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Être ou ne pas être travailleur autonome en temps de pandémie?
Les impacts économiques de la pandémie actuelle n’ont pas fini de se faire sentir, malheureusement. C’est dans ce contexte que j’ai interrogé des travailleurs autonomes, une catégorie particulière de travailleurs, ni entreprise ni salarié. Comment les travailleurs autonomes traversent-ils la pandémie? Ont-ils profité de la crise pour faire un bilan de leur carrière?
Impossible de définir le travail autonome d’une seule manière; le domaine d’exercice a un impact important sur le quotidien et la manière dont les travailleurs sont affectés par la crise. Pour répondre à mon questionnement, j’ai parlé à une traductrice, qui préfère garder l’anonymat, et à Alexandre Laurin, consultant en stratégie et gestion eCommerce. Même en sachant que la pandémie a affecté à la baisse les revenus de nombre d’entre eux, leur témoignage est plein d’optimisme.
Travailleur autonome en temps de pandémie, bonne ou mauvaise chose?
Bonne nouvelle: dans les deux cas, ces travailleurs autonomes ont obtenu davantage de mandats qu’à l’habitude. Simple coïncidence? Pas tellement. Pour la traductrice, un mandat en attente depuis un bout de temps s’est présenté pile au bon moment et certains de ses clients ont eu des projets spéciaux liés à la situation.
La crise a confirmé qu’elle était faite pour ça, m’a-t-elle dit. Mais on ne le soulignera jamais trop: ça dépend vraiment du domaine dans lequel on travaille et de la manière dont les clients sont eux-mêmes affectés dans leur industrie. Dans d’autres domaines, comme celui de son mari et de la conjointe d’Alexandre, les travailleurs autonomes sont mal pris, surtout lorsqu’ils dépendent d’un public ou d’un contact rapproché avec des clients.
«Contrairement à d’autres, j’ai eu la chance d’être dans un créneau où la demande a littéralement explosé.»
Celui-ci souligne la chance d’être dans un domaine hyper pertinent à la survie des entreprises pendant la crise: «Contrairement à d’autres, j’ai eu la chance d’être dans un créneau où la demande a littéralement explosé. Cela a fait en sorte que malgré que ma compagnie ait encore été en démarrage au sommet de la pandémie, les clients étaient là et avaient besoin», raconte-t-il.
Alexandre avait fait un travail préparatoire élaboré avant de se lancer en affaires… en février. Quel timing! «En mars, j’étais accepté au programme Soutien au travailleur autonome (STA) qui allait me permettre d’être coaché et appuyé financièrement pendant mon démarrage. J’ai signé les papiers le 13 mars. Premier jour de fermeture des écoles», explique-t-il.
Parlons budget
Alexandre parle de sa relation aux impacts financiers de la COVID-19 de cette manière: «Vu que j’étais en démarrage, si je n’avais pas été sur le programme, j’aurais capoté solide financièrement.» Ça résume bien la situation.
Plus que tout autre type de travailleur, ne pouvant se fier à la stabilité d’un emploi salarié, les travailleurs autonomes doivent se préparer à des périodes creuses financièrement. La traductrice explique: «Dans notre budget familial, nous avons non seulement un fonds d’urgence (en cas de dépense imprévue), mais aussi une enveloppe dans laquelle nous mettons de l’argent lors des mois plus gras, pour piger dedans lors des mois plus maigres.» Dans le contexte actuel, elle essaie de limiter les grosses dépenses, n’ayant aucune idée de ce qui s’en vient. Ce sont sûrement des salariés que je vois faire la file tous les week-ends à la quincaillerie! Les projets de rénos attendront pour les travailleurs autonomes.
Habitués à l’incertitude, ils sont dans une position privilégiée (psychologiquement, du moins) pour affronter une crise comme la pandémie qu’on connait.
Alexandre avait aussi une marge de crédit pour l’aider pendant la crise, mais il précise que si c’était à refaire, il se doterait d’un bon fonds de prévoyance. Grâce au programme de démarrage, il a pu se permettre une certaine flexibilité par rapport à la facturation et pour «permettre à mes clients de souffler au pire de la crise».
Couples de travailleurs autonomes avec enfants: la totale
Dans les deux cas, leur conjoint et conjointe sont tous deux travailleurs autonomes aussi, et ils ont dû cesser leurs activités. La traductrice explique que «la pandémie a eu des répercussions indirectes: mon mari est lui aussi travailleur autonome, dans le domaine artistique, et tous ses projets de l’année sont tombés à l’eau. Donc pendant les premières semaines du confinement, j’ai travaillé un peu plus d’heures que d’habitude chaque semaine, et lui s’est occupé des enfants un peu plus que d’habitude (nous avons deux jeunes enfants qui ne vont pas à la garderie, ça fait partie de notre conciliation travail-famille ordinaire).» Levons-leur notre chapeau!
«J’avoue que sur ce point-là, le confinement est à mon avantage: d’habitude, je me sens mal quand un client entend un de mes enfants lors d’un appel, alors que ces temps-ci, tout le monde est dans la même situation!»
Pour ceux qui ont dû s’adapter à la nouveauté d’avoir les enfants à la maison en tout temps ou presque, une nouvelle dynamique, épuisante, s’est mise en place. Retrouver la charge habituellement assumée par les garderies ou par l’école, «tout en étant forcé d’être productif est un apprentissage pour moi (et pour plusieurs, on va se le dire)», témoigne Alexandre. Il explique qu’un enfant en garde partagée signifie vivre «intensément un mode papa et un mode travailleur. Je bascule d’un à l’autre full-time quand mon fils n’est pas là.»
Il souligne que tous ont été compréhensifs par rapport à la conciliation travail-famille. Quant à la traductrice, elle a vu sa situation moins fréquente se normaliser soudainement: «J’avoue que sur ce point-là, le confinement est à mon avantage: d’habitude, je me sens mal quand un client entend un de mes enfants lors d’un appel, alors que ces temps-ci, tout le monde est dans la même situation!»
La solidarité, on dit oui!
En constatant les nombreuses opportunités manquées par des commerçants locaux, fabricants et artisans québécois, qu’il compare à «se faire tirer le tapis de sous les pieds alors qu’on est déjà en déséquilibre», Alexandre s’est décidé à leur offrir des conseils simples et concrets. «J’ai donc approché des commerçants que j’adore pour leur offrir mon aide. Pour certains, un échange sur Messenger avec des recommandations a été suffisant alors que pour d’autres j’ai poussé l’analyse plus loin et j’ai offert du coaching gratuit à raison de quelques heures par semaine.» Il les a donc soutenus dans leur «virage numérique».
D’autres professionnels du web ont fait de même dans les derniers mois (même si parallèlement, d’autres encore ont perdu leur emploi), et on ne peut que saluer leurs initiatives. Leur expertise est plus que nécessaire par les temps qui courent!