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Heureusement, la «crise du verre» est bientôt terminée
Oui, la «crise du verre» achève. Enfin, on l’espère. Signe qu’on n’est pas encore arrivé au bout du tunnel, l‘arrondissement montréalais d’Ahuntsic-Cartierville a récemment rendu disponible aux citoyens deux points de collecte de contenants de verre, qui seront recyclés à Montréal. Pourquoi un point de collecte alors qu’on peut tout simplement déposer une vieille bouteille de rouge dans le bac de recyclage? La contamination des autres matières. En attendant la consigne obligatoire, ça reste la meilleure façon de recycler et réutiliser le verre.
Après plusieurs années d’études et des gouvernements successifs qui se sont penchés sur la question, le premier ministre du Québec, François Legault, a annoncé en janvier dernier que le système de consigne serait étendu à toutes les bouteilles et canettes. Cette décision a été saluée par des membres de tous les partis, et devrait contribuer à mettre fin au fait que 72% de ce matériau n’est pas recyclé dans la province.
Un enjeu économique
Une entente conclue en 2019 entre le Groupe Bellemare, une entreprise trifluvienne, et Owens Illinois, la plus grande fonderie de verre au Québec, a mis la lumière sur un fait absurde: on manque de verre au Québec. Les entreprises québécoises devaient jusque-là souvent acheter du verre consigné à d’autres provinces, ou même aux États-Unis. Une situation quelque peu aberrante, vu les 70 000 tonnes de verre qui se sont retrouvées dans les dépotoirs québécois en 2018. Cette quantité impressionnante est environ la même que Owens Illinois a recyclée avec le verre importé d’autres provinces dans la même année.
C’est aussi un enjeu environnemental, car plusieurs experts prédisent une pénurie de sable, matière première nécessaire pour la fabrication du verre, mais aussi pour beaucoup d’autres choses, dont l’élaboration de matériaux de construction. Bonne nouvelle, la technologie permet maintenant de remplacer le sable par du verre recyclé dans de nombreux processus de fabrication.
Préserver la pureté du verre
Le plus grand problème avec le recyclage du verre, c’est que le matériau est facilement contaminable, et que pour être recyclé, il doit être le plus pur possible. Écarter le verre d’autres matériaux et de possibles contaminants serait plus facile avec un système de consigne, selon plusieurs experts.
Néanmoins, l’option de la consigne appliquée à tous les contenants était loin d’être privilégiée par tout le monde. Notamment, Éco-Entreprises Québec avait conclu qu’il était préférable de doter les centres de tri d’équipement plus performant, qui permettrait un meilleur tri et assurerait une plus grande qualité dans le verre recyclé, comme l’a fait le Groupe Bellemare, qui se spécialise entre autres dans les jets de sable. La SAQ, qui a depuis changé d’avis, était elle aussi initialement opposée à l’idée d’une consigne.
Une loi qui manquait de modernité
Il faut dire que la loi sur le recyclage et la consigne du verre n’avait que très peu changé depuis 1984. Une consigne est appliquée sur les bouteilles et canettes de bières et de boissons gazeuses, et c’est pas mal tout. Avec les nouvelles mesures annoncées en janvier dernier, «le gouvernement du Québec élargira la consigne à tous les contenants de boisson prête à boire de 100 millilitres à 2 litres, qu’ils soient en plastique, en verre ou en métal», à compter de 2022. Les entreprises qui mettent en marché ces contenants ont jusqu’en janvier 2021 pour remettre un plan de déploiement de la consigne.
Un autre des grands obstacles au recyclage de verre est le stockage. En effet, où est-ce qu’une entreprise comme la SAQ, qui vend chaque année plus de 200 millions de bouteilles en verre, dont 87% sont présentement mises au recyclage par les consommateurs, pourrait stocker toutes ces bouteilles vides en attendant leur recyclage? C’est le genre de question sur laquelle l’industrie devra se pencher dans les prochains mois.
Pourquoi attendre 2022?
Certaines villes et municipalités n’ont pas attendu l’arrivée du changement de loi sur le verre consigné pour mettre sur place leurs propres initiatives. À Québec, par exemple, 100% du verre mis au bac de recyclage est trié, traité et envoyé au Groupe Bellemare. Comme le rapportait l’an dernier à Radio-Canada le chef d’équipe des matières résiduelles de la Ville de Québec, Mathieu Fournier, «le coût pour les citoyens de Québec pour éliminer du verre jeté à la poubelle est 18 fois plus élevé que le coût pour le recycler».
Si la «crise du verre» est une situation un peu ridicule, on peut néanmoins se réjouir de savoir qu’elle sera chose du passé dans les prochaines années, selon des experts. De plus, il faut savoir que les Québécois sont dans l’ensemble d’assez bons recycleurs chez eux, et que c’est maintenant plutôt au gouvernement et à l’industrie de s’assurer que l’on continue de progresser dans la bonne direction. Mais il y a de l’espoir, si on regarde la France, qui recycle le verre depuis 1974, et qui réutilise quant à elle 100% du verre recyclé au pays, grâce à des procédés technologiques similaires à ceux qui seront utilisés ici. Cela permet à l’Hexagone de réduire son bilan carbone, sa consommation d’eau et ses coûts d’énergie.
Ça vaut bien qu’on lève notre verre à un avenir plus vert, non?