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Faire fleurir les Jardins de Métis, contre vents et marées
« On est mi-juillet et je suis déjà fatigué », confie le directeur général des Jardins de Métis Alexander Reford au bout du fil. Il faut dire que c’est une grosse année pour l’institution qui souffle ses 60 bougies depuis son ouverture au public : expositions artistiques, conférences, ateliers, festival et retour du tourisme à pleine capacité. L’arrière-petit-fils d’Elsie Reford, la fondatrice des Jardins, a de la broue salée dans le toupet.
Lorsqu’il a pris la barre de l’institution horticole il y a environ 28 ans, l’ancien doyen du St. Michael’s College de l’Université de Toronto a décidé d’élargir la mission de l’OBNL.
« Au départ, on voyait les Jardins comme une sorte de musée vivant et tout ce qui tournait autour (le restaurant, les ateliers, etc.) comme des accessoires, explique Alexander Reford. Avec le temps, on s’est doté de plusieurs autres champs d’action tout aussi importants, comme faire des efforts de conservation des milieux naturels et devenir un pôle régional pour la culture en accueillant des artistes en résidence, en présentant des expositions et en mettant sur pied le Festival international de jardins. »
S’il avoue que ces transformations viennent en partie de sa propre volonté de faire une différence tant sur les plans sociaux qu’environnementaux, le directeur général admet que les attentes du public ont aussi une place prépondérante dans l’équation. « On se fait souvent challenger par les visiteurs sur nos décisions et nos réels efforts pour contrer à notre manière les changements climatiques, donc on n’a pas le choix d’agir », estime Alexander Reford, qui indique avoir implanté récemment sur le site des mesures concrètes comme le compostage et des vélos électriques pour se déplacer.
Parlant des changements climatiques, avoir l’un des jardins les plus nordiques au monde comporte son lot de défis et, étonnamment, de belles surprises, souligne le directeur général. « Si on parle des côtés positifs, on peut aujourd’hui cultiver des plantes qu’il était impensable de faire pousser dans notre climat auparavant, donc on peut offrir une plus grande biodiversité d’espèces à nos visiteurs. On peut aussi faire des événements extérieurs plus longtemps dans l’année vu qu’il fait plus chaud, et on constate la présence de nouvelles espèces d’oiseaux dans la région. D’un autre côté, on voit des insectes nuisibles qu’on ne voyait pas avant et qui ont un effet nocif sur nos collections. »
Le natif d’Aylmer mentionne également en exemple la sécheresse qui a affligé la Gaspésie l’été dernier, un territoire habituellement plutôt humide et frais, et qui a donné du fil à retordre au personnel des Jardins. « L’avenir est plus difficile à prévenir qu’avant. Tous ces bouleversements nous obligent à être inventifs et ingénieux, mais on a des ressources incroyables pour nous aider là-dedans », observe Alexander Reford avec un certain optimisme.
Une affaire de famille
Elsie Reford, une Ontarienne aisée et éduquée qui se passionnait pour l’horticulture, a transformé le terrain aux abords de son domaine d’été en jardins somptueux au tournant du siècle dernier. Cet espace lui servait alors principalement de havre de paix où occuper ses journées loin de la frénésie des grandes villes. Comment réagirait-elle si elle apprenait que ses jardins privés sont aujourd’hui visités par des milliers de personnes chaque année?
« Elle serait sans doute sous le choc. Son but était vraiment d’avoir un endroit tranquille pour relaxer. Donc de voir autant de gens quotidiennement, je pense que ça la dérangerait un peu. Par contre, on a retrouvé des écrits après la vente des Jardins dans les années 60 où elle raconte sa fierté d’avoir créé un projet aussi ambitieux et où elle mentionne être contente que celui-ci puisse profiter à la société. Je pense qu’elle serait touchée de voir que sa vie et son œuvre atteignent autant de gens », nuance son arrière-petit-fils Alexander, qui participe à l’écriture d’un livre sur la vie de son ancêtre.
Tout comme Elsie, qui avait un quotidien « étourdissant » puisqu’elle s’impliquait dans de nombreux dossiers, Alexander estime qu’il est important de s’investir corps et âme dans ce qu’il entreprend. « J’ai fait plusieurs sacrifices dans ma vie pour arriver où je suis aujourd’hui, indique-t-il. Avec du recul, j’aurais pu avoir une existence plus équilibrée et essayer de débloquer du temps personnel pour d’autres projets, comme avoir une famille, mais je ne regrette rien. »
Bien qu’il ne soit pas prêt à accrocher la serviette, le directeur général affirme être en train de préparer la relève tout en travaillant sur divers dossiers pour les Jardins. Pour lui, l’héritage se traduit d’abord par un aspect communautaire. « On fait déjà des efforts sur notre site pour redonner à la communauté, mais je crois qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour contribuer davantage à l’épanouissement de la région. J’aimerais que l’organisme se positionne davantage comme acteur de changement à ce niveau-là. »
Une chose est sûre, on n’a pas fini de se retrousser les manches et de jouer dans (et avec) la terre aux Jardins de Métis.
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