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Éveil sexuel: ça arrive plus tôt qu’on pense

Sont pas rendu.e.s là? Hell yeah!

Par
Maude Painchaud Major
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Je travaille en éducation à la sexualité depuis maintenant plus de 5 ans. Vous savez ce qui me flabergaste? Voir à quel point les adultes sous-estiment le niveau de connaissance ou d’expérience des jeunes.

Je n’arrive plus à compter le nombre de fois où j’ai entendu des adultes dire : « Parler de masturbation, porno, sentiments amoureux… Vraiment? Sont pas rendu.e.s là! » Ces mêmes adultes dont la mâchoire se décroche quand je leur dis que je reçois des questions anonymes sur la fellation ou le sextage. Pas rendu.e.s là? Les questions et réflexions des jeunes prouvent souvent tout le contraire!

« Comment on fait des bébés avec deux sexes mâles? »

« Est-ce que les filles peuvent avoir des éjaculations? »

« Est-ce qu’une femme qui est devenue un homme peut toujours avoir un bébé? »

« Pourquoi regarder du porno ou des magazines cochons nous excite et nous rend contents? »

« On peut faire le 69 à quel âge? »

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Toutes ces questions ont été posées par des élèves du primaire. Pourtant, une prof m’a récemment dit ne pas comprendre pourquoi je parle de masturbation à des élèves de secondaire 2. Voyons, Madame! Y a des bébés qui se masturbent (pour vrai)!

C’est pourquoi je me dis : coudonc, ça vient d’où cette tendance à sous-estimer les interrogations, préoccupations ou questionnements des enfants?

On projette nos propres peurs sur nos enfants

Sans surprise, les parents cherchent généralement à protéger leurs enfants. On souhaite leur bien-être; c’est super positif! Mais quand on veut à tout prix les préserver des risques et des déceptions – réels ou fictifs – de la sexualité, on leur apprend… la peur.

Pas à se connaître, à nommer leurs besoins et à poser les questions qui piquent leur curiosité. La sexualité peut être positive et une source de plaisir; on peut-tu mettre l’accent là-dessus, please?

Leur génération est différente de la nôtre

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Vous vous sentez dépassé.e.s? C’est normal; on appelle ça le « generation gap » ou fossé générationnel.

On ne projette pas juste nos peurs sur nos enfants, mais aussi nos propres expériences, teintées par l’époque à laquelle on a grandi. Plutôt, on a tendance à oublier ce qu’on a vécu et ressenti au même âge, et surtout, à exclure les réalités qui sont différentes des nôtres.

Par exemple : nos enfants grandissent avec les technologies de communication. Comme ça n’a pas été notre cas, on peut avoir des discours technophobes (les méchants réseaux sociaux!) et on comprend mal comment ces technologies influencent leur découverte de la sexualité. Pourtant, deux ados sur trois ont été exposé.e.s à de la pornographie avant l’âge de 14 ans. No wonder que les jeunes se posent autant de questions!

On fait du « jeunisme »

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On a tendance à invalider spécifiquement les jeunes en accordant moins d’importance à leur point de vue et leur ressenti justement parce qu’ils et elles sont jeunes!

Appliqué à la sexualité, ça peut nous amener à prétendre qu’on sait bien mieux que les jeunes ce dont ils et elles ont besoin! Ou, encore, à penser qu’ils et elles sont « trop jeunes pour savoir ». Que ce soit à propos de leur genre, leur orientation sexuelle ou romantique, leurs désirs, etc. Ce qui, souvent, est faux!

On confond sexualité = relation sexuelle = pénétration

Par défaut, on peut avoir tendance à associer relation sexuelle et pénétration. Quand arrivent les discussions sur les fameuses « premières fois », il y a fort à parier qu’on oublie de mentionner la vaste quantité d’expériences que les jeunes peuvent avoir vécu au préalable.

Dès le primaire, les enfants peuvent se masturber, avoir des fantasmes, ressentir de l’attirance sexuelle, frencher, etc. Pourtant, ces sujets sont souvent esquivés et on présume (à tort) que l’éveil sexuel ne survient qu’à l’adolescence. On a aussi la mauvaise habitude d’associer sexualité et amour, alors que – on est bien placé.e.s pour le savoir – ce n’est pas toujours dans ce contexte que cela se produit.

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Les enfants sont les expert.e.s de leur sexualité

Oui, ça demande une bonne dose de lâcher-prise. Ça peut même être angoissant. Mais il faut reconnaître l’expertise de nos enfants! Ils et elles connaissent leur ressenti et leur vécu, ce qui peut être exploré ou non.

En sous-estimant leurs connaissances et leurs questionnements, on n’offre pas toujours l’éducation à la sexualité qui leur est vraiment nécessaire. Notre rôle est important : il consiste à les informer, les écouter, les accueillir et les accompagner. On recommande même d’aborder ces sujets AVANT que les enfants ne les vivent, question de les préparer à ce qui s’en vient.

Alors, on s’en fait un mémo sur le frigidaire? Nos enfants vont vivre des choses différentes de nous, à un rythme qui leur est propre. Parce que chaque personne est unique, tout comme l’est son exploration de sa sexualité!