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J’ai survécu à ma dette d’études
54,10$
C’est le montant qui a été prélevé dans mon compte par le gouvernement, le 24 décembre dernier. L’ultime paiement sur une dette d’études de 10 700 $ et des poussières, contractée dans le but de faire une maîtrise en littérature comparée. Très mauvaise idée, en passant. Avant d’entamer des études universitaires, assurez-vous de savoir ce que vous voulez faire dans la vie. Ne choisissez pas juste un domaine où vous êtes bons.
Avant d’entamer des études universitaires, assurez-vous de savoir ce que vous voulez faire dans la vie.
Ça m’aura pris presque neuf ans à coup de paiements minimums de 104,95$ pour y arriver, mais j’ai finalement vécu ce sentiment d’accomplissement digne du montage d’entraînement de Rocky IV que (presque) tous les diplômés souhaitent vivre un jour.
Le processus m’aura cependant laissé plutôt amer à propos de l’impression de gratuité scolaire que l’on a lorsqu’on reçoit des prêts et bourses (pas mal plus de prêts que de bourses) chaque mois et de la business de l’éducation au Québec en général.
C’est gratuit, mais c’est pas gratuit
Je sais, je sais. 11 000 balles pour deux ans d’études supérieures, c’est pas si pire. J’ai également eu la chance d’avoir de l’aide parentale durant mon baccalauréat (et un boulot de caissier au café des résidences de l’Université de Montréal), sinon je n’écrirais pas cet article aujourd’hui.
Les Américains l’ont bien pire que nous. De l’autre côté de la frontière, la même maîtrise m’aurait coûté entre cinq et dix fois le prix. Mais pour paraphraser Émile Proulx-Cloutier lors de la crise étudiante de 2012: c’est pas parce que ton voisin a la jambe coupée qu’il faut pas que tu soignes ton hémorragie.
Pour paraphraser Émile Proulx-Cloutier lors de la crise étudiante de 2012: c’est pas parce que ton voisin a la jambe coupée qu’il faut pas que tu soignes ton hémorragie.
L’admission à l’université au Québec est RE-LA-TI-VE-MENT abordable, mais pas gratuite. À l’UdeM, il m’en coûtait plus de mille dollars par trimestre juste pour y être enregistré comme étudiant. Ces coûts s’élèvent à 1765,48$ en 2020. Ça, c’est sans compter les livres, le matériel de cours et autres dépenses afférentes. Et j’suis même pas encore rendu au coût de la vie: l’appart, l’électricité, le téléphone, etc.
C’est raisonnable, maaaaiiiis, c’est cher en criss pour un ti-cul de 19 ans qui vise DANS LE MEILLEUR DES CAS, un boulot dans un hôtel pour subvenir à ses besoins.
Les prêts et bourses, est-ce que ça aide vraiment?
Je comprends qu’une université, c’est une machine qui coûte de l’argent à entretenir. Faut payer les profs, le personnel et s’occuper des infrastructures un minimum.
Cet argent-là, il faut le redonner après. Que vous ayez une job dans votre domaine ou pas, le gouvernement s’en sacre.
C’est là que l’aide gouvernementale entre en ligne de compte. Les mythiques prêts et bourses qui ont l’air d’argent gratuit lorsqu’on les reçoit dans notre compte de banque en début de session. C’est une poussée dans le dos providentielle qui permet de pouvoir se consacrer à ses études, de dormir la nuit et de ne pas se casser le cul de 32 à 40 heures semaines sur une job qui pourrait être faite par un robot ou par un singe bien entraîné.
Sauf que cet argent-là, il faut le redonner après. Que vous ayez une job dans votre domaine ou pas, le gouvernement s’en sacre. Un an après la fin de vos études, vous allez systématiquement commencer à payer que vous soyez prêts ou non.
Donc, est-ce que ça aide? Oui et non. C’est un cadeau empoisonné. La pression que ça enlève pendant les études vient nous rattraper sur le marché du travail.
Arriver avec une dette dans les cinq chiffres sur le marché du travail, c’est pas idéal. Quand on a 24-25 ans et pas d’expérience avec les institutions bancaires, on s’accroche au premier boulot qui nous permettra de payer les factures en attendant de convaincre un employeur intéressant qu’on a assez d’expérience et/ou l’envie assez brûlante de faire nos preuves pour faire partie de son équipe.
Donc, est-ce que ça aide? Oui et non. C’est un cadeau empoisonné. La pression que ça enlève pendant les études vient nous rattraper sur le marché du travail.
La vie avec 1259,40$ en plus par année
Le montant en lui-même n’est pas intimidant. C’est environ 3% de ma paye annuelle, claire d’impôts.
Je ne compte pas mettre cet argent tombé du ciel à la guise d’un plan de vie quelconque. Je veux simplement l’utiliser pour mieux vivre. Ne pas voir un montant de 104,95$ siphonné automatiquement au début de chaque mois sera ma plus grosse victoire.
Aujourd’hui, j’ai une job que j’aime et qui me convient. J’ai travaillé fort et j’ai été chanceux jusqu’à un certain point. Cette maîtrise qui m’aura coûté presque une décennie de paiements n’y aura joué qu’un très petit rôle.
Ne pas voir un 104,95$ siphonné automatiquement au début de chaque mois sera ma plus grosse victoire.
La morale de cette histoire, c’est qu’on nous vend les études universitaires (et les coûts afférents) comme un passeport vers une vie stable et productive, mais si on ne sait pas ce qu’on veut faire dans la vie… c’est peut-être mieux de prendre du temps pour soi et de répondre à ces questions existentielles, ces années folles passées à l’université ne deviendront que de beaux souvenirs et un paiement préautorisé de 104,95$ qui passe dans votre compte chaque mois.