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Gérer des funérailles quand on a aucune idée comment faire ça

Récits d’un moment de vie qu’on n’attendait pas si tôt.

Par
Emilie Collin
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La planification funéraire n’est pas sexy ou Instagram worthy. Sans compter les détails financiers et légaux à considérer. Évidemment, on ne peut ramener tout à ça, mais une fois que le livre de la vie s’est refermé, il faut savoir gérer. Et les rituels funéraires sont importants pour entreprendre le processus du deuil.

Trois jeunes femmes à qui nous avons parlé ont organisé des funérailles à l’aube de l’âge adulte. Lorsqu’on a 40, 50 ou 60 ans, on s’attend à faire face à ce genre de situation. Peut-être même qu’on a discuté de préarrangements avec nos parents. Mais pas à 20 ans.

Mélissa

Mélissa revenait du cégep lorsque deux policiers se présentent chez elle pour lui annoncer que son père était décédé. Elle est en état de choc. Étant la seule enfant majeure du défunt célibataire, elle devient exécutrice testamentaire de facto.

À 19 ans.

«J’aurais pu désigner quelqu’un d’autre, mais me lancer dans ça me permettait d’oublier ma peine. C’était une affaire d’adulte, je n’étais pas prête», affirme-t-elle.

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L’autopsie confirme que la mort a été causée par un accident vasculaire cérébral. Elle peut maintenant organiser les funérailles.

«Quand ma tante est venue me chercher pour les arrangements funéraires, je portais mes Converse et un sweatshirt, raconte-t-elle. Je ne savais pas qu’il y avait un dress code pour ça.»

Son père lui avait déjà dit qu’il ne voulait pas être exposé dans un cercueil, car «c’était trop creepy». On l’a incinéré. Ce procédé est d’ailleurs moins cher et plus écologique.

Suite au décès d’une personne, tous ses avoirs deviennent inutilisables jusqu’à ce qu’ils soient débloqués, ce qui peut prendre des mois. La tante de Mélissa a défrayé une partie des frais funéraires. La famille devait acquitter le reste avec la succession.

«J’aurais pu désigner quelqu’un d’autre, mais me lancer dans ça me permettait d’oublier ma peine.»

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Le journal Les Affaires rapporte que les funérailles coûtent en moyenne 5700$ dans un établissement privé et environ 4000$ dans une coopérative funéraire. Ces prix incluent la prise en charge et l’entreposage du corps, la crémation ou l’embaumement obligatoire s’il y a exposition, la location du cercueil, la disposition des cendres, ainsi que les frais administratifs.

D’ordinaire, ces montants ne comprennent pas les arrangements floraux (autour de 400$), l’avis de décès (entre 150 et 200$), le service religieux, le buffet ou la musique, la location d’une salle et l’enterrement au cimetière (près de 200 à 1500$).

Pour la suite des choses, le père de Mélissa avait suffisamment cotisé au Régime des rentes pour que ses proches aient droit à la prestation de décès pour les frais funéraires (jusqu’à 2500$).

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Sarah et Danielle

Lorsque la belle-mère célibataire de Sarah est décédée du cancer, c’est elle qui s’est retrouvée à gérer les funérailles. Son chum, et fils de la défunte, était trop absorbé par son deuil et il en était incapable. Il aurait pu demander à sa grand-mère, mais elle était aussi sous le choc que lui.

Sarah ne s’attendait certainement pas à apprendre comment fonctionnent les arrangements funéraires et les testaments à 24 ans. Ça compliquait un peu les choses, car seul son chum pouvait signer les documents.

Sa belle-mère est morte à la maison. Un médecin est venu authentifier le décès. On doit ensuite émettre un certificat de décès avant d’organiser les funérailles. Sarah a dû s’entendre avec le salon funéraire pour la récupération du corps.

Peu avant son décès, la défunte avait fait un testament auprès d’un notaire. Même si le document était récent, il a fallu obligatoirement faire une recherche testamentaire auprès de deux instances: la Chambre des notaires du Québec et le registre du Barreau du Québec. La famille de la défunte a dû débourser autour de 600$.

«J’avais l’impression de ne pas être prise au sérieux étant jeune et pas membre de la famille proche. J’ai beaucoup cherché sur internet, mais ma mère m’a aussi aidée.»

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Sans testament, il aurait fallu déterminer les héritiers. C’est ensuite à eux d’organiser les funérailles. Lorsqu’il s’agit d’une personne mariée, le contrat de mariage fait office de testament et le survivant hérite de tout. Si le défunt n’était pas marié, la famille directe est désignée. Il y a d’abord les enfants et ensuite viennent les autres membres de la famille. La loi est complexe, surtout pour les conjoints non mariés.

Pendant l’organisation des obsèques de la belle-mère de Sarah, son copain et la grand-mère de ce dernier étaient émotifs.

«J’ai les ai fait sortir pour m’entretenir avec le conseiller aux familles puis après, je suis allée discuter avec eux, raconte Sarah. Puis là, on a choisi une urne. Avec l’aide du salon, j’ai trouvé une salle, organisé une cérémonie laïque et le buffet. On a aussi composé l’avis de décès.»

La jeune femme s’est sentie dépassée, mais a su y faire face.

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«J’avais l’impression de ne pas être prise au sérieux étant jeune et pas membre de la famille proche. J’ai beaucoup cherché sur internet, mais ma mère m’a aussi aidée.»

Sa mère Danielle ne pouvait pas être avec elle, car elle devait s’occuper du jeune enfant du couple pendant les démarches. Elle a toutefois été une ressource utile pendant le processus, car elle est passée par là quand elle était jeune.

À 20 ans, Danielle a pris en charge, avec sa sœur de 19 ans et son frère de 21 ans, les obsèques de leur père, décédé d’une longue maladie. Sa mère s’en était occupé jusqu’au dernier jour et souffrait d’une dépression profonde. Elle ne s’attendait pas à devoir assumer cela.

«Je comprends ce que ma fille a vécu, mais nous, on était trois. On s’épaulait. Sarah était seule. Je l’ai conseillée sur les démarches ayant moi-même organisé quelques funérailles», explique Danielle.

Le thanatologue

David Beaulieu, thanatologue de profession, travaille pour Athos Services Commémoratifs. Il précise qu’un salon se charge de trouver des arrangements correspondant au budget des familles et croit que tout le monde a les capacités d’organiser des funérailles. Selon lui, on ne doit pas tout ramener à l’argent, mais à l’essentiel du deuil.

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Le défunt ou la défunte avait une famille, une vie sociale et professionnelle, et faisait partie d’une communauté. Son départ marque beaucoup de gens.

«Les rituels funéraires, c’est pour nous aider nous, les vivants, à continuer à vivre malgré tout. C’est une façon d’entamer un deuil.»

«Les rituels funéraires, c’est pour nous aider nous, les vivants, à continuer à vivre malgré tout. C’est une façon d’entamer un deuil. L’important est qu’il y en ait et qu’ils soient significatifs pour les vivants et la personne décédée», explique-t-il.

Selon David, on n’a pas absolument besoin de préarrangements funéraires ou d’un testament, même si ça simplifie souvent les choses. L’important c’est surtout de connaître les dernières volontés de ses proches, question d’entamer le deuil comme la personne aimée l’aurait voulu.

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