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Garderies en milieu familial : cocon chaleureux ou service douteux ?

Garderies en milieu familial : cocon chaleureux ou service douteux ?

C’est-tu si pire que ça, envoyer son enfant dans une garderie en milieu familial?

Par
Marie-Ève Martel
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Les médias en font parfois leurs choux gras : des éducatrices accusées de maltraiter des enfants ou de les invectiver, des garderies qui ferment sans préavis, des moyens de pression qui mettent les parents dans la marde. Mais c’est-tu si pire que ça, envoyer son enfant dans une garderie en milieu familial?

Des histoires de garderies, Claudine en a à la pelle. En raison de déménagements et des listes d’attente, ses trois enfants, maintenant âgés de quatre à treize ans, en ont fréquenté sept en dix ans!

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Maintenant que sa plus jeune est à quelques mois de débuter la maternelle, la mère de famille pose un regard plus critique sur certains endroits. À ses yeux, les milieux familiaux n’arrivent pas à la cheville des centres de la petite enfance.

« Mais c’est peut-être parce que je suis mal tombée », nuance-t-elle.

Parce qu’il est « pratiquement impossible d’obtenir une place en CPE pour un poupon quand t’as pas déjà un enfant dans le réseau », Claudine et son conjoint ont envoyé leur aîné dans une garderie en milieu familial, où la responsable en service de garde (RSG) « avait visiblement un problème de qualification ».

« Garder des enfants, ce n’était clairement pas son premier choix d’emploi, relate Claudine. Ça paraissait qu’elle manquait d’expérience. Tsé, le genre à faire des bricolages à la brocheuse avec des enfants d’un an… »

Quelques incidents ici et là ont dérangé la mère de famille, mais le vase a débordé lorsqu’elle a découvert des bleus sur son fils en allant le chercher à la fin de la journée.

« La gardienne m’a dit que mon fils était tombé sur des jouets, rapporte la mère. Mon hypothèse, c’est qu’en préparant le repas, elle a manqué d’attention et il a déboulé les escaliers. »

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Pire, son garçon était « tout gras » parce que son éducatrice avait appliqué du Polysporin sur ses bleus. « Non seulement je pense qu’elle m’a menti, mais en plus, elle n’avait aucune notion des premiers soins », poursuit Claudine.

Par un heureux hasard, une place en CPE s’est libérée peu de temps après.

Problèmes d’horaires, roulement de personnel, alouette!

Claudine explique que les deux autres garderies en milieu familial qu’ont fréquentées ses enfants n’ont pas non plus répondu à ses attentes. Les enfants étaient collés devant la télé; la responsable avait été remplacée par des personnes qui n’avaient aucune expérience avec les enfants, et des enjeux d’horaire lui ont compliqué la vie.

Quant aux établissements privés subventionnés que ses enfants ont fréquentés, Claudine indique avoir été aussi déçue.

« La directrice d’un de ces endroits m’a carrément dit que les vaccins causaient l’autisme, affirme-t-elle. Dans les autres, on avait un bon service, mais il y avait un gros problème de roulement de personnel. Les éducatrices changeaient tellement souvent qu’elles mettaient le nom des enfants sur un tape dans leur dos. »

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Quand on lui demande de parler de son expérience avec les CPE, Claudine est moins loquace. « Je n’ai rien à redire! »

Il y a aussi du beau!

Il faut toutefois éviter de généraliser : si certains parents ont eu de mauvaises expériences avec une garderie en milieu familial, d’autres en sont ravis.

Maman solo, Camilie a envoyé son enfant dans un milieu familial, faute d’avoir obtenu une place en CPE. « J’étais inscrite à plus de 45 endroits dans la ville de Québec! », précise celle qui a toutefois eu un coup de cœur pour la RSG où elle a finalement posé son choix.

« C’était important de trouver un milieu bienveillant où mon enfant aurait de l’amour en mon absence. Mission accomplie! relève-t-elle. L’éducatrice a même fait 1h30 d’autobus aller-retour le 24 décembre pour être à son chevet au CHUL pendant son hospitalisation. Et elle est revenue le voir le 26. Je connais bien peu d’éducatrices en CPE qui auraient fait la même chose. »

L’imprévisibilité, désagrément numéro un

Le côté « imprévisible » des absences de la RSG, qui n’a pas de remplaçante, inquiète évidemment Camilie, mais pas suffisamment pour envisager de changer son enfant de milieu.

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Sur une page Reddit, plusieurs parents partagent les irritants de leur garderie en milieu familial. Le principal désagrément qui y est relevé est effectivement le manque de prévisibilité lorsque la RSG doit s’absenter pour des vacances ou un congé maladie et qu’elle ne parvient pas à se faire remplacer. S’ensuit alors un véritable casse-tête pour les parents qui doivent trouver un plan B.

« Fuck le milieu familial. Faut que tu prennes en compte les 4-6 semaines de vacances de la personne, ce qui te force à prendre tes vacances en même temps qu’elle. Tu es obligé d’être en vacances pendant la semaine de la construction, mais pas elle? C’est ton problème, prends du sans solde. Faut aussi que tu gères ses absences en plus des [tiennes] et tu as littéralement aucun gage que ton enfant fera autre chose qu’être devant la TV avec des Cheetos », a déploré un parent anonyme.

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De grands écarts, mais peu de données

« Dans le milieu familial, ça varie beaucoup. Certaines sont extraordinaires et d’autres sont épouvantables », témoigne un autre parent.

Une remarque qui semble bien refléter la réalité. Les écarts dans les services éducatifs offerts aux enfants est effectivement un enjeu dans les milieux de garde familiaux, souligne la Vérificatrice générale du Québec dans un rapport publié en 2024.

« La surveillance des services de garde éducatifs en milieu familial reconnus varie d’un bureau coordonnateur à l’autre, ce qui peut entraîner des variations sur le plan de la qualité des services de garde reçus par les enfants entre certains territoires, sans que ces disparités ne soient détectées », peut-on y lire.

« On n’a pas d’élément qui permet d’affirmer de façon tranchée que les services de garde en milieu familial sont pires ou moins pire que les autres », relativise pour sa part Julie Cailliau, directrice générale de l’Observatoire des tout-petits.

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En effet, pour le moment, les données sur la qualité des services offerts dans ces milieux sont quasi inexistantes.

Même en regardant le nombre de plaintes reçues par type d’établissement, il est difficile de déterminer si les garderies en milieu familial en reçoivent plus. En plus, certaines ne sont pas chapeautées par un bureau coordonnateur, ce qui rend les démarches de dénonciation plus difficiles.

Au ministère de la Famille, on insiste aussi sur le fait que toutes les plaintes, y compris celles qui ne sont pas fondées, sont comptabilisées. Leur augmentation globale peut s’expliquer par l’élargissement de la recevabilité des plaintes et par la promotion du processus de gestion des plaintes, mais aussi par l’augmentation graduelle du nombre de places dans le réseau, tous types d’établissements confondus.

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Selon les plus récentes données diffusées par l’Observatoire des tout-petits, sur les 64,2 % des enfants de quatre ans et moins qui fréquentaient un milieu éducatif en 2023, 15,6 % étaient confiés à une garderie en milieu familial. En 2008, c’était plus d’un enfant sur cinq (21,7 %). Le déclin s’est effectué sur plusieurs années et demeure relativement stable depuis.

Mme Cailliau rappelle aussi que les poupons de 18 mois et moins sont plus nombreux, toutes proportions gardées, à fréquenter un milieu familial.

« Après 18 mois, c’est l’inverse, note-t-elle. L’explication la plus plausible, c’est le manque de places : les parents n’ont pas toujours le choix du milieu de garde à qui confier leur enfant. »

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Fait à noter, à l’échelle du pays, moins d’enfants sont retournés dans un service de garde en milieu familial après la pandémie, souligne Statistique Canada, qui relève aussi que les garderies en milieu familial sont moins nombreuses qu’auparavant.

Une reconnaissance à revoir

« Les personnes qui offrent des services de garde en milieu familial, mais qui ne sont pas reconnues, ont très peu d’obligations légales à respecter », relève le rapport de la VG.

Cela sera toutefois amené à changer l’an prochain, alors que d’ici septembre 2026, les RSG en milieu familial devront être reconnues par un bureau coordonnateur ou fermer leur garderie. « Cette reconnaissance s’accompagnera d’une série d’obligations réglementaires, d’une surveillance, ainsi que d’un soutien pédagogique et technique sur demande de la part du bureau coordonnateur de leur secteur », précise la VG.

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