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Faire de l’argent avec ses propres données personnelles? Vraiment?

Ou comment «reprendre le contrôle» sur ses données...

Par
Alexandre Perras
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«Tu en as marre que les géants de l’internet se fassent de l’argent sur ton dos?»

Vraisemblablement, on serait nombreux à répondre par l’affirmative à la question précédente. Et c’est exactement sur ce consensus que l’entreprise française Tadata souhaite capitaliser.

En effet, l’application qui a été lancée au début de l’année et qui vient d’être autorisée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés en France, propose aux jeunes, âgés de 15 à 25 ans plus particulièrement, de reprendre le contrôle de cette réalité.

Comment?

En leur offrant une solution pour vendre, délibérément, leurs données personnelles à des annonceurs, en échange d’un certain montant. On parle de trois à cinq euros pour chaque utilisation de leurs données.

Et ils sont loin d’être les premiers à proposer ce genre de service. Même Facebook a lancé son application, Study, qui fonctionne selon le même principe. Une formule tout aussi sketch, mais qui vient avec un chèque.

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Reprendre le contrôle

Une idée qui peut paraître séduisante à la base. D’autant plus qu’on a l’impression qu’on n‘en a plus, de contrôle, surtout après avoir visionné des documentaires comme The Great Hack sur l’affaire Cambridge Analytica ou plus récemment The Social Dilemma, qui a donné quelques sueurs froides à mes collègues.

Alors qu’est-ce qui peut être vendu?

Normalement, les courtiers en données ou les data brokers en bon français n’ont accès qu’aux informations publiques. Bon, il n’est pas dit qu’ils aient aussi accès aux informations que vous acceptez de transmettre en ne lisant pas les petits caractères lors de vos inscriptions sur diverses plateformes en ligne.

Mais normalement, on parle du domaine public. En ce sens, cela devient intéressant pour ces entreprises (et celles qui achètent vos données) de savoir ce dont vous discuter en ligne, ce qui vous intéresse dans la vie et quand est-ce que vous êtes en ligne. Des informations qui sont beaucoup plus intéressantes et moins génériques d’un point de vue marketing pour ces acheteurs.

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Tout comme Tadata, l’application Datawallet (assez clair comme nom) carbure à cette idée de reprise de contrôle en permettant aux utilisateurs d’ajuster les paramètres des données exactes qu’ils souhaitent partager tout en garantissant leur anonymat.

Une mauvaise idée?

Plusieurs le pensent.

Dans le cas de Tadata, la Internet Society France a émis ses inquiétudes sachant que l’audience ciblée par l’application est constituée de jeunes de 15 à 25 ans. De plus, le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui responsabilise les organismes publics et privés qui traitent les données en France, stipule clairement qu’il ne peut y avoir collecte qu’à l’obtention d’un consentement «libre, spécifique, éclairé, univoque et révocable».

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Une réalité qui n’est pas des plus tangibles avec Tadata, toujours selon le RGPD.

Outre la sécurité des utilisateurs, des enjeux politiques, juridiques, économiques et culturels inquiètent plusieurs experts.

«La collecte massive de données va bien au-delà de l’intrusivité inhérente aux publicités ciblées.»

C’est le cas d’Anne-Sophie Letellier, doctorante en communication à l’Université du Québec à Montréal et codirectrice des communications de Crypto.Québec. Elle voit plusieurs enjeux préoccupants dans la collecte massive de données, et ce, «même si vous n’avez rien à cacher».

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«La collecte massive de données va bien au-delà de l’intrusivité inhérente aux publicités ciblées et soulève ainsi des enjeux de justice sociale», écrit-elle dans une publication diffusée par l’Institut du Nouveau Monde.

Y participer en vendant vos propres données vous permettrait probablement de faire une toute petite passe de cash, mais créerait par le fait même un précédent à divers niveaux. À cet égard, la thématique de «capitalisme de données» fait écho partout.

«La marchandisation des données personnelles permet “une redistribution asymétrique du pouvoir envers les acteurs qui possèdent un accès et une capacité à faire sens de ces informations”», ajoute-t-elle.

Une roue qui tourne finalement… Ce n’est pas parce le numérique nous offre un mirage d’innovation que les inégalités qu’on connaît dans le «vrai monde» prendront le bord de sitôt.