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Grossesse ectopique : il faut parler de ce mal silencieux
« Ce que j’ai trouvé le plus difficile, c’est l’absence d’accompagnement et d’empathie de la part du corps médical », commence d’emblée Caroline, qui a vécu deux grossesses ectopiques en plus de plusieurs fausses couches.
« Je ne savais pas que je faisais une grossesse ectopique jusqu’à ce qu’on me dise que je devais me faire opérer. Je n’avais pas vraiment compris ce que c’était et ce que ça impliquait », raconte quant à elle Natacha Larocque.
La grossesse ectopique, aussi connue sous le nom de grossesse extra-utérine, est une condition médicale sérieuse où l’embryon se développe en dehors de l’utérus, le plus souvent dans l’une des trompes de Fallope. Ce qui est donc différent d’une fausse couche, oùl’embryon a l’intérieur de l’utérus meurt de façon naturelle sans généralement affecter la mère. La grossesse ectopique peut toutefois mettre en danger sa vie de la mère si elle n’est pas traitée rapidement.
Un réel danger pour les patientes
« C’est vrai qu’on doit parfois prendre des décisions rapidement, si on doit intervenir de façon chirurgicale », explique Sarah Maheux-Lacroix, gynécologue, clinicienne-chercheuse et professeure adjointe au département d’obstétrique, de gynécologie et de reproduction de l’Université Laval, en réponse à la froideur parfois ressentie par les patientes.
Natacha, presque en hémorragie au moment des faits, a dû se faire opérer d’urgence à cause de douleurs intenses, alors qu’elle ne savait pas qu’elle était enceinte.
« On m’a carrément enlevé une trompe. Mais en fin de compte, je préfère ça au fait d’être morte », confie celle qui ne voulait pas d’enfants à la base.
« On peut très bien retomber enceinte avec une seule trompe, et en ayant fait une grossesse ectopique avant », affirme Sarah Maheux-Lacroix. « C’est sûr qu’on a 10 % de chance en plus d’en refaire une, mais c’est tout à fait possible de faire un enfant quand même », ajoute-t-elle.
C’est d’ailleurs le cas de Caroline, qui a eu deux enfants malgré ses grossesses ectopiques.
« Un médecin m’avait dit un jour que je ne pourrais jamais avoir d’enfant. Ça m’avait vraiment perturbée », raconte la mère. « Quand on m’a opéré pour ma première grossesse ectopique, on a découvert que je souffrais d’endométriose. On a donc nettoyé mes trompes, et ça m’a permis de tomber enceinte par la suite », explique-t-elle.
Prévention et avenir
Parmi les facteurs de risques pour ce type de grossesse, Sarah Maheux-Lacroix nomme tout d’abord celui d’une précédente infection transmissible sexuellement.
« Mais ce n’est pas évident parce que parfois, on ne sait pas qu’on en a eu une », poursuit-elle.
Le fait de fumer ou d’avoir déjà eu ce type de grossesse sont deux autres facteurs courants. Les symptômes peuvent être difficiles à déceler, puisqu’ils consistent surtout en des maux de ventre et des saignements, soit des états parfois communs aux personnes qui sont enceintes (ou non).
« Il faut faire des suivis et consulter, sans toutefois trop s’alarmer », preconise Sarah Maheux-Lacroix.
D’après une étude menée en 2019 par la chercheuse Mélanie Chouinard au département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal, le nombre de grossesses ectopiques est en croissance, en Occident. L’étude a été menée sur des femmes ayant été hospitalisées pour un accouchement ou pour une grossesse ectopique dans un établissement hospitalier québécois entre 1989 à 2014, et prend aussi en compte les diagnostics que les femmes ont reçus après cette première hospitalisation.
Les conclusions du document stipulent que les grossesses ectopiques représentent la première cause de mortalité maternelle au premier trimestre de grossesse et qu’elles sont responsables de 9 à 13 % des morts maternelles.
Pour une plus grande empathie médicale
D’après la docteure Sarah Maheux-Lacroix, l’augmentation des grossesses ectopiques serait aussi liée au fait que les femmes en Occident font des enfants plus tard.
« C’est sûr qu’on a plus de chances d’avoir contracté une ITS quand on est plus âgées que quand on a 23 ans », analyse-t-elle.
« J’ai trouvé qu’on était un peu laissés à nous-mêmes dans ce qu’on vivait », confie Caroline. « C’est quand même un deuil » continue-t-elle.
Elle est toutefois reconnaissante d’avoir découvert son endométriose, ce qui lui a permis d’être traitée et d’avoir des enfants. Quant à Natacha, elle vit très bien avec une seule trompe, et prend toutes les mesures pour ne pas tomber enceinte, bien qu’elle ait fait partie du 1 % de femmes étant tombées enceintes malgré la pilule.
« Je pense qu’avoir fait une grossesse ectopique m’a sauvé la vie, dans un sens. J’aurais pu mourir d’une hémorragie, mais on m’a prise en charge à temps », croit-elle.