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J’ai magasiné les soldes avec un pro des rabais
Dans un peu plus d’une semaine, ce sera le Black Friday, ou le Vendredi fou, un moment attendu (ou redouté) par plusieurs pour finaliser (ou commencer) l’achat des cadeaux de Noël à prix réduit.
Mais pour moi, le Black Friday, ça me rappelle surtout une fin de semaine à New York en 2008, alors que cette journée de frénésie de consommation avait pris une tournure dramatique. Cette année-là, un employé de Walmart, Jdimytai Damour, s’était fait piétiner à mort par des clients affamés de rabais. J’ai vu les images tourner en boucle. Depuis ce temps-là, les soldes ont un petit arrière-goût d’horreur pour moi.
J’ai jamais été une grande adepte de rabais. Un psychologue pourrait peut-être m’éclairer à savoir si c’est lié à mon traumatisme de Black Friday d’adolescence, mais chose certaine, je ne cours pas les soldes et j’achète probablement trop souvent à prix régulier.
Par contre, cette année, j’ai été surprise de voir atterrir plusieurs aubaines « pré-Black Friday » dans ma boîte courriel. Est-ce que ces soldes avant les soldes en valent vraiment la peine? La meilleure personne que je connaisse pour répondre à la question, c’est Patrick Perrier.
Petit cours d’économie du rabais
Sous ses allures de gars qui ne se fait pas trop remarquer parmi les centaines de clients qui défilent dans les grands magasins pendant les soldes, il pourrait cacher un habit de superhéros. Un homme aux pouvoirs extraordinaires qui vous sauvera du fléau des dépenses inutiles et du destin financier tragique que vous réserve une laveuse payée trop cher. Son arme de prédilection : la patience.
Il y a quelques mois, j’ai voulu mieux comprendre la game des rabais (et diminuer mon anxiété face à mes achats), et c’est à ce moment que j’ai fait appel à Patrick pour la première fois.
On s’est donné rendez-vous dans un grand magasin d’électronique de la rue Sainte-Catherine à Montréal. Quelques jours avant le retour en classe de septembre, la vente Back to School battait son plein. Belle occasion de m’éduquer sur les soldes, même si « 75 % des rabais sont vraiment ordinaires », selon lui.
Tout d’abord, il paraît que ça fonctionne à peu près de la même manière chez tous les grands détaillants. Le prix régulier d’un item sera affiché pendant une certaine période, mais bien souvent, lorsqu’il est réduit une première fois, l’offre reviendra pendant l’année ou sera encore meilleure si l’objet est en écoulement de stock.
L’affaire, c’est que c’est parfois difficile de savoir s’il s’agit du bon moment. Les derniers chiffres d’un prix peuvent toutefois vous aider, affirme Patrick. On voit des xx,95$, xx,97$ et des xx,99$. Chacune des variantes indiquerait si c’est à prix régulier, en rabais ou en liquidation. Lorsqu’on connaît bien un magasin, ces petits détails peuvent être utiles. Patrick, lui, tire ces informations des vendeurs ou en ligne sur des forums.
On commence notre magasinage. Première promotion : 899$ pour une télévision 4K full equipped, large comme le mur de mon trois et demi. Elle affiche un rabais de 100$ sur le prix initial. Le premier réflexe de Patrick est de regarder le prix suggéré du détaillant, mais aussi de googler l’offre des compétiteurs. Ailleurs, on affiche la même télévision, au même prix de 899$, mais en indiquant un rabais de 400$. Si les prix ne sont pas trafiqués, les rabais semblent l’être.
Le rabais est plus attrayant chez le compétiteur, mais au final, le prix payé est le même. Marketing psychologique, quand tu nous tiens.
Est-ce que ça existe de fausses réductions? Parfois. La compagnie La Baie a récemment accepté de payer 4,5 millions de dollars pour régler une poursuite qui la visait pour des pratiques commerciales trompeuses en lien avec des rabais. Mais dans le cas de cette télévision, les deux boutiques ne se sont probablement pas fiées à la même tarification de base pour afficher leur prix final. Le rabais est plus attrayant chez le compétiteur, mais au final, le prix payé est le même. Marketing psychologique, quand tu nous tiens.
Il faut toutefois porter une attention spéciale aux grandes ventes. « Pour des occasions comme le Black Friday ou le Boxing Day, il n’est pas rare de voir certains produits en version “spéciale”. Par exemple, les nouvelles télévisions sont généralement lancées au printemps. Par contre, il arrive que de nouveaux modèles apparaissent quand même, peu avant ces événements, avec des rabais qui semblent impressionnants. En réalité, ce sont plutôt des modèles mis en marché spécifiquement pour cette vente. » Eh ben!
« Il faut aussi faire attention aux ventes dans les outlets. Certaines entreprises fabriquent des produits de moindre qualité spécialement pour ces magasins. Encore une fois, ce sont des produits fabriqués spécifiquement pour être vendus à rabais », affirme Patrick. Alors non, vous n’avez pas vraiment économisé 500$ sur votre manteau Burberry aux outlets de Mirabel. Ce n’est probablement qu’une version cheap qui coûte moins cher. Eh ben (bis)!
Une référence pour son cercle d’amis
Évidemment, quand tu as un consommateur ultra averti dans ton cercle d’amis, tu utilises ses connaissances. Patrick ne tient pas de documents Excel de rabais, ne regarde pas frénétiquement les circulaires et utilise encore moins des centaines de coupons lorsqu’il passe à la caisse. Par contre, il s’abonne aux infolettres qu’il fait automatiquement transférer dans un dossier de sa boîte de réception et s’en sert lorsqu’il a un achat à faire. « J’ai des amis qui devaient refaire leur cuisine et ils s’intéressaient à celles du IKEA. J’ai regardé mes messages archivés et j’ai su que chaque année, à telle date environ, il y avait une vente sur les cuisines. » Simple, mais faut y penser.
Barbara-Judith, la directrice des contenus numériques chez URBANIA, m’avait donné une mission pour mon incursion dans le monde des rabais : lui trouver un iPad moins cher que le prix affiché sur le site d’Apple. Le problème, c’est que cette compagnie fait rarement des ventes. J’en parle à Patrick.
On s’installe alors à l’ordinateur de la boutique pour consulter le site d’Apple. C’est là qu’il me parle des produits remis à neuf, une alternative moins chère que l’on devrait considérer davantage. On trouve alors exactement la tablette que Barbara voulait, mais à 70$ de rabais. En fouillant dans ses infolettres, il trouve une autre twist : une vente VIP s’en vient, avec un rabais de 50$.
En ne sachant pas exactement ce que l’on veut, et en laissant les commerçants nous dire quoi acheter, on se fait souvent avoir et on paie généralement trop cher pour nos gadgets.
Je suis fascinée par la rapidité de ses recherches. « J’ai toujours eu un grand intérêt à comprendre les stratégies employées par les entreprises, comment elles tentent de se distinguer, de faire croître et de fidéliser leur clientèle, m’explique-t-il. J’ai également un intérêt pour les nouvelles technologies, j’ai donc tendance à me tenir informé des nouveautés sur le marché. » Bref, en ne sachant pas exactement ce que l’on veut, et en laissant les commerçants nous dire quoi acheter, on se fait souvent avoir et on paie généralement trop cher pour nos gadgets.
À notre sortie du magasin, il m’apprend qu’il regarde actuellement pour une nouvelle voiture. Le même type que je magasine depuis quelques mois. « Es-tu abonnée à un gym? », me demande-t-il. Oui, mais pas au même que lui. Sinon, j’aurais pu avoir un rabais de 500$ chez un concessionnaire.
Là est la nuance entre lui, vous (probablement) et moi. Il porte une attention aux petits détails qui peuvent sembler futiles pour la plupart des gens. Et puisqu’il fait ses recherches de façon hyper précise, comme en se rendant au Salon de l’auto même s’il n’est pas un amateur de voitures à la base, il sait quelle voiture perd plus rapidement de la valeur en sortant du concessionnaire et il cible mieux ses besoins. Oui, ça peut prendre un certain temps être aussi informé (et le temps c’est de l’argent), mais il m’assure qu’il trouve plaisir à en apprendre davantage sur les qualités d’un produit.
C’est comme ça qu’il réussit à acheter une paire de bottes d’hiver à la politique de retour exceptionnelle et qu’il en aura une autre paire gratuite lorsqu’elles brisent. Parce qu’un superhéros des rabais a aussi besoin de bottes d’hiver!
Et les soldes pré-Black Friday dans tout ça?
Quand j’ai vu toutes ces publicités indiquant 10-15-20% de rabais récemment, j’ai recontacté Patrick pour savoir si ça vaut la peine d’acheter à rabais avant le Black Friday. « Il est rare que les prix offerts au Black Friday soient plus élevés que ce qui était offert juste avant, car les détaillants tentent de se démarquer pour attirer la clientèle chez eux, dit-il. Pour cette raison, j’aurais tendance à attendre le Black Friday plutôt que de profiter des soldes des semaines précédentes », me fait-il savoir dans un échange de courriels.
Voilà, c’est dit. Mais pourquoi faire des ventes avant la grande vente, au juste?
« Les ventes pré-Black Friday, c’est un peu comme les autres ventes régulières (Black Friday d’été, Boxing Day d’été, la fameuse grande vente sous la tente ou encore le solde du déménagement en juillet par exemple). Ce sont des prétextes pour mettre de l’avant des promotions, qui ne sont pas nécessairement mauvaises si quelqu’un a besoin d’un produit rapidement, mais qui ne sont généralement pas exceptionnelles si quelqu’un est prêt à attendre. »
Alors vous êtes peut-être mieux de faire comme Patrick et vous armer de patience!