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Faut-il être fou pour étudier dans un domaine de l’audiovisuel?

Lettre ouverte d’une fille potentiellement folle.

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Peut-être (sûrement) que vous ne regardez pas vraiment la télévision québécoise.

Peut-être (sûrement) que vous n’avez pas regardé un film québécois depuis vraiment longtemps.

Félicitations, vous êtes comme 92 % des Québécois de votre âge. Mais alors, qui écoutera les productions d’ici, dans 20-30 ans? Personne?

C’est ce genre de question qu’on se pose dans le rapport Souffler les braises. Ce rapport de 115 pages, contenant 20 recommandations et proposant 92 mesures, je l’ai lu. En 115 pages, on nous explique que l’industrie n’est pas morte (party!), mais qu’il serait temps d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Pour une fille qui vient tout juste de finir son baccalauréat en télévision, la lecture de ce rapport a été plus qu’angoissante.

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J’ai toujours aimé raconter des histoires, informer, divertir et émouvoir les gens. Dès la première minute que j’ai passé dans mon programme d’Arts, lettres et communication au cégep, j’ai su que c’était le domaine pour moi.

Pourtant, durant la majorité de mes études universitaires, j’ai dû expliquer à tout le monde pourquoi j’étudiais là-dedans alors que « la télévision est en train de mourir ». Oui, je le sais que les médias sont en crise. Il n’y a pas un prof qui a manqué de nous le rappeler. Chaque conférence, chaque invité ou professionnel du milieu venu nous voir en classe avait le même discours : « En tout cas, vous êtes courageux. C’est pas vraiment le bon moment. Fallait être là il y a 10-15 ans. Maintenant, il n’y a plus d’argent nul part. »

Dommage. Il y a 10 ans, j’étais en secondaire 1. Un peu perdue, je trouvais refuge dans Le Chalet, MED, Fééric ou VRAK la vie que j’écoutais sur feue VRAK TV. C’est là qu’une grande histoire d’amour entre la télévision et moi est née. Je l’avoue, j’aurais donné tout ce que je possédais pour aller à Karv l’Antigala.

Malgré cet amour pour la télévision, reste qu’il faut être complètement delulu pour vouloir embarquer dans un navire qui coule.

Étudier là-dedans… pour s’adresser à qui?

Le rapport est clair : les jeunes sont désintéressés de nos productions. Ce n’est pas que les jeunes n’écoutent plus de séries ou de films, c’est qu’ils n’écoutent pas les productions d’ici. En même temps, c’est normal : on ne s’adresse pas à eux et quand on le fait, c’est souvent mal fait et malaisant.

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Devant un public vieillissant, les productions d’ici ne sont pas prêtes à prendre des risques pour intéresser les jeunes. C’est un cercle vicieux : les jeunes n’écoutent pas les productions d’ici, donc on ne s’adresse pas à eux, donc ils n’écoutent pas…

Un soir de décembre 2023, le comédien Pierre-Luc Funk s’est prononcé à ce sujet Tout le monde en parle : « Ce que je trouve plate, c’est qu’on laisse les autres prendre les risques, pis on rachète leurs shows. Pis nous, quand on crée des shows, on a peur de prendre des risques. […] Est-ce qu’on peut prendre des risques pour essayer d’intéresser les jeunes à écouter du contenu d’ici? »

Et c’est là le nerf de la guerre : si les jeunes ne sont pas intéressés nos productions, comment faire pour les raccrocher? À cela, le rapport propose une foule de solutions, par exemple, créer du contenu sur les plateformes que les jeunes fréquentent déjà comme Youtube et TikTok, encourager les productions jeunesses d’ici, parler d’audiovisuel à l’école et augmenter les budgets de promotions et de mise en marché. Même si ce sont toutes de très bonnes idées, j’aimerais ajouter ma propre recommandation : faites confiance aux jeunes créateurs.

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Après tout, on étudie là-dedans parce que nous aussi, on a des choses à dire, des histoires à raconter, des sujets qu’on veut aborder. Mais on veut le faire à notre manière, pour parler au monde de notre âge. Intuitivement, on sait ce qui va nous intéresser.

Étudier là-dedans pour parler de nous.

Après ma lecture des 115 pages du rapport, une toute petite phrase me reste en tête : « Se voir et se reconnaître à l’écran est essentiel. »

Pensez-y. C’est plus dur de se reconnaître dans ce que font nos voisins du Sud, parce que le cinéma et la télévision racontent une partie de nous. Comment un scénariste hollywoodien pourrait-il comprendre la réalité d’un jeune qui habite à Repentigny? Il ne saurait sans doute même pas placer Repentigny sur une carte.

Nous avons des insides que nous seuls pouvons comprendre. C’est donc essentiel de se voir à l’écran, pour véhiculer une identité québécoise actuelle, complexe et plurielle. Aujourd’hui, « être Québécois » signifie plusieurs choses et la télévision, le cinéma et l’audiovisuel peuvent raconter ces différentes choses qui font partie de l’identité québécoise. Plus il y a de productions, plus on peut, à travers notre culture, dresser un portrait fidèle de nous-même. Sauver notre culture audiovisuelle, c’est un pari que les jeunes créateurs sont prêts à prendre, pour continuer à se raconter comme Québécois.

Même si le financement est moins abondant qu’avant.

Même si l’intelligence artificielle pourrait voler nos jobs.

Même si on devra se réinventer pour survivre.

Ce ne sera pas la première ni la dernière fois.

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Non, il ne faut pas être fou pour étudier en production audiovisuelle. Il faut simplement vouloir créer différemment pour raconter des histoires qui résonnent chez les Québécois. Donc, ne vous inquiétez pas pour votre ami qui commence son cégep en communication ou qui fait un bac en cinéma. Il va bien, il pense à vous et il veut qu’on se reconnaisse enfin dans les productions audiovisuelles d’ici.

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