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Investir dans une compagnie de pétrole pour réduire les émissions de gaz à effet de serre

Être actionnaire et activiste, ça se peut. Bienvenue à l'ère du Nasdaqtivisme.

Par
Myriam Selhi
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Activisme actionnarial. Le nom a quelque chose d’attrayant qui excite mon carré rouge intérieur. L’activisme, ça me parle. Aurait-on enfin atteint le moment de sincérité de la société moderne où les mécanismes parlementaires s’insinuent dans la toute-puissante finance mondiale afin de parer sa préséance sur le pouvoir citoyen? Genre, mais relaxons un peu. Prenons le taureau de Wall Street par les cornes et commençons par le début.

De quoi parle-t-on exactement?

L’activisme actionnarial, en gros, c’est quand des actionnaires qui ont une cause à cœur se regroupent (et regroupent leur argent) pour détenir assez d’actifs pour participer aux réunions annuelles de sociétés cotées en bourse. À partir de là, ce groupe acquiert droit de parole et de vote, et participe aux décisions de la compagnie, parfois au point de se présenter au conseil d’administration.

Si certains groupes s’en servent pour maximiser leurs profits à court terme, plusieurs organisations utilisent ce pouvoir d’investissement pour exiger de meilleures pratiques environnementales, sociales et de gouvernance d’entreprise. Voici quelques exemples.

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Activisme actionnarial version Accord de Paris

Aux Pays-Bas, il n’y a pas que des sabots-souvenirs et des restaurants indonésiens. Le géant du pétrole Royal Dutch Shell y a son siège social. Mais Follow This, un groupe d’activisme actionnarial écologiste, vient de remporter une grande victoire auprès de la pétrolière.

Le fondateur du mouvement, Mark Van Baal, a utilisé le poids de ses 4500 actionnaires pour entraîner la multinationale dans le virage vert. Sous les pressions de Follow This, le conseil d’administration de Shell a accepté dernièrement d’associer le salaire de ses dirigeants à la réduction d’émissions de gaz à effet de serre, selon les objectifs fixés à la COP21.

Un autre défi accepté par Shell, quoique plus nébuleux, consiste à ce que la compagnie se porte garante d’une partie de la pollution générée par ses clients d’ici 2050. Un engagement inédit dans l’industrie pétrolière.

Activisme actionnarial version Black Lives Matter

De ce côté-ci de l’Atlantique, le logiciel de reconnaissance faciale Rekognition d’Amazon fait couler de l’encre depuis que plusieurs associations citoyennes ont commencé à soulever ses erreurs d’identification – accrues dans la population noire – et les possibles dérapages de cette technologie entre les mains de la police.

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Lors de la réunion annuelle de la société dirigée par Jeff Bezos la semaine dernière, deux motions ont été présentées par des actionnaires activistes. La première, présentée par Sisters of Saint Joseph, une congrégation religieuse de New York, demande qu’Amazon s’abstienne de vendre le logiciel aux forces de l’ordre à moins de prouver l’absolu respect des droits fondamentaux des citoyens.

La seconde motion conditionne la vente du logiciel aux différents organes policiers aux conclusions d’une étude indépendante sur la portée éthique de ce type de surveillance. Les fonds de pension de la ville de New York, détenteurs d’un milliard de dollars d’actions d’Amazon, ont déjà annoncé que leur appui dépendrait des conclusions de cette étude.

Activisme 30 millions d’amis

La réputée organisation de défense des animaux PETA a acquis au mois de mars 2019 suffisamment d’actions de Levi’s pour avoir droit de cité dans les décisions du géant de la mode. L’objectif : se débarrasser des emblématiques écussons de cuir sur lesquels le fabricant de denim indique la marque et le modèle de jeans.

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People for the Ethical Treatment of Animals est d’ailleurs une association pionnière de ce type d’activisme. Depuis 1987, elle a eu recours au militantisme boursier à plusieurs reprises pour intervenir lors d’assemblées de Procter & Gamble, McDonald’s, DuPont, General Electric et plus récemment Canada Goose.

Ô Canada

Chez nous, la Shareholder Association for Research and Education (SHARE) représente un total de $22 milliards de fonds qui sont investis dans des compagnies qui reflètent leurs valeurs sur l’équité salariale, le respect des communautés autochtones, les changements climatiques, la rémunération des PDG des entreprises, la transparence des bilans, etc. En 2018, l’association a poussé 11 compagnies à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, pour un total de 4,3 millions de tonnes, en plus d’inciter six entreprises à élire des femmes à leur conseil d’administration pour la première fois.

La responsabilité boursière signifie-t-elle un changement de paradigme? Le nerf de la guerre peut-il devenir le vecteur du progrès?

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Convenons que depuis que le capitalisme existe, il aurait pu s’appliquer à devenir un outil de démocratisation des opportunités. Mais on sait que les dés sont pipés et que quand on naît avec trois poules on a plus de chances d’accéder à des REER que quand on vient au monde avec -300 poules.

Peut-être que l’activisme actionnarial est une façon de réduire les écarts entre propriétaires de volaille, mais on est encore loin d’ouvrir les cages.