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Hommage à l’époque pas si lointaine des CV en papier

Du temps où se trouver une job était encore une activité DIY et amusante.

Par
Vincent Descôteaux
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Les jeunes d’aujourd’hui (je sonne déjà comme Jocelyne de Radio Enfer) vont-ils encore porter des CV en format papier? La question se pose, car avec le manque actuel flagrant de main-d’œuvre et le fait qu’internet soit une très belle invention, ce serait surprenant.

À la limite, je les imagine plutôt porter un seul CV dans n’importe quel fast-food pour ensuite se faire répondre : « Parfait, tu commences dans 20 minutes et ça ne me dérange pas que tu aies 11 ans ». Sans blague, je n’aurais jamais pensé voir le jour où des enfants cuisineraient leur premier junior au poulet avant même de commencer leur puberté.

Bref, c’est toute une génération d’ados qui ne connaîtront probablement jamais le rituel très étrange de présenter son CV en format papier. Je vais donc rendre hommage à cette époque révolue où l’on chassait un emploi à pied, à vélo ou lifté par nos mères.

l’art d’imprimer un CV avec rien dessus

Le premier truc qu’on nous enseignait en éducation économique (RIP ce cours qui expliquait les impôts à des ados du secondaire), c’était d’imprimer des CV d’une page seulement. Un défi facile à relever quand on n’a aucune expérience de travail. Essentiellement, on se ramassait avec une feuille de papier qui disait qu’on était ponctuel, fiable, honnête et qu’on avait déjà fait du bénévolat.

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Le dernier point était généralement inventé de toute pièce et invalidait automatiquement la mention d’honnêteté présente quelques centimètres au-dessus.

C’était aussi un moyen de prouver qu’on était assez débrouillard pour trouver une imprimante, qu’on savait écrire sans fautes et qu’on était capable de marcher de chez nous jusqu’à un commerce présélectionné sans endommager un document.

Un premier CV papier contenait nos coordonnées (la ligne fixe de la maison familiale), nos qualités (être un adolescent), nos expériences pertinentes (souvent une compilation de mensonges) et nos objectifs professionnels dans la compagnie (s’acheter un scooter).

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Aujourd’hui, je réalise que c’était un peu le premier test pour vérifier notre niveau de rigueur et que ce test, je l’ai échoué plusieurs fois. C’était aussi un moyen de prouver qu’on était assez débrouillard pour trouver une imprimante, qu’on savait écrire sans fautes et qu’on était capable de marcher de chez nous jusqu’à un commerce présélectionné sans endommager un document.

Tout cela, je l’ai appris à la dure, parce que le Vincent du passé faisait énormément de fautes et aimait beaucoup la typographie Comic Sans. N’utilisez pas cette police d’écriture. Vous allez devenir une anecdote pour plusieurs personnes.

Tous les CV d’ados en papier sont sensiblement identiques, mais pour en avoir reçu plusieurs dans mes premiers emplois, je confirme qu’on les divise en deux piles : celle des CV propres qu’on va considérer et celle des CV dont on va un peu se moquer.

L’anticipation d’aller porter son CV dans une job cool

Je n’ai pas les référents modernes, mais dans mon temps, tous les emplois n’étaient pas égaux sur le plan de la convoitise qu’ils inspiraient. On allait porter nos CV partout et on se faisait généralement rappeler par un employeur sur vingt, mais sur les 60 CV qu’on distribuait, il y avait toujours deux ou trois commerces dans lesquels on voulait vraiment travailler.

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Par exemple, le club vidéo (une autre époque, je vous le rappelle)! J’étais tellement nerveux avant d’aller y porter mon CV. C’était le poste que tous les jeunes voulaient avoir.

J’avais un CV sur lequel j’avais remplacé « généreux » par « cinéphile » dans la section des qualités.

Alors que certains devenaient animateurs de camps de vacances en plein soleil de juillet ou encore plongeurs de nuit, je tentais ma chance pour passer mon été à classer des DVD et choisir quel film jouerait dans le commerce! Le tout incluant des provisions infinies de slush et d’air climatisé.

Je me préparais donc 45 minutes avant d’y aller. J’avais un CV sur lequel j’avais remplacé « généreux » par « cinéphile » dans la section des qualités. Je ne sais toujours pas à ce jour ce qu’ un cinéphile de 15 ans représente, mais ce que je sais, c’est que j’ai eu la job et que c’était une belle victoire de début de vie!

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La fameuse entrevue

L’entrevue de job qui vient après avoir été rappelé, c’était probablement le moment le plus plaisant du processus.

Je pense qu’avec la pénurie de main-d’œuvre, les employeurs actuels rappellent les gens de façon plus systématique, car l’embauche est nécessaire et pressante. De mon temps, un appel du genre était la confirmation qu’on était intéressant et qu’une connexion humaine s’était faite durant la fameuse poignée de main.

C’était ça ou le fait que nos mensonges imprimés sur du papier soient crédibles et grammaticalement adéquats. Dans tous les cas, peu importait la raison du rappel; il restait une victoire.

Même quand on ne nous rappelait pas après l’entrevue, on avait quand même le sentiment de s’Être rendu en finale de cet étrange concours de CV en papier.

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Après ça, il s’agissait de passer un moment dans un bureau trop petit et d’avoir une bonne conversation avec un adulte en position d’autorité pour vérifier si ça allait être plaisant ou, à la limite, supportable d’être sur son payroll.

Même quand on ne nous rappelait pas après l’entrevue, on avait quand même le sentiment de s’être rendu en finale de cet étrange concours de CV en papier. Cela nous donnait un petit boost de confiance pour refaire le tour des commerces le prochain après-midi et espérer avoir enfin l’honneur d’être payé au salaire minimum.