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Faut-il inscrire son enfant à une école du samedi?
Inscrire ou ne pas inscrire son enfant à l’école du samedi: pour des milliers de personnes issues de l’immigration, là est la question. Les écoles de langue de week-end sont une solution pour répondre au besoin viscéral de protéger la langue et l’identité, mais elle n’est pas sans dilemme…
« J’ai essayé quatre écoles de langue arabe différentes avant de trouver celle qui nous convenait », me raconte Imane, mère de deux enfants et elle-même née au Québec de parents marocains. Que ce soit la distance, le coût, la longueur des journées ou la pédagogie, il y avait toujours quelque chose qui clochait. Ce qui la motivait à continuer ses essais? Le devoir de transmettre son héritage culturel et sa langue à ses enfants.
« Mes parents ont tellement fait d’efforts pour mes frères et moi pour qu’on ne perde pas notre langue maternelle. Je ne me pardonnerais pas de ne pas poursuivre l’effort avec la prochaine génération. »
Honnêtement, je la comprends. Je vis moi-même avec cette culpabilité en constatant que mon petit dernier est incapable de comprendre une conversation dans ma langue maternelle. Disons que j’ai été plus exigeante avec mon aînée. Classique, direz-vous.
Certains parviennent quand même à demeurer constants. C’est le cas de Yuliya, d’origine ukrainienne, mais issue d’une famille qui parle le russe depuis plusieurs générations. La question de la préservation de la langue a été une conversation importante dès le début de son union avec son époux d’origine pakistanaise. Bien avant d’avoir des enfants, ils s’étaient entendus : chacun parlerait sa langue maternelle avec leur progéniture. Le résultat s’est avéré positif. « Nous avons été assez rigoureux là-dessus depuis leur naissance. Pour moi, c’était pour des besoins de communication avec la famille élargie, mais aussi par désir de partage des émotions liées à l’héritage culturel », explique Yuliya.
Overdose scolaire
Le fait de s’exprimer dans la langue maternelle à la maison n’a toutefois pas été suffisant. Dès l’âge de trois ans, Yuliya inscrit son fils à une école de russe du samedi. « C’est un cours de deux heures qui inclut la langue (alphabet, sons, vocabulaire, heure du conte), ainsi que les mathématiques (nombres, formes, logique) et une partie d’éveil à la musique. C’était aussi une belle occasion de pratiquer la langue en-dehors du foyer familial », raconte la jeune mère, qui s’est fiée sur le bouche à oreille pour trouver cette école. Imane, quant à elle, a aussi fini par opter pour une école du samedi mais dont les cours ne durent que 2 heures.
« On en a essayé une qui durait toute la journée, mais après une semaine d’école régulière, c’est trop demander aux enfants. »
Yuliya a d’ailleurs fini par arrêter l’école du samedi peu après l’entrée au primaire de son fils. Si sa fille continue d’y aller, son fils avait d’autres besoins. « Il se plaignait d’avoir beaucoup à faire… Je ne pouvais pas couper dans l’école régulière, et je ne voulais pas couper la pratique des sports pendant la semaine, alors un choix s’est imposé.» La jeune mère trouvait également que l’introduction de la géographie et de l’histoire russe n’étaient pas aussi nécessaires à l’éducation de son petit canadien aux identités multiples. Elle continue cependant à travailler la langue avec lui à la maison, à son rythme.
Yuliya n’est pas la seule à faire face à ce dilemme. Tous les parents avec qui j’ai abordé le sujet avouent que l’école du samedi est un grand sacrifice de temps et d’énergie. « C’est un sacrifice qui en vaut quand même la peine », réitère Imane.
Au-delà de l’apprentissage de la langue, l’école du samedi permet à ses enfants de nouer des liens avec des enfants issus de la même communauté culturelle, et de renforcer certaines valeurs et pratiques religieuses enseignées à la maison.
« Ça me fait tellement plaisir de les voir célébrer la fin du ramadan en grand, ou faire une simulation du pèlerinage à la Mecque en habits traditionnels. Je ne pourrais pas recréer une telle ambiance toute seule, chez moi. »
Une chose est sûre, les immigrants et leurs enfants ont raison de craindre la perte de la langue maternelle, études à l’appui. Ce superbe reportage du Devoir en illustre bien les enjeux. Le besoin des écoles du samedi et ses dilemmes n’ont donc définitivement pas fini de faire jaser!