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Homme infertile, homme non viril
Des études récentes démontrent un déclin de la fertilité : la qualité du sperme diminue et malheureusement, le pourcentage d’hommes infertile augmente.
Sébastien Haché, humoriste, parle ouvertement sur scène de ses propres enjeux de fertilité. Souvent, après ses spectacles, des spectateurs venaient à lui pour livrer leurs propres témoignages, ce qui l’a motivé à lancer son balado Tirer à blanc : histoires d’infertilité. Sébastien confie que ça reste difficile (même pour lui) de trouver des hommes qui osent témoigner sur le sujet.
L’humoriste a l’impression que les gens confondent souvent l’impuissance et l’infertilité, ce qui explique pourquoi les hommes se font plus discrets.
Suite à ce constat, la question se pose : est-ce que l’infertilité est taboue parce que l’on associe la qualité du sperme comme étant un indicateur de virilité ? Et si oui, pourquoi fait-on cette association ?
De son côté, Loryanne-Héllène Gauvin, sexologue en périnatalité, confie qu’elle reçoit plus de femmes que d’hommes dans son bureau. Toutefois, elle dit avoir plus de consultations en ce qui concerne l’infertilité et les deuils périnataux qu’auparavant. « Les préoccupations des hommes ont évolué puisque le rôle des hommes au sein des grossesses a changé : ils sont plus impliqués. On dispose aussi de beaucoup plus de connaissances sur le sujet. La plupart du temps, c ’est une bonne chose d’avoir plus d’informations, mais ça peut aussi apporter de l’hypervigilance », explique-t-elle.
Se sentir inadéquat
Sébastien a su qu’il était infertile après avoir passé un spermogramme, soit un test qui analyse le sperme en le qualifiant de bon ou de mauvais. L’examen est au cœur du processus de fécondation in vitro et vient accentuer l’importance d’avoir un sperme de « bonne qualité » – ce qui peut être confrontant et apporter un stress important aux hommes qui le subissent.
À travers leur processus en fertilité qui a duré quatre ans, Sébastien et sa conjointe ont connu beaucoup d’essais-erreurs. C’est d’ailleurs ce que l’humoriste a trouvé le plus difficile : « Les espèces de montagnes russes, de trouver la bonne recette, dans ce que je m’injecte et chaque fois, c’était un trois mois d’essai », explique-t-il.
« Ça donne un coup ! C’est difficile parce qu’on est programmé à vouloir se reproduire, pis là, tu me dis que l’affaire la plus naturelle du monde, que tout le monde fait depuis des millions d’années, moi, je ne peux pas le faire », me confie l’humoriste.
Ça ne date pas d’hier
Le courant essentialiste développé par Darwin met en lumière la théorie de la sélection sexuelle. Celle-ci suggère que les caractéristiques biologiques augmentent les chances de reproduction et de survie, ce qui favorise le processus évolutif. Si on suit cette idée, la qualité du sperme serait donc intrinsèquement liée à la capacité de l’homme à fertiliser avec succès les ovules de sa partenaire.
Une meilleure qualité du sperme sera ainsi perçue comme un avantage évolutif, ce qui pourrait expliquer l’association à la virilité qu’on en a faite.
La théorie de la sélection naturelle suggère donc que les hommes qui ne sont pas fertiles seraient moins « méritants ».
Un autre aspect qui accentue cette association désuète, c’est la pornographie, qui a longtemps été la seule option pour s’éduquer. « La représentation du sperme au sein de la pornographie de type mainstream joue aussi un rôle important sur la perception des hommes. Le pénis et le sperme sont souvent au premier plan, d’où l’association entre virilité et fertilité », poursuit Loryanne-Héllène.
Déconstruire, une joke à la fois
OK, mais maintenant qu’on a des cours d’éducation à la sexualité dans les écoles, pourquoi cette association existe-t-elle toujours ? « La socialisation, c’est quelque chose de très complexe, c’est ancré culturellement. C’est difficile et long à déconstruire. La preuve, c’est que nos parents et grands-parents ont encore des discours très genrés. Les petits garçons sont encore invités à être forts et à ne pas se montrer vulnérables. Il faut du temps pour sensibiliser la population et pouvoir espérer changer réellement les mentalités », explique Loryanne-Héllène.
C’est une des raisons qui motive Sébastien à intégrer ce sujet « délicat » à ses projets humoristiques. « Quand tu prends un contenu super sérieux et que tu l’enrobes de blagues, ça devient un contenu soudainement bien plus digeste. C’est comme mettre une pilule dans du Nutella. »
Si vous ou un de vos proches avez besoin de soutien et d’informations sur l’infertilité, voici quelques ressources :
Vivre avec l’infertilité de Susan Bermingham (coup de cœur de Sébastien)
Sperm counts : overcome by man’s most precious fluid de Lisa Jean Moore (référé par Loryanne-Héllène, sexologue)