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Grimper en couple : quand l’aventure unit deux passionnés

Entrevue avec le couple d’aventuriers Mathias Arroyo-Bégin et Alexandra Kateb.

Par
Pier-Luc Ouellet
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URBANIA et GURU s’unissent pour vous donner le goût de l’aventure… en couple!

Pour certains, une fin de semaine aventureuse, c’est d’aller au cinéma un samedi après-midi pluvieux.

Mais il y a des couples qui sont un peu plus actifs.

Mathias Arroyo-Bégin et Alexandra Kateb forment l’un de ces couples d’aventuriers. À peine revenus d’un périple d’escalade qui les a menés un peu partout en Amérique du Sud, ils sont présentement en train de parcourir les plus beaux sites d’escalade des États-Unis.

J’ai discuté avec eux, question de vivre des sensations fortes par procuration.

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Une histoire d’amour… et de famille

Tout de suite, je pose la question à mes interlocuteurs : est-ce l’escalade qui les a unis ou ont-ils découvert la pratique ensemble?

«On s’est rencontrés à Tadoussac. On était tous les deux saisonniers là-bas. Mathias travaillait pour le GREMM, un groupe de recherche, et moi, j’étais guide de kayak. Tadoussac, c’est une petite ville.»

Alexandra me confirme que c’est le sport qui les a menés l’un vers l’autre : « On s’est rencontrés à Tadoussac. On était tous les deux saisonniers là-bas. Mathias travaillait pour le GREMM, un groupe de recherche, et moi, j’étais guide de kayak. Tadoussac, c’est une petite ville. On s’est rencontrés dans un bar. Il y a une fâcheuse habitude chez les grimpeurs : quand tu te présentes, une des premières choses que tu dis c’est : “Salut, moi, je grimpe!” Ça faisait 10 minutes qu’on se connaissait et tous les deux on parlait du fait qu’on grimpait. Moi, je cherchais désespérément un partenaire pour grimper… »

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« Même chose pour moi! », enchaîne Mathias. « Il y a beaucoup d’escalade sur la Côte-Nord, mais tu ne croises personne qui grimpe! »

Cela dit, Mathias a été en contact avec l’escalade bien avant sa rencontre avec Alexandra : « Moi, c’est une affaire de famille : ma grand-mère grimpait, mon grand-père grimpait, mes parents se sont connus en grimpant. Mais comme c’était trop proche de ma famille… tu ne veux pas faire la même chose que tes parents. Alors je n’ai pas aimé [l’escalade], je n’ai pas accroché. C’est après mon âge rebelle, à 20 ans, que j’ai découvert ça. »

Retour aux racines

Depuis, les deux tourtereaux ne font que voyager et escalader ensemble (« Depuis qu’on se connaît, on est pas mal juste allés sur la Côte-Nord ou en voyage. »)

Mais leur premier projet, l’Amérique du Sud, a demandé quelques compromis, comme Alexandra le raconte : « Avant de se rencontrer, on avait tous les deux des projets de voyage. Moi, je pensais plus aller en Europe, visiter l’Espagne et tout ça. Mais la famille de Mathias du côté de son père vient du Chili. Tous les deux, on prévoyait un long voyage, genre trois-quatre mois, mais de son côté, c’était plus en Amérique du Sud, dans sa famille au Chili. En se connaissant, on a joint nos projets.

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Ça faisait notre affaire parce que la culture latine, c’est juste la meilleure chose, et on est tous les deux un peu hispanophones : je suis de nationalité vénézuélienne, mais ça fait quand même quelques années que je vis au Québec, alors je suis plus à l’aise en français qu’en espagnol maintenant. Je voulais retourner en Amérique du Sud pour réapprendre l’espagnol. »

Mathias explique que pour lui comme pour sa compagne, « c’était un peu un retour à nos racines; c’était d’aller voir la famille, de reconnecter avec cette culture-là ».

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Un sport qui fait peur… et qui rapproche

Évidemment, faire de l’escalade en pleine nature, loin des gymnases, ça peut parfois provoquer des sensations fortes.

Quand je leur demande leur souvenir de voyage le plus marquant, tous deux éclatent de rire et Alexandra raconte spontanément l’histoire suivante :

« C’était dans le parc national des Grands-Jardins, au mont du Gros-Bras. C’était de l’escalade traditionnelle. C’est un bon niveau d’engagement, parce que tu n’as pas le choix de te rendre au sommet de la montagne pour redescendre.

« Moi, c’était ma première longue voie traditionnelle; Mathias aussi, mais on ne s’en était pas tellement parlé. L’énergie des deux faisait qu’on ne voyait pas les risques possibles.

« C’est une montée qui est supposée prendre quatre heures : ça nous a pris 12 heures… et on n’avait pas apporté nos lampes frontales.

«C’est pas comme avoir un ami avec qui tu joues au tennis. La personne qui est en bas, elle tient ta vie!»

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« Ça faisait cinq minutes qu’on marchait et là, j’ai pensé à voix haute : “Ah non, on n’a pas les frontales… mais c’est pas grave, j’ai mon cellulaire!” On s’est perdus sur la falaise, on a bifurqué de la route établie, on s’est retrouvés à un endroit qui n’avait pas rapport, avec des grosses roches lousses. Il a commencé à pleuvoir, on annonçait des orages, mais on n’avait pas le choix de continuer. Tous les deux, on a gardé notre calme. On n’avait pas le choix de continuer. »

« Quand on est arrivés en haut, on n’avait plus de lumière, parce qu’il n’y avait plus de batterie dans le cellulaire. On est redescendu dans le noir! », ajoute Mathias.

Malgré les moments épeurants, c’est aussi une discipline qui rapproche : « C’est pas comme avoir un ami avec qui tu joues au tennis. La personne qui est en bas, elle tient ta vie! Et toi, en grimpant, il ne faut pas que tu te blesses non plus parce que tu mets l’autre dans la marde. Le niveau de proximité et d’engagement est assez grand, ça fait que tes amitiés sont différentes. »

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Alexandra acquiesce : « Ça te met dans une situation où tu vas apprendre à connaître la personne avec qui tu grimpes, et à te connaître toi aussi. »

Écologisme et féminisme

Leur pratique comporte aussi son lot de valeurs. Ils sont tous deux écologistes. Quand Mathias a rencontré Alexandra, il travaillait pour le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins, qui vise à étudier et à protéger les baleines.

Selon Mathias, ce contact privilégié avec la nature pousse les grimpeurs à être un peu plus soucieux de l’environnement, comportement qu’il remarque moins chez les campeurs plus occasionnels.

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Alexandra voit aussi dans sa pratique de l’escalade une pratique féministe. En effet, l’escalade demeure un domaine plutôt masculin : « Il y a beaucoup de couples, et 90 % du temps, c’est les gars qui guident. Quand je vois une fille guider, ou un duo de filles, ça me donne un boost de confiance, une petite tape dans le dos, un “nous aussi, on est capables”. Des fois, j’essaie de me pousser, j’ai beaucoup d’incertitudes et de craintes, mais j’essaie de me pousser parce que j’ai envie de le faire et pour donner un boost aux femmes dans ce milieu-là. »

La prochaine fois qu’on montera le mont Royal, je laisserai ma blonde prendre l’avance.

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Guru Matcha