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Hommage aux bibliothèques, temples de la gratuité

Dans cet enfer ultra-capitaliste, les bibliothèques sont un dernier refuge.

Par
Pier-Luc Ouellet
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Depuis que je suis jeune, j’entends des gens critiquer le capitalisme. Avant, je ne comprenais pas vraiment ce que ça voulait dire, mais on commence à le savoir pas mal, là; pendant que les ultra-riches deviennent de plus en plus ultra-riches, le reste de la population a une difficulté grandissante à manger et se loger. Sans compter que la planète se meurt sous la tonne de cossins qu’on produit quotidiennement.

Et on se fait facturer pour tout, tout, tout. Il reste à peu près juste l’eau et le soleil qui sont gratuits, mais ça aussi, ça achève. On tente de privatiser tout ce qui ne l’est pas déjà, des soins de santé à l’éducation.

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Mais, tel un village gaulois, il reste une institution qui résiste tant bien que mal aux sirènes du capitalisme : celle des bibliothèques. Un lieu de partage, de gratuité, d’entraide qui est au service de la population et de rien d’autre. Les bibliothèques sont bien plus qu’un entrepôt de livres poussiéreux. Elles sont un lieu d’inclusion et, permettez-moi d’en mettre un peu, un rouage essentiel de la démocratie.

Accompagnez-moi dans cet hommage aux bibliothèques.

La gratuité, une rareté

Connaissez-vous beaucoup de choses qui sont gratuites, vous? Même l’inscription à l’école secondaire, qui est supposée être gratuite pour tous, coûte souvent des centaines de dollars, ce qui donnait bien des sueurs froides à mes parents pas spécialement riches.

Mais à la bibliothèque, tout est gratuit. Pour vrai (tant que vous êtes résidents de la municipalité où se situe votre bibliothèque). Question de rendre ça encore plus accessible, beaucoup de bibliothèques ont mis fin aux fameux frais de retard. Fait que si vous avez oublié un livre pendant 6 mois sur le divan, pas besoin de paniquer.

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Une gratuité comme ça, sans condition (ou presque, faut quand même ramener vos emprunts), c’est rare de nos jours. Mais les bibliothèques bénéficient d’un luxe qu’on ne se permet plus aujourd’hui; elles n’ont, d’aucune façon, besoin de produire un profit. Au lieu de devoir plaire à des actionnaires, elles ont une mission beaucoup plus importante qu’on a oublié aujourd’hui : prendre soin de la population.

Ça fait donc des bibliothèques un lieu unique où tous les milieux se côtoient; vous trouverez des enfants qui viennent lire des bandes dessinées, des étudiants qui viennent réviser ou chercher du matériel pour leurs travaux de session, des personnes âgées qui viennent passer le temps, des universitaires qui cherchent des ouvrages rares et des gens plus démunis qui viennent profiter de l’air climatisé et de l’internet gratuit.

Et c’est parfait comme ça. Connaissez-vous un autre lieu où tous les milieux se côtoient, en parfaite égalité? C’est ça qu’on pensait.

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Je suis un gros fan de jeux vidéo, mais quand j’étais étudiant, j’étais beaucoup trop pauvre pour me permettre de m’acheter de nouveaux jeux. Je me nourrissais de ramen et de pois chiches en conserve; vous comprendrez que mon budget PlayStation était mince comme peau de chagrin.

C’est là que je suis vraiment tombé en amour avec les bibliothèques. Parce que oui, beaucoup de bibliothèques prêtent des jeux vidéo, de la génération Xbox 360/PS3 aux jeux tout neufs de PS5 et Xbox Series X. Y’a même des bibliothèques qui prêtent carrément des consoles.

Des jeux vidéo gratis, qu’est-ce que tu veux de plus?!

Des services variés

Naturellement, on associe les bibliothèques aux livres, mais c’est loin d’être juste ça. Comme je l’ai dit précédemment, les bibliothèques prêtent aussi des jeux vidéos, mais encore là, on effleure la surface. Vous voulez des jeux de société pour votre party mais vous avez pas envie de payer le gros prix? Bibliothèque. Besoin d’une imprimante 3D? Bibliothèque. Vous voulez apprendre la guitare? La bibliothèque prête des instruments. Besoin d’un local pour une réunion? Bibliothèque.

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Certaines bibliothèques offrent même des semis pour que vous puissiez faire pousser des plantes et des légumes (pas besoin de leur redonner), ou du matériel de plein air, si vous voulez profiter de l’hiver, mais que vous n’avez pas les moyens de vous acheter des raquettes et des bâtons.

Et ici aussi, je ne fais qu’effleurer la surface, car elles offrent aussi une foule de cours, des langues à la fabrication d’avion en papier, en passant par des cours de danse ou de prévention de la fraude pour les aînés.

Bref, les bibliothèques font de tout, tant que ça peut aider les usagers. Oubliez l’image de la bibliothécaire qui vous regarde avec dédain et qui vous crie « chut! » dès que vous respirez un peu fort. Il y a plus de chances que les vraies prennent de vos nouvelles pis vous demandent si y’a pas quelque chose qu’elles pourraient faire pour vous aider.

L’antidote aux augmentations de Netflix

Vous trouvez que ça commence à être cher pas mal, 21 $ par mois pour Netflix, surtout que vous pouvez plus partager le compte avec vos parents et votre tendre moitié?

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La bibliothèque a des milliers de films et de séries à vous prêter gratuitement. Et c’est pas mal mieux que les services de streaming, niveau choix.

J’ai un amour démesuré pour Louis 19, le roi des ondes, une comédie québécoise des années 90 mettant en vedette Martin Drainville. Récemment, je voulais réécouter ce bijou du cinéma québécois, mais c’était impossible de le trouver où que ce soit. Il n’est sur aucune plateforme de vidéo à la demande, il n’est pas en vente sur iTunes, il n’est sur aucun autre service du genre et les DVD sont en rupture de stock depuis 20 ans. Bref, c’est un film qui, suite à la fermeture des clubs vidéo, a été oublié de tous.

Sauf des bibliothèques. Après des jours de recherche, j’ai décidé d’aller voir si la BAnQ avait un exemplaire du film. Deux clics plus tard, une copie du film était réservée à mon nom et il m’a suffi d’arrêter à la bibliothèque en revenant du travail pour pouvoir réécouter Louis 19 (et oui, c’est toujours aussi bon).

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L’accessibilité pour tous

Tsé, quand on vous disait plus tôt que les bibliothèques sont un des rares lieux accessibles à tous, on parlait pas juste d’argent; c’est aussi une ressource incroyable pour les personnes en situation de handicap.

Non seulement elles sont accessibles pour les gens en fauteuils roulants ou à mobilité réduite, mais les bibliothèques offrent aussi des livres en braille ou en gros caractères pour les malvoyants ainsi que des livres audio pour les gens aux prises avec de l’analphabétisme (oui, pas besoin de savoir LIRE pour aller à la bibliothèque), entre autres choses.

Et si vous êtes trop à mobilité réduite pour pouvoir même vous rendre à la bibliothèque, certaines bibliothèques offrent même de vous envoyer vos emprunts par la poste. Vous pouvez aussi réserver des livres numériques et les lire directement sur votre liseuse ou votre tablette.

Un troisième lieu pour tous

Mais au-delà des prêts d’affaires le fun et des économies que ça peut engendrer, les bibliothèques sont importantes parce qu’elles sont un troisième lieu, c’est-à-dire un lieu en dehors du travail et de la maison, ouvert à tous, sans discrimination.

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C’est l’un des rares endroits où on peut se tenir sans être obligé de consommer quoi que ce soit. Essayez de penser à un seul autre endroit à l’abri des intempéries où on ne vous demande pas d’argent pour avoir le droit d’exister. Partout ailleurs, ce serait du flânage. À la bibliothèque, c’est simplement être un usager.

Mais ces lieux sont importants, surtout quand on vit dans la pauvreté au sein d’un logement bondé, ou quand on est dans une situation difficile à la maison, notamment de violence.

Justement, les bibliothèques se font une mission d’aider la population. Vous avez des documents gouvernementaux à remplir, mais vous ne savez ni lire et ni écrire (où vous n’êtes simplement pas familiers avec la bureaucratie)? La bibliothèque va vous aider.

Vous êtes un immigrant, un sans-abri, vous vivez de la violence conjugale et vous ne savez pas vers qui vous tourner pour obtenir de l’aide? Les bibliothèques sont outillées pour vous aiguiller.

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Et ce n’est pas un lieu stigmatisant. Si vous vivez de la toxicité à la maison, mais que les refuges vous intimident, peut-être que les bibliothèques, où vous croiserez des gens de tout horizon (des travailleurs, des étudiants, des enfants, des artistes et autres), seront un peu plus rassurantes pour vous.

Les bibliothèques sont un lieu unique où tout le monde est le bienvenu, et surtout, où tout le monde a droit à de l’aide, gratuitement.

Emprunter et résister

Je sais que tout ça avait l’air d’une infopub, et pourtant non; c’est juste que quand on parle de bibliothèques, je deviens très très enthousiaste. Je rêve d’un monde où le partage et l’égalité seraient des valeurs fondamentales, et où on se préoccuperait davantage du bien-être de tous, peu importent leurs conditions médicale ou financière, que du profit des actionnaires.

Et on a déjà un lieu qui fonctionne sous ce mode : les bibliothèques. Pourtant, elles doivent faire des pieds et des mains pour se démarquer et attirer la population en son sein.

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Elles ne demandent pas votre argent; seulement que vous franchissiez leurs portes et profitiez de leurs services gratuits. Empruntez un livre, une BD, un coffret DVD d’une série qui n’est pas disponible en ligne, un jeu vidéo, inscrivez-vous à des cours d’autodéfense féministe (oui, c’est un vrai cours), plantez des choux à la mode de chez nous, bref, participez à la vie de la bibliothèque!

Un autre monde est possible. Et tout ce qu’il faut pour y accéder, c’est une petite carte en plastique.