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Faire de l’argent avec ses passe-temps: une bonne idée?

Entre aimer peindre et aimer vendre son art, il y a un (méchant) pas.

Par
Zacharie Routhier
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« Quand on aime sa job, on ne travaille plus jamais de sa vie ».

Vous avez probablement entendu cette phrase dans un party de famille, alors que votre oncle Richard, un peu chaudasse, tentait de vous convaincre que son 9-to-5 dans une compagnie d’import-export était un choix et non pas une conséquence du capitalisme.

Ce bon Rich ne comprenait pas, encore une fois, pourquoi vous chialiez par rapport à votre emploi. « Richard, avez-vous dit, après avoir callé d’un d’un trait votre rhum-and-coke-diet-de-marque-Sélection. C’est que j’ai besoin de faire une différence. D’être passionné! »

Évidemment. Vous êtes un millénarial (pour les besoins de la mise en situation de ce texte, merci).

La satisfaction au travail est une donnée assez difficile à mesurer. En moins de deux mois, les québécois sont passés de malheureux au travail à heureux au travail dans les pages du Journal de Montréal.

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Reste qu’une tendance se dénote dans la majorité des sondages, et c’est exactement ce qui irrite votre oncle : les plus jeunes sont généralement moins satisfaits de leur emploi que les plus vieux.

Il y a littéralement un dude qui a fait la palette en écrivant « yikes » sous les photos d’ex de purs inconnus.

Heureusement pour cette nouvelle génération, l’émergence de la gig economy et de l’internet rend la monétisation de ses passe-temps plus accessible que jamais. Il y a littéralement un dude qui a fait la palette en écrivant « yikes » sous les photos d’ex de purs inconnus.

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Bon, on espère que de jouer les justiciers vengeurs pour des personnes molles n’était pas sa passion, quand même.

Cela pose malgré tout une question : avec ces nouveaux outils, est-ce qu’il est possible – et souhaitable – de transformer ce qui nous anime en gagne-pain? En faire une job, sans que ça devienne une job de faire sa job?

Quand la passion devient le hustle

« Faire de la vidéo, c’est un plaisir avant tout », lance Dylan, qui possède sa propre boîte de production vidéo. À la base, il se contentait de tourner des clips pour ses amis rappeurs. Mais au fil du temps, il a acquis suffisamment de notoriété pour que ça devienne une source de revenus.

« C’est stimulant quand tu peux payer ton loyer, ce l’est moins quand tu n’y arrives pas », explique le jeune réalisateur, qui est actuellement en arrêt de travail en raison d’une blessure.

Après, la précarité n’est pas son seul défi. Parfois, disons-le, il lui faut dealer avec des clients de… marde, qui ne comprennent pas toujours la valeur d’un travail créatif. « Sur 10 demandes, 1 ou 2 sont sérieuses ».

« Faut tout faire, sinon tu manges les miettes d’hier, haha! »

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Il faut se vendre, aussi. À l’occasion, ça veut dire faire des projets qui lui tiennent moins à cœur. « Faut tout faire, sinon tu manges les miettes d’hier, haha! » Mais pour Dylan, ça fait partie de la business. Ce sont des sacrifices qu’il est prêt à faire.

« On fait ça par passion, gain ou pas. Avant, je travaillais en tant que poissonnier et j’ai accepté récemment une offre pour être aide-gérant d’une épicerie fine ». Bref, il assure ses arrières avec une autre job.

Sa situation est assez représentative de ceux et celles qui tentent de convertir leur hobby en job. Selon les chiffres du journal The Guardian, qui se base principalement sur une recherche interne réalisée au Royaume-Uni, la majorité des gens ont de la difficulté à en vivre à temps plein, du moins dans les trois premières années d’exercice.

Notons quand même qu’un adulte sur trois aurait considéré transformer son hobby un business. De ce nombre, le tiers auraient fait le saut, et généralement, cela leur aurait apporté une plus grande satisfaction d’emploi.

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Quand le hustle devient un struggle

Certains dealent moins bien que d’autres avec l’idée de voir débarquer le côté business dans leur art.

« Le fait de mettre de l’argent sur ma passion, ça détruit le plaisir », confie un photographe artistique bien en vue. Il a beau cumuler plusieurs dizaines de milliers de followers sur Instagram, il empoche annuellement l’équivalent d’un salaire étudiant.

« C’est de ma faute, j’aime pas assez le cash. Toute la game de me vendre, ça me fait vomir… »

« C’est de ma faute, j’aime pas assez le cash. Toute la game de me vendre, ça me fait vomir… » Ce faisant, il fait le choix de prendre les opportunités lorsqu’elles passent. « Reste que c’est super anxiogène faire de l’art – ça vient à coup de gros contrats aux deux ans. »

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Au fil de son speech, il pose une question intéressante : devrions-nous tout rentabiliser? Peut-on aimer tricoter sans avoir envie de se brander sur Etsy? Parce que si tous nos passe-temps sont monétisés… ça peut devenir ardu de décrocher.

Quand le struggle aurait peut-être dû rester une passion

Difficile de ne pas revenir quelques instants à votre oncle Richard. S’il est satisfait de son emploi, il n’en demeure pas moins que ce n’est probablement pas sa passion. On peut imaginer qu’il pratique des hobbys dans ses temps libres. Le jardinage, peut-être. Ou la danse. Pourquoi pas?

Et d’ailleurs, il tire probablement 100% de plaisir à cueillir ses tomates bénévolement. Pour lui, il y a le 9 à 5, puis il y a le « vrai » fun. Séparé comme les patates, le blé d’Inde et la viande dans un pâté chinois.

Au final, ça revient à la personnalité de chacun. Peut-être qu’être bon en quelque chose ne devrait pas venir avec une obligation de rentabilité ou de productivité. À l’inverse, accepter de mettre de l’eau dans son vin pour vivre d’un emploi lié à quelque chose qui nous fait tripper, ça peut être un compromis acceptable.

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En attendant, c’est vendredi. C’est peut-être juste le temps de savourer un rhum-and-coke-diet-de-marque-Sélection, aussi. À la vôtre!