilleure option », note la Dre Kilsdonk.
Une assurance ou pas?
De plus en plus d’assureurs offrent une couverture pour les soins vétérinaires, qui coûtent entre quelques dizaines et quelques centaines de dollars chaque mois. Ces programmes couvrent une partie des frais vétérinaires en cas d’urgence médicale, de soins dentaires ou d’accident, entre autres.
Toutefois, à peine 2 % des propriétaires d’animaux auraient contracté une telle assurance, indique Laurence Massé.
Le Québec est d’ailleurs la juridiction nord-américaine où les assurances pour animaux de compagnie se font les plus rares. « Actuellement, les assurances ne sont pas très chères, parce que c’est relativement nouveau, explique le Dre Kilsdonk. C’est pertinent de le recommander, mais une personne pourrait aussi se faire un coussin pour parer les imprévus. »
Le Dr Rioux est aussi d’avis que de prévoir un « coussin » financier en cas d’urgence vétérinaire est aussi valable que de détenir une assurance. « Il est prudent de réserver une somme en cas de problème, rappelle-t-il. Un animal avec une espérance de vie de dix, quinze ou vingt ans, finira par avoir des problèmes de santé en prenant de l’âge. Il peut aussi avoir un accident. Un fonds de prévoyance pourrait vous éviter des décisions difficiles. »
Cet automne, la SPCA de Montréal ouvrira une clinique vétérinaire abordable pour les propriétaires d’animaux à faible revenu. Financée grâce aux donateurs de l’organisme, la clinique offrira certains traitements et des interventions à une fraction du prix de ce qu’il en coûterait dans une clinique privée.
« Imaginons qu’un chien avale un corps étranger, comme un bas, illustre Laurence Massé. Normalement, ça coûterait entre 3 500 $ et 5 000 $ pour le faire retirer. Nous, on veut l’offrir en bas de 1 000 $ pour sauver la vie d’animaux qui, autrement, n’auraient peut-être pas cette chance. »