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J’ai perdu mon emploi. Je dis quoi à ma fille?

L’argent ne fait pas (toujours) le bonheur.

Par
Brigitte Hébert-Carle
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Un mardi matin ensoleillé de mai, j’ai perdu ma job. Après 7 ans à la même agence de pub, on m’a montré la porte pour cause de problèmes financiers. Je ne l’ai pas vu venir. Mes économies et mon « plan de retraite » ont mangé toute une volée, et mon avenir professionnel soudainement incertain m’a forcée à me mettre en mode serrage de ceinture. Mais le plus grand choc, ça a été de devoir expliquer à ma fille ma nouvelle réalité financière : pourquoi maman a dû vendre sa voiture; pourquoi maman dit plus souvent non qu’avant à l’épicerie devant les petites gâteries?

À 4 ans, est-ce qu’elle saisit le concept d’argent ou de limites budgétaires? Quels mots doit-on utiliser pour expliquer que les choses ont changé?

On peut se garder une p’tite gêne

Isabelle Landry, travailleuse sociale au CIUSS depuis 30 ans, me rassure tout de suite. Un enfant d’âge préscolaire ne comprend pas vraiment le concept de réalité financière. Et si ma situation familiale change, je ne suis pas tenue de lui expliquer en long et en large les variations vertigineuses de mon compte en banque.

« Un enfant vit dans le concret et le moment présent, explique-t-elle. Il n’a pas besoin de savoir que le parent a perdu son emploi, surtout si la situation est transitoire. L’important, c’est de s’en tenir à ses questions. »

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Avant de paniquer en voyant mes économies fondre comme un pop sicle au soleil, j’ai commencé par absorber la nouvelle. Perdre un emploi, c’est traumatisant. Personnellement, j’ai dû prendre un « deux minutes » avant de même penser le verbaliser à ma fille.

Camoufler son anxiété

Il est possible qu’elle soit trop jeune pour prendre conscience de ma nouvelle réalité financière, mais elle risque toutefois de ressentir mon stress. Cet été, l’anxiété s’est invitée chez nous comme Fred et Alicia dans une maison mixte d’OD, et selon Isabelle Landry, c’est là que le danger guette. « Si le parent transmet ses inquiétudes à son enfant, sa déception, sa peine, ça peut se compliquer », affirme-t-elle. L’enfant reproduit bien souvent les comportements de son modèle parental, il est donc préférable d’aller chercher les outils nécessaires pour mieux gérer son anxiété. On évitera que l’enfant s’inquiète pour des raisons qui ne lui appartiennent pas.

J’ai quand même fini par vendre ma voitureet j’ai commencé à dire non plus souvent à ma fille, quand elle me demandait de lui acheter des trucs non-essentiels, comme une quatorzième poupée. J’ai eu peur que ces changements ne l’inquiètent. Selon la travailleuse sociale, la clé de la transition budgétaire en douceur est dans l’attitude du parent.

« S’il adapte son budget et ses dépenses, s’il est confiant dans sa façon de faire et s’il est rassurant en informant son enfant qu’il n’est pas possible d’acheter tel ou tel truc, l’enfant comprendra que son parent ne peut pas l’acheter. »

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Si je n’ai pas les moyens d’offrir à ma fille des chaussures neuves avec des lumières à 65 dollars cette année, elle devrait pouvoir se contenter d’une version bien correcte et moins scintillante d’une paire de chaussures simple et fonctionnelle. Ou même de seconde main! Et si ma fille est déçue de ses nouveaux souliers pas-si-neufs-que-ça? Voyons le côté positif : pour le prix des souliers neufs du magasin, elle peut facilement en avoir quatre paires usagées.

Des moments de qualité, sans culpabilité

Changer de réalité financière, même temporairement, amène son lot de culpabilité parentale. Surtout quand on ne peut pas offrir des vacances de rêve à son enfant. Tandis que ma fille a vu ses amis traverser le pays, ou même l’océan, on a dû se contenter d’une semaine à Québec dans la maison prêtée d’une amie. En période d’incertitude, certains choix doivent être faits, même s’ils viennent avec une déception. « Si l’enfant dit vouloir partir en vacances comme son ami, on lui explique ce qui est prévu pour notre famille et on l’accompagne dans l’acceptation. On lui dit que chaque famille fait ses propres choix, que chaque situation est différente. » Il y a toutes sortes de façons de passer du temps de qualité avec son enfant. Pas besoin de se rendre au Château de Versailles pour ça. Parfois, un simple tour d’escaliers roulants à la Place Versailles peut faire l’affaire.

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Et pour ce qui est de la culpabilité, selon Isabelle Landry, elle n’appartient qu’au parent. « C’est à lui de trouver les moyens de gérer ce sentiment afin d’éviter de le transmettre à son enfant », dit-elle. Cette culpabilité est souvent causée par un excès d’empathie. Il est normal de se soucier du bien-être de nos tout-petits, mais sont-ils vraiment en manque de quelque chose, ou faisons-nous de la projection sur leurs besoins non-comblés?

On n’a peut-être pas le contrôle sur nos finances, mais on a certainement le contrôle sur notre comportement et sur ce qu’on dit à nos enfants.

Personne n’est à l’abri d’une période financière difficile, qu’elle soit transitoire ou permanente. Dans les derniers mois, j’ai appris à faire des choix, parfois crève-cœur, et à mieux gérer mon anxiété, ce qui m’a permis de retomber sur mes pieds et de mieux m’adapter à ma nouvelle vie. Ma fille ne semble pas plus malheureuse qu’une autre, j’essaie d’assumer mes décisions et de lui faire voir le beau côté des choses. Après tout, l’argent ne fait pas (toujours) le bonheur!

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