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Gérer la dépression quand on est entrepreneure

Carolane Stratis est passée par là et elle nous partage quelques conseils.

Par
Claire-Marine Beha
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Le mythe de l’entrepreneur.e toujours au top de sa game est tenace. Mais la santé mentale dans tout ça? Car oui, même celles et ceux qui vivent de leur passion, qui sont devenus leur propre boss peuvent vivre de l’épuisement professionnel et des troubles de santé mentale.

Carolane Stratis a osé aborder publiquement sa dépression et sa tentative de suicide pour la première fois en 2012 sur Ton petit look, le blogue qu’elle a cofondé avec sa soeur jumelle Josiane. Et exposer sa vulnérabilité a finalement été un grand pas dans sa carrière.

On l’a rencontrée pour savoir comment elle conjugue entrepreneuriat et santé mentale.

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Allô Carolane. Qu’est-ce qui t’a poussée à parler sans filtre de ta dépression il y a 7 ans?

Je trouvais ça niaiseux que personne n’en parle jamais, et si on se replace en 2012, vraiment personne ne parlait de santé mentale! Ma plateforme me donnait la chance de pouvoir m’exprimer et ça a ouvert la boîte de pandore : le monde s’est mis à me dire s’il avait fait des dépressions. Ça a aidé plein de personnes à se soulever et à changer le stigma sur le sujet. Maintenant, j’en parle tout le temps!

Finalement, je pense que j’ai aidé à changer la perception des maladies mentales, car dans les domaines de la communication et la mode, c’est encore très difficile de s’avouer vaincu!

L’une des conséquences de ta dépression, c’est aussi l’écriture de votre second ouvrage à Josiane et toi, qui s’intitule Les filles sont-elles folles?, paru en 2017.

Oui, absolument. Josiane et moi on a l’habitude de performer et le deuxième livre s’est moins vendu que notre premier, car le sujet est plus niché. On savait qu’on allait moins en vendre, mais on a tenu à le faire parce qu’on savait que ça pouvait aider des gens. Quand on travaille avec internet, on se fait souvent dire qu’on ne sauve pas de vies, haha! Mais j’ai la preuve que des centaines de personnes m’ont écrit qu’ils ne seraient sûrement plus en vie si j’avais pas fait le travail que j’ai fait. C’est devenu un moteur pour continuer.

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Quand tu as parlé de ta tentative de suicide pour la première fois, as-tu eu peur des répercussions sur ton image d’entrepreneure?

J’avais la chance de ne pas être au sommet de ma gloire non plus! J’étais malade, donc dans ma tête, je n’avais plus rien à perdre au moment où j’ai sorti ce billet-là.

Est-ce tu as senti que le regard de certains de tes employés ou partenaires sur toi avait changé?

Oui, car c’est sûr que tout le monde n’est pas conscientisé à la santé mentale. Mais Josiane, qui traverse une dépression en ce moment, s’est fait proposer des contrats qu’elle peut faire à son rythme, par exemple.

Il y a aussi des éléments dans l’entrepreneuriat qui peuvent te sauver de tomber malade, par exemple une plus grande flexibilité d’horaire. Moi j’ai pu faire de la conciliation travail-maladie mentale. Mais il y a aussi des dangers, comme pousser sa limite. C’est tellement facile de se faire prendre dans un engrenage et de vouloir toujours faire plus, performer et jamais s’arrêter. Des semaines de 80h j’en ai fait plus qu’il fallait cet été! Ce n’est pas forcément évident de prendre du temps pour soi. Toutes les décisions que je prends désormais sont pensées pour ma santé mentale.

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Belle décision! Y a-t-il eu un facteur déclencheur?

Avec mes deux dépressions, je n’ai pas pris de congé de maladie vu que j’étais travailleuse autonome, mais je ne savais pas que ça affecterait mes assurances. Et quand j’ai acheté ma maison, je n’ai pas pu avoir d’assurance vie avant trois ans après mon deuxième diagnostic. Et aujourd’hui, elle me coûte vraiment cher. Maintenant, si je veux me protéger et protéger mes enfants, je ne peux plus retomber malade. Alors mes décisions doivent être réfléchies.

Aujourd’hui, comment gères-tu ton quotidien d’entrepreneure tout en ayant conscience d’avoir une santé mentale bancale?

Je suis médicamentée et pas gênée d’en parler. Je dors beaucoup, je ne suis pas matinale et je ne le serai jamais. Moi je dis que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent à l’heure qui leur convient! Je ne bois pas d’alcool non plus, même si ça me coupe des opportunités en tant qu’influenceuse, car je ne serai jamais payée par une vodka pour prendre une photo commanditée. Je me suis également entourée de personnes qui me supportent et m’aident beaucoup. J’ai aucun shame à demander de l’aide.

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Pour toi l’entrepreneuriat et la maladie mentale, c’est donc conciliable?

Oui, bien sûr. Et il y a un courant en ce moment de personnes qui essayent pas juste d’être entrepreneurs pour devenir riche, célèbre et couper des têtes! Je pense qu’il faut faire confiance à ces gens qui veulent réussir moins vite et sans faire de mal aux autres et à eux-mêmes.

Pis avant d’arriver à une dépression, apprendre à prendre des pauses sans culpabilité, me semble…

Exactement! Peut-être que je m’avance, mais il y a des plus en plus de filles en entrepreneuriat et grâce à elles on s’éloigne des qualités très masculines où il ne faut pas avoir d’émotions, de sentiments, où il faut défoncer des portes à tout prix. En tant que femmes, on est habituées d’avoir des obstacles dans nos carrières, de se faire dire que nos intérêts sont nonos. Selon moi, ça contribue à créer un entrepreneuriat plus bienveillant et gentil.

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Attention, je ne dis pas que toutes les femmes sont gentilles et douces, mais je vois un mouvement fort d’entrepreneures avec des qualités humaines qui veulent bien faire. Plusieurs de mes amies entrepreneures engagent des personnes sachant qu’elles sont malades et qu’elles ont besoin de conciliation. Tout ça, selon moi, c’est grâce aux femmes en affaires.

Vous avez annoncé récemment un gros move : vous quittez TPL et TPL Moms! Comment abordez-vous le volet santé mentale à travers cette nouvelle aventure?

C’est sûr qu’il faut payer le loyer, on ne peut pas rester oisives et ne plus travailler. Avec Incluses [la ligne de vêtements lancée Carolane et Josiane Stratis], on a un bon véhicule qui va nous donner la chance de nous investir dans quelque chose qui nous touche, de rendre les gens heureux et de prendre le temps pour le faire.

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Pour finir, si tu avais un conseil à offrir à un.e entrepreneur.e qui aurait des troubles de santé mentale, qu’est-ce que tu lui dirais?

L’une des premières choses à laquelle il faut faire attention, c’est la consommation d’alcool. Souvent, on a tendance à boire si on est anxieux ou déprimé et en tant qu’entrepreneur.e, être en lendemain de veille pendant les périodes de gros stress, c’est peut-être pas la meilleure façon de prendre soin de sa santé mentale! Ça fait matante et moralisateur, je sais, haha!, mais après 7 ans et deux dépressions graves, je peux t’assurer que se faire un dry month ou un dry week en période occupée, ça aide. Après ça, si tu veux pop the champagne à la fin du projet, go for it.