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Étudiants, jeunes professionnels et intelligence artificielle : on triche ou on s’adapte?

Que faire face à cette nouvelle réalité?

Par
Clara Beaulieu
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C’est pendant ma deuxième année de bac que j’ai découvert ChatGPT. J’étais d’abord plutôt réticente à l’utiliser. Plusieurs professeurs nous avaient mis en garde ; il était notamment question de plagiat et de la qualité parfois douteuse de l’information donnée.

En revanche, à ma dernière année, le discours avait bien changé. Lors de la révision des plans de cours, plusieurs enseignants affirmaient ne pas être opposés à l’utilisation de l’intelligence artificielle, à condition d’être transparent, et que les passages rédigés à l’aide de ChatGPT soient clairement identifiés.

J’ai donc profité de cette ouverture pour l’ajouter à mon arsenal d’outils de travail. Que ce soit pour améliorer la structure de mes phrases, clarifier une idée ou trouver une piste de réflexion, ChatGPT est rapidement devenu un soutien précieux dans mon parcours universitaire. À un point tel que j’en suis même venue à éprouver une certaine gêne.

Alors que l’usage de l’intelligence artificielle devient de plus en plus courant, un discours critique émerge sur son utilisation excessive. Sur les réseaux sociaux, je perçois un certain dédain à son endroit. En effet, si certains se vantent d’avoir entièrement rédigé un travail avec ChatGPT, d’autres soulignent l’ironie de payer pour des études sans réellement acquérir les compétences transmises.

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Ces discours m’ont amenée à réfléchir sur mes propres habitudes. J’utilise quotidiennement ChatGPT : dans mon travail, dans mes études, et même dans ma vie personnelle. J’en suis même à me demander si je suis encore capable de rédiger un courriel sans son aide. Préoccupée par ma relation avec cette nouvelle technologie, je suis allée à la rencontre de trois étudiants : Sophie, en enseignement ; Valère, en informatique ; et David, en génie électrique. Les trois étant déjà actifs dans leur domaine, j’étais curieuse de savoir s’ils ont recours à l’IA, mais aussi comment ils ont vécu la transition entre l’université et le monde du travail.

Des jeunes professionnels moins compétents?

« Pourquoi je me priverais d’utiliser ChatGPT, alors que je sais que ça peut m’aider à obtenir une meilleure note? »

Quand il est question d’intelligence artificielle à l’école, Sophie n’y va pas par quatre chemins : elle est une fervente défenseure de son utilisation. Elle affirme d’ailleurs s’en servir dans la majorité de ses travaux universitaires. Étudiante en enseignement, elle est régulièrement appelée à rédiger des plans de leçons détaillés, une tâche qui demande beaucoup de temps. ChatGPT lui permet donc de gagner en efficacité, autant pour trouver des idées que pour structurer ses documents.

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« Je n’ai pas envie de passer dix heures sur ce projet-là. Si je peux n’y consacrer que deux heures grâce à ChatGPT, tant mieux. »

Même si son approche incarne le genre d’utilisation que plusieurs critiquent, Sophie assume pleinement son choix. À ses yeux, ça ne fait pas d’elle une enseignante moins compétente. En effet, ayant déjà un pied dans le monde du travail, elle a rapidement constaté que les réalités du terrain sont bien différentes que sur les bancs d’école.

« C’est beaucoup plus intuitif et concret que ce qu’on fait à l’université. Par exemple, j’ai remarqué que mes collègues ne rédigent même pas de plans de leçons. Alors pour moi, utiliser ChatGPT à l’école, c’est juste un moyen de rentabiliser mon temps. »

Un nouveau marché du travail

À l’inverse, Valère, étudiant en informatique, ne fait aucunement appel à l’intelligence artificielle dans le cadre de ses études.

« Les enseignant.e.s nous l’interdisent. Ils veulent pouvoir évaluer nos capacités et nos connaissances sans l’influence d’un outil externe. Ils vont même jusqu’à utiliser des détecteurs pour vérifier si un travail a été réalisé avec l’aide de l’IA. »

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Ce qui se passe à l’université ne reflète cependant pas nécessairement la réalité de son domaine. Effectivement, une fois arrivé sur le marché du travail, Valère a constaté un tout autre rapport à la technologie. « À mon travail, c’est totalement différent. Le recours à l’intelligence artificielle est non seulement accepté, mais fortement encouragé. » Selon lui, la logique est simple : les employeurs recherchent la rapidité et la productivité. « Une tâche qui prend normalement deux heures peut être faite en cinq minutes avec les bons outils. L’utilisation de l’IA est donc complètement normalisée dans mon équipe, et on nous incite à l’utiliser dès que ça peut nous faire gagner du temps. »

Une utilisation réfléchie

David, pour sa part, utilise l’intelligence artificielle autant à l’école qu’au travail. « Pour moi, c’est un outil comme un autre. Ça m’aide à apprendre plus rapidement et à être plus efficace dans mes tâches. »

Selon lui, tout est une question de dosage et d’intention. Tant qu’elle est utilisée de façon réfléchie, il estime que l’IA ne nuit pas au développement des compétences. « Si tu t’en sers pour obtenir des réponses toutes crachées, évidemment que ça va nuire à ton apprentissage. Mais si tu l’utilises comme point de départ, ça peut être vraiment bénéfique. »

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Fervent utilisateur, David admet tout de même que l’IA est désormais bien ancrée dans sa routine. Quand je lui ai demandé s’il pourrait s’en passer, il a simplement répondu : « Ça serait difficile. »

Chapt GPT, le nouveau dictionnaire ?

Bref, entre ceux qui l’utilisent en cachette, ceux qui l’assument et ceux qui ne jurent que par ça à l’école et au travail, une chose est claire : l’IA s’est incrustée pour de bon.

À travers ces échanges, j’ai compris que quand on se sert de l’IA, c’est rarement par paresse, mais par souci d’efficacité. Les trois étudiants rencontrés s’entendent : ça ne fait pas d’eux des employés ou étudiants moins compétents. Au contraire, leur utilisation est réfléchie et intentionnelle. Comme le dit Sophie : « C’est beaucoup moins satisfaisant de remettre un travail rédigé majoritairement par ChatGPT. »

Pour elle, comme pour Valère et David, l’IA n’est ni une béquille ni une solution miracle. C’est un outil. Un peu comme un dictionnaire.

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