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Incursion dans le monde de la pêche blanche à Gaspé
En tant que néo-Gaspésien, je croyais avoir tout vu depuis le temps que j’y suis déménagé, mais non. Clairement, la Gaspésie regorge de surprises. Après l’apparition des panaches sur le hood des chars gaspésiens cet automne pour la chasse à l’orignal, c’est au tour aux cabanes de pêche de surgir sur la banquise de la baie de Gaspé.
Bienvenue au cœur d’une tradition saisonnière : la pêche sur glace à l’éperlan.
Une hibernation à la Gaspésienne
Dès qu’une couche de glace de plus de douze pouces se forme sur la baie, les locaux s’empressent d’y construire des habitations colorées pour y rester durant tout l’hiver. Les quelque 75 cabanes présentes cette année donnent l’image d’un curieux village autonome au milieu de la ville. « Mon quotidien se passe sur la baie. Je ne vois pas l’hiver passer! », s’exclame Conrad Boulay, un féru de la pêche à l’éperlan depuis qu’il est haut comme trois pommes.
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En effet, cet exil en périphérie du centre-ville de Gaspé perdure jusqu’au 15 mars, date limite où la ville tolère les pêcheurs et pêcheuses pour des raisons de sécurité. « Je me sens privilégié d’habiter ici. Peu d’endroits au Québec jouissent d’un environnement propice pour l’activité. À ma connaissance, seuls Rimouski et Miguasha dans la Baie-des-Chaleurs disposent d’un plan d’eau convenable, qui ne subit pas trop les forces des marées avec de grosses vagues », explique Jean-Louis Fortin, un vieux loup de mer gaspésien qui ne manque aucun hiver pour se réfugier dans son havre de paix exigu.
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« C’est parfait pour se ressourcer. Je m’installe confo, je mets de la musique, je fume mes tops et j’attends le poisson. Quand j’ai besoin d’air, je sors et je placote avec mes amis avec qui je partage la même passion pour la pêche », me raconte Jean-Louis Fortin, alors accompagné par son gendre Ghislain Therrien, qui a fait le chemin depuis Québec uniquement pour la fin de semaine.
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Même son de cloche pour Conrad Boulay qui arrive tous les matins à 6 h afin de préparer les huttes pour la journée et quitte seulement à 21 h. Une routine répétée chaque jour sans qu’il éprouve aucune lassitude de ce train de vie hivernal, m’assure-t-il.
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Depuis que le Gaspésien a pris sa retraite en 2012, la pêche à l’éperlan est devenue son nouveau projet de vie. « Avant, je trouvais l’hiver excessivement long, raconte-t-il. Je tournais en rond et mangeais mon pain noir. Alors je me suis dit que j’allais construire ma propre cabane et une autre pour mes chums. » De fil en aiguille, il est devenu propriétaire de six cabanes rouges, toujours réservées pour la journée, affirme le principal intéressé, bien heureux de son succès, qui lui permet de « vivre ses vieux jours dans la paix financière ».
Un microcosme tissé serré
Mon passage dans ce village d’irréductibles pêcheurs a été marqué par la joie contagieuse des gens qui y passent l’hiver. « Pendant le temps des Fêtes, je jette constamment des coups d’œil par la fenêtre pour voir si la glace gèle. J’ai hâte de voir mes chums! », relate Conrad Boulay. C’est pourquoi les cabanes sont assemblées en deux temps, trois mouvements, « plus rapidement qu’un meuble IKEA », puisque tous les adeptes s’entraident dans la construction.
« Quand je prendrai ma retraite, je déménagerai à Gaspé pour rejoindre mon beau-père et pêcher l’éperlan avec lui tous les hivers », me confie Ghislain Therrien.
«Je réussis à récolter des quantités qui me nourrissent très longtemps et qui me permettent de faire des soupers fort agréables avec ma famille»
Malgré une limite quotidienne de 120 éperlans par personne, il n’est pas rare de voir les pêcheurs et pêcheuses lever l’ancre plus tôt que prévu tellement le poisson mord à l’hameçon. J’ai moi-même pu constater le potentiel de prises du spot, puisque mes entrevues étaient bien souvent entrecoupées par un éperlan pris au piège.
« Je réussis à récolter des quantités qui me nourrissent très longtemps et qui me permettent de faire des soupers fort agréables avec ma famille », se réjouit Jean-Louis Fortin.
Si jamais vous voulez tenter l’expérience de la pêche blanche à la sauce gaspésienne, on suggère de réserver votre place dès les petites heures du matin jusqu’au début de l’après-midi afin de vous immerger dans la faune foisonnante de la baie de Gaspé et espérer attraper un tas de poissons.
À noter que les réservations de cabanes partent rapidement et que ces dernières peuvent contenir jusqu’à quatre personnes (mais c’est mieux d’y aller en duo si on ne veut pas être tassés comme des sardines).
« Vous arrivez et vous êtes servis. Les lignes sont prêtes, les trous sont percés, le petit poêle est allumé pis y’a du bois pour la journée. Y’a juste à mettre la crevette sur le croc et pêcher au chaud! », conclut Conrad Boulay, sourire aux lèvres. Si vous êtes chanceux, vous aurez peut-être même droit à un lift en motoneige pour accéder à votre cabane!
Bonne pêche!