Logo

Haïr le camping, c’est bourgeois

Ahhh, ce privilège de pouvoir mépriser les choses abordables.

Par
Arianne Maynard-Turcotte
Publicité

Récemment, un animateur très connu a fait une story Instagram pour dire qu’il haït le camping. C’est tout. Pas « j’ai été en camping et j’ai pas eu de fun », juste, essentiellement, « le camping, c’est beurk ». Et ça, c’est un discours que j’entends de plus en plus. On dirait que, dans certains cercles, c’est cool de dire qu’on déteste le camping. Qu’il faudrait les payer pour qu’ils passent une nuit sur un matelas qui se dégonfle, à avoir trop chaud ou trop froid, etc.

Moi, je n’aime pas le golf, mais je ne ressens pas le besoin de m’en vanter. Et savez-vous ce que j’ai remarqué? C’est que souvent, ceux qui ressentent le besoin d’extérioriser leur haine du camping, eh bien ce sont des gens aisés. À une époque où les gens ont un budget assez limité pour aller en vacances, je trouve ça complètement déconnecté de glorifier la haine d’un passe-temps qui permet à des familles de s’évader.

Personnellement, je trouve ça bourgeois de mépriser le camping parce que ça repose sur un luxe : celui d’avoir le choix. Le choix de ne pas dormir sous une tente. Le choix de partir en avion. Le choix de se louer (ou d’acheter!) un chalet sur le bord d’un lac. Le choix de passer 12 jours dans un bed and breakfast en Gaspésie.

Publicité

Combien ça coûte?

Disons que je regarde du côté du parc national du Bic, un emplacement de camping de la Sépaq coûte entre 35 et 50 $ la nuit. Pour un bed and breakfast dans le même coin, c’est environ 160 $ la nuit. Le triple du prix. Et ça, c’est sans compter qu’en camping, on fait la plupart de nos repas nous-mêmes, alors qu’en logeant dans un hôtel ou un gîte, on risque de manger pas mal plus souvent au restaurant.

Oui, s’équiper pour le camping peut coûter quand même cher, mais une fois qu’on a la tente, les sleeping bags et le petit four Coleman, on les réutilise chaque année et on rentre rapidement dans notre argent.

Mépriser le camping, c’est cracher sur une activité qui est souvent un compromis pour ceux qui n’ont parfois pas d’autres options.

Publicité

C’est faire semblant que tout le monde pourrait juste aller ailleurs, comme si la roulotte de 1986 ou le terrain de camping avec toilettes sèches étaient des caprices de masochistes.

Oui, il y en a aussi qui ont le choix : qui vont en voyage ET en camping. Y en a, des « riches », qui aiment ça, être sales dans le bois. Et je ne dis pas que c’est uniquement les moins nantis qui aiment camper ou qui le font toujours par dépit. Ni que tous les gens qui aiment le camping sont pauvres.

Plusieurs réalités existent, mais aucune ne mérite d’être méprisée.

Un loisir « populaire »

La haine du camping est aussi une posture typiquement bourgeoise dans la mesure où elle s’attaque à un loisir populaire (au sens premier, soit loisir du peuple) en le réduisant à ses inconvénients. C’est le même réflexe que de tourner en ridicule les séries regardées par « le vrai monde » ou de se moquer des restos de banlieue où les familles vont fêter les anniversaires.

C’est pas cool, c’est juste hautain.

Publicité

Pour bien des familles, le camping, c’est les seules vacances possibles. C’est là où tu peux faire des hot-dogs pour 12 $, là où ton ado décroche de son cellulaire juste assez longtemps pour allumer un feu, là où ton plus jeune apprend à faire pipi dans le bois sans pleurer (OK, en pleurant un peu). Et c’est là, justement, qu’il y a quelque chose de beau, loin des enjeux de performance. C’est peut-être pas fancy, mais c’est un endroit où on se sent libre.

Alors oui, c’est bourgeois de mépriser ça. Parce que ça revient à mépriser ceux pour qui c’est une fête, un break, et pas nécessairement un choix, soit ceux qui se paient un moment de bonheur en plein air à défaut de pouvoir se payer une chambre avec vue.

Pis ces gens-là ne méritent pas qu’on méprise leurs vacances. Ils méritent une belle météo et un sac de guimauves.

Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Soyez le premier à commenter!