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J’ai suivi un cours de yoga au studio du « guĂ©risseur de l’utĂ©rus »

Une sĂ©ance sans chien tĂȘte en bas, mais avec des points d'interrogations.

Par
Jasmine Legendre
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Cette semaine La Presse+ publiait une enquĂȘte troublante sur le directeur (ou ex-directeur) d’Osteoyoga, Patrick Salibi, qui se serait servi de son Ă©cole de yoga pour abuser de ses Ă©lĂšves. CensĂ© ĂȘtre dĂ©diĂ© au bien-ĂȘtre, ce lieu se serait rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre un cauchemar pour une trentaine de clients. Triste paradoxe.

En fĂ©vrier dernier, on avait eu vent par la page Facebook « Safe Yoga MTL » qu’il se tramait quelque chose au studio de yoga de la rue St-Joseph. J’avais donc dĂ©cidĂ© de suivre l’une de leurs classes gratuites pour comprendre le mĂ©canisme derriĂšre cette Ă©cole. Un cours de 2h oĂč se contorsionnent une vingtaine de personnes, tant hommes que femmes, tant universitaires que retraitĂ©s.

CensĂ© ĂȘtre dĂ©diĂ© au bien-ĂȘtre, ce lieu se serait rĂ©vĂ©lĂ© ĂȘtre un cauchemar pour une trentaine de clients.

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J’arrive au studio qui ressemble plus Ă  un appartement qu’à un local commercial. Une salle de bain privĂ©e avec deux accĂšs fait office de vestiaire. D’ailleurs, l’un de ces accĂšs est verrouillĂ©, impossible de savoir sur quoi il dĂ©bouche. Je me change en vitesse, quelqu’un de l’organisation pourrait entrer dans la piĂšce par cette porte sans avertissement. Il faut dire que je suis sur mes gardes vu le portrait que l’on dresse du directeur Patrick Salibi : un homme dĂ©crit comme dangereux et qui remet en question l’« émancipation » de la femme. Heureusement, plus de peur que de mal, j’enfile ma tenue de sport sans ĂȘtre dĂ©rangĂ©e.

Sur son site web maintenant supprimĂ©, mais encore accessible (du moins au moment de publier ces lignes) via ce lien, on peut lire dans l’un des articles signĂ©s par Salibi : « Notice the lies being systematically shared [
] That your body is your property and you can do what you want with it; that the mark of a truly emancipated woman is the number of sexual partners she has consumed
 and most importantly, that man and women are equal, that whatever he does, you can do it better. »

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Dans le mĂȘme article, il explique aussi que la vaginite ne serait qu’un symptĂŽme de la mauvaise comprĂ©hension de mon corps et de mes envies. Avoir su


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C’est Marie qui est responsable de cette sĂ©ance d’« enlightenment ». À l’aide d’un squelette reprĂ©sentant le corps humain, elle commence par nous expliquer les principes de l’osteoyoga, Ă  mi-chemin entre l’ostĂ©opathie et le yoga, comme vous l’aurez compris.

Le cadre thĂ©orique est celui de son « maĂźtre », Patrick Salibi. L’idĂ©e, si on rĂ©sume, c’est que selon lui, on pourrait devenir notre propre ostĂ©opathe et se guĂ©rir nous-mĂȘmes.

DĂšs le dĂ©part, elle y va de thĂ©ories qui laisseraient sur sa faim n’importe quel esprit scientifique. Puis, Ă  la maniĂšre de ceux qui renomment les mĂ©dias d’information les « merdias », elle nous dit qu’on est obnubilĂ©s par une sociĂ©tĂ© dĂ©formĂ©e par la presse. Que l’on tente de nous vendre une rĂ©alitĂ© et qu’on veut tellement s’y conformer qu’on n’entre plus en relation avec la nature de notre corps.

À la maniĂšre de ceux qui renomment les mĂ©dias d’information les « merdias », elle nous dit qu’on est obnubilĂ©s par une sociĂ©tĂ© dĂ©formĂ©e par la presse.

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Elle poursuit. Tous les problĂšmes de santĂ© que nous rencontrons (tensions dans nos membres, migraines, rhumes) dĂ©coulent d’une mauvaise Ă©coute de notre corps. Elle va mĂȘme jusqu’à rĂ©pondre Ă  une femme atteinte de scoliose qu’elle peut vivre avec sa condition qui, selon elle, serait le rĂ©sultat d’annĂ©es de mauvaises relations avec son corps. Comment? En conditionnant sa colonne Ă  s’arrimer avec le reste de son organisme afin de ne plus ressentir la douleur. Un suivi mĂ©dical? Pas besoin.

On entre (enfin) dans la phase « yoga » du cours. J’utilise les guillemets, parce que ça n’a rien Ă  voir avec les autres sĂ©ances auxquelles j’ai dĂ©jĂ  assistĂ© dans d’autres studios. Pas de « chien tĂȘte baissĂ©e » ou de « cobra », juste de lĂ©gĂšres contorsions sans nom qu’on maintient trop longtemps. On gĂšle. Ça se termine par une quinzaine de minutes de repos. J’ai froid.

Bref, un deux heures de yoga qui n’en Ă©tait pas vraiment, assorti de thĂ©ories farfelues sur l’origine des maladies et sur les pistes de guĂ©rison, hypothermie en prime. Une chance que c’était gratuit.

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À la pĂ©riode de questions suivant la «sĂ©ance», je m’informe sur l’atelier de 6h offert Ă  la mi-fĂ©vrier qui se nomme « GuĂ©rison de l’UtĂ©rus ». Ça coĂ»te 125$.

Sur le feuillet d’information qui m’est remis, on peut lire : « À travers les constructions sociĂ©tales, la femme de nos jours, plus que jamais, a accĂšs Ă  “tout” ce qu’elle souhaite. Pourtant, malgrĂ© ce mouvement de “libĂ©ration” et “empowerment”, plusieurs sentent au fond d’elles-mĂȘmes une profonde insatisfaction. [
] Existe-t-il une autre possibilitĂ© pour soi-mĂȘme? »

On peut se questionner sur le processus d’«auto-guĂ©rison» du «Womb» inventĂ© par un homme qui se faisait aller les hashtags #respectthedick et #penisenvy.

J’aurais voulu en savoir plus sur cette autre « possibilité », mais toutes les sĂ©ances ont Ă©tĂ© annulĂ©es Ă  la suite de la fermeture du site. On peut toutefois se questionner sur le processus d’«auto-guĂ©rison» du «Womb» [utĂ©rus] inventĂ© par un homme qui se faisait aller les hashtags #respectthedick et #penisenvy. Un homme qui nous dit sur son blogue que « le vagin est vide » et que « le seul cadeau que l’on peut se faire c’est de mettre en lumiĂšre tous les mensonges et de se supporter en allant vers le vrai, quelque chose qui donne la vie: le pĂ©nis. »

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Patrick Salibi semble, depuis peu, se tenir loin de sa pratique d’osteoyoga. Elle a toutefois Ă©tĂ© reprise par l’ancienne co-directrice du centre, Brigitte Pogonat. Dans la derniĂšre infolettre hebdomadaire que j’ai reçue le 4 avril, on peut lire qu’elle « travaille fort au dĂ©veloppement de [son] nouveau projet ». Projet, menĂ© par des femmes, dont Marie (selon les photos et les tags de leurs pages), qui se nomme Womb Enlightenment Collective.

Site web, pages Facebook et Instagram, ainsi que vidĂ©os YouTube commencent Ă  jaillir sur les diffĂ©rentes plateformes. La mĂȘme recette qui a propulsĂ© Patrick Salibi. On rĂ©utilise aussi essentiellement le mĂȘme vocabulaire, le mĂȘme champ lexical : «Qu’est-ce que c’est que d’ĂȘtre une femme de nos jours ? À une Ă©poque oĂč l’on peut ĂȘtre «tout ce qu’on veut» et avoir accĂšs Ă  autant d’informations, comment savoir qui NOUS SOMMES rĂ©ellement ? Notre essence unique en tant que femme ? Comment ĂȘtre en paix avec qui l’on est et se reconnecter Ă  notre propre POUVOIR / SAGESSE ? »

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Une question reste donc en suspens : est-ce que les méthodes reprochées à Patrick Salibi vont simplement se poursuivre sous un autre nom?

Pour plus d’informations sur cette enquĂȘte, Ă©coutez ce segment Ă  Drainville PM.

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