Logo

Faire les sucres à la façon « génération Z »

Qui a dit qu’entailler un érable et être étudiant à l’UQAM n’allaient pas de pair?

Par
Philippe Julien-Bougie
Publicité

« Jeune », « hipster », « branché » , « tatoué », « marchandeur de NFT » et « étudiant à l’UQAM » sont tous des qualificatifs qu’on peut accoler à Guillaume Renaud. Peu se doutent, avant de lui parler, qu’il est un acériculteur en herbe. Eh oui, il fait son propre sirop. C’est pas une blague : un tatouage d’érable entaillé arbore même son bras droit.

Un champ de maïs sépare la cour de Guillaume de celle de son grand-père. C’est lui qui l’a initié à cette pratique dès l’âge de sept ans. Depuis, il ne manque aucune saison des sucres.

Comme je connais le Montérégien et que cette facette de sa personnalité m’a toujours impressionnée, j’ai décidé de le suivre le temps d’une après-midi pour en savoir plus sur cette passion.

Publicité

Le coup d’envoi du printemps

En ce samedi ensoleillé du mois de mars, Guillaume entame l’entaillage de ses arbres. C’est un art de choisir une bonne date. Trop tôt, l’eau d’érable ne coulera pas à pleine capacité, car le trou de l’entaille pourrait avoir le temps de se refermer légèrement. Trop tard, il pourrait manquer quelques jours de bonne production.

« La saison dure seulement quelques semaines. La température idéale pour qu’un érable coule beaucoup, c’est quand il fait très froid en dessous du point de congélation pendant la nuit et très chaud au-dessus de zéro le jour. Plus les variations sont grandes, plus la sève monte dans l’arbre et coule dans le seau », explique celui qui n’en est pas à son premier barbecue fumé à l’érable.

Publicité

Tout d’abord, Guillaume identifie les érables. En été, ces arbres sont facilement reconnaissables par leurs feuilles, mais, à la fin de l’hiver, on se sert plutôt de l’écorce pour les repérer. Celle de l’érable est davantage friable que celle du chêne.

Seuls les érables qui ont un diamètre de 10 pouces et plus peuvent être entaillés. Une fois les meilleurs spécimens trouvés, le jeune homme sort sa perceuse et la colle à un angle d’environ 80 degrés avec l’écorce (et non 90) pour créer un trou en pente descendante. La profondeur de son trou est de 5 cm à 6 cm. Chaque année, le trou doit changer d’endroit sur le tronc afin d’éviter d’endommager l’arbre.

Publicité

« C’est dommage qu’il fasse froid aujourd’hui. Certaines années, l’eau d’érable commence à couler au moment où je fais le trou », remarque Guillaume.

À l’aide d’un marteau, il enfonce ensuite le chalumeau dans l’écorce. Le terme « chalumeau » fait ici référence à un petit tuyau en plastique muni d’un crochet, et non à un outil de soudure qui crache du feu. Le Carignanois dépose un seau sur le crochet du chalumeau et sa première entaille de 45 est installée.

Une attention quotidienne

Récolter l’eau d’érable exige une certaine rigueur. Chaque jour, Guillaume vérifie ses seaux et récolte la sève. S’il ne fait pas bouillir ses récoltes dans les trois jours suivant la coulée, l’eau d’érable n’est plus bonne.

Donc, environ deux fois par semaine, Guillaume se rend chez son grand-père avec son eau d’érable. Il la filtre deux fois à travers un drap ou un morceau de tissu. Par après, il la bout dans un évaporateur. « C’est mon grand-père qui l’a construit lui-même, explique-t-il fièrement. Il n’y a pas de recette magique, mais nous, on fait évaporer à un point où chaque 26 litres d’eau d’érable devient un litre de sirop. »

Selon les experts, le ratio idéal est d’un litre de sirop pour 40 litres d’eau d’érable. Bref, peu importe la recette, la patience est reine près de l’évaporateur d’eau d’érable, communément appelée une « bouilleuse ». Il faut, après évaporation, filtrer le sirop une dernière fois.

Publicité

Si ce texte vous inspire, mais que vous n’avez pas de bouilleuse, vous pouvez faire réduire la sève sur votre rond de poêle dans une grosse marmite. Ceci dit, soyez prêt.e à payer cher en électricité.

Bien qu’il faille des érables à disposition, c’est peu onéreux de faire son propre sirop. Il faut une perceuse, des chalumeaux (environ 12 $ pour un paquet de 10), et des chaudières (environ 9 $ chacune). À noter que tous les types d’érables peuvent être entaillés : les érables à sucre n’ont pas le monopole.

Entre travail et études, Guillaume prend toujours le temps de faire son sirop. En plus de considérer cette tradition comme une fierté, il la voit comme une passation des savoirs entre son grand-père et lui. C’est aussi une façon de déconnecter. En tant que « jeune de nos jours », Guillaume est sans cesse sollicité par son rythme de vie effréné. Le temps des sucres, ça le relaxe.

Sans compter la valeur émotionnelle qui vient avec chaque canne de sirop fait maison. Pour Guillaume, on a tendance à sous-estimer le travail derrière les aliments qu’on consomme et on s’attend à avoir tout dans l’instantané. La patience ajoute au plaisir. En attendant, il salive en pensant à ses crêpes : « J’ai déjà hâte que notre première batch soit prête, notre sirop est tellement meilleur que celui qu’on trouve en magasin. »

En espérant que la récolte soit bonne!

Publicité
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Soyez le premier à commenter!