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Faire du vélo pour la première fois à l’âge adulte

Enfourcher une bécane peut être intimidant à n'importe quel âge.

Par
Jessica Beauplat
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Jusqu’au mois dernier, je n’étais jamais monté sur un vélo de ma vie. Il y a deux semaines, je dévalais ma première pente en changeant les vitesses, comme une monitrice du programme Toutes à Vélo venait tout juste de me l’expliquer. Un véritable exploit personnel.

Ce programme d’apprentissage créé par Vélo Québec vise à démocratiser le cyclisme pour les femmes. Bien que la plupart des gens aient la chance d’apprendre à faire du vélo pendant l’enfance, d’autres, comme moi, grandissent sans développer cette habileté, avec le feeling qu’il est trop tard une fois adulte.

Plus jeune, je ne le voyais pas nécessairement comme un problème, jusqu’à ce que je déménage en banlieue et que la distance pour me rendre au dépanneur devienne difficile à parcourir à pied. Disons que ma vie sociale en a un peu souffert, mais je me consolais en me disant que je serais la première de mon groupe d’ami.e.s à décrocher mon permis et à m’acheter une voiture. Ce que j’ai fait.

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Malgré tout, je ne pouvais m’empêcher de regarder avec envie les enfants de trois ans rouler sur deux roues : les chanceux.euses!

Ce sentiment n’a fait que grandir avec le temps. C’est donc cette année que je me suis dit : mieux vaut tard que jamais.

Après m’être acheté une trottinette pour m’habituer à l’irrégularité des rues et des trottoirs, je me suis inscrite sur la liste d’attente de Vélo-Québec. J’ai finalement obtenu une place pour le mois d’août.

Compte rendu d’une expérience qui va bien au-delà de la capacité à se tenir sur deux roues.

Premier cours ever

Sur place, une quinzaine de femmes sont réunies pour assister au cours. Parmi elles, quatre femmes du Maghreb ont suivi le cours la session précédente et reviennent pour perfectionner leur technique.

On compte aussi des personnes plus âgées, des mères de famille, des femmes d’origines diverses, une jeune maman latina dont le mari se rend au travail en vélo chaque jour et qui fait maintenant des excursions avec son fils de quatre ans. Cette dernière m’explique qu’elle veut apprendre à donner un coup de pédale pour pouvoir se joindre aux ballades de sa famille et créer de beaux souvenirs.

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D’autres filles dans la vingtaine et trentaine entourent le conteneur coloré qui abrite les vélos mis à la disposition des participantes. La nervosité est palpable.

« Et si je n’y arrive pas? », demande une participante. « Toutes les femmes finissent par apprendre », la rassure Valérie Andrée Authier, l’une des instructrices, en ce beau samedi ensoleillé.

Valérie sait de quoi elle parle. La monitrice a elle-même participé aux ateliers l’an passé.

La femme de 54 ans tire une grande satisfaction de voir évoluer les femmes qu’elle supervise. Ce qu’elle aime le plus, c’est les encourager et les aider à garder le moral. « Je veux faire comprendre aux filles que chaque personne peut y aller à son rythme, dit-elle. Tu peux l’avoir tout de suite ou dans six cours, c’est pas grave. »

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Réapprendre à faire du vélo a littéralement « changé sa vie »,confie-t-elle. Désormais, elle se déplace presque exclusivement sur deux roues en ville et est toujours en contact avec une bonne amie rencontrée lors des cours. Cet été, elles ont complété leur premier tour de l’île de Montréal. « Maintenant, je cherche un chum, puis il faut qu’il aime le vélo! », fait-elle valoir en riant.

Rita Dandavino, une participante de 69 ans, a une relation plus complexe avec le cyclisme. Elle n’est pas remontée sur une selle depuis la trentaine et s’est décidée à retenter le coup maintenant qu’elle est à la retraite. Ses enfants et son mari ont même nettoyé la bicyclette qu’elle n’avait pas touchée depuis 1983 juste à temps pour sa fête, soit un mois avant le début des cours.

Mais qu’est-ce qui explique qu’elle ait mis autant de temps à s’y remettre?

« Je viens d’une autre génération et dans mon temps, les garçons avaient des vélos, mais pas nécessairement les filles », résume-t-elle en ajoutant que sa mère laissait ses frères se promener très loin et aussi longtemps qu’ils le voulaient tandis qu’elle n’avait pas cette latitude, ce qui a freiné son élan.

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Sororité et cheerleading squad

Au fil des séances, des applaudissements retentissent. Quand une femme parvient à avancer en pédalant, à faire des virages ou à faire ses signes avant de tourner, la monitrice Marianne Cloutier est là pour les encourager à coup de « Wouhou! », « C’est beau! », « T’es une championne! ».

Cheerleader qui lève ses deux bras en l’air en guise de pompons, elle a embarqué dans l’aventure à titre de monitrice, poussée par son amour du vélo. Elle aime voir les apprenties cyclistes prendre confiance. « Elles s’émancipent, c’est formidable », lance-t-elle.

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La solidarité entre les femmes du groupe est ce que Marianne retient le plus de son expérience. C’est également ce qui a le plus marqué Mona Dermayka, une participante de 28 ans. « Il y a plein de filles autour de toi qui le font aussi, ça donne plus de confiance, ça donne plus d’énergie », avoue la mère de deux jeunes enfants âgés de 5 et 9 ans. L’horaire flexible et la halte-garderie sont autant d’éléments qui l’ont convaincue de s’inscrire.

Au fond, Valérie avait raison : toutes, même celles qui étaient terrifiées, qui semblaient se décourager facilement ou qui avaient trop peur de tomber pour oser enfourcher une bicyclette durant les quinze premières minutes ont fini par tenir en équilibre et à rouler, peu importe leur niveau au départ.

C’est drôle, mais mon expérience en trottinette m’avait somme toute bien préparée, parce qu’à force de rouler sur les rues asphaltées, libre comme le vent, toutes mes peurs avaient déjà disparu. Si bien qu’au premier cours, quand est venu le temps de se déplacer sur des bicyclettes transformées en draisiennes (en retirant les pédales), j’ai regardé Marianne et je lui ai dit : « J’ai pas besoin de faire ça, je pense que je suis prête. » Elle m’a répondu : « Vas-y, ma championne! » Et j’ai roulé en toute liberté.

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