.jpg)
Et si je ne voulais pas prendre ma retraite?
Je fais partie de la génération qui s’est un peu faite peer pressure d’acheter des REER. Sans blague, j’ai le souvenir d’au moins 3 humains qui m’ont crié après en apprenant qu’à 32 ans, je n’en avais pas. Aujourd’hui, j’ai 33 ans et je vais être honnête, j’en ai fait l’acquisition avec le fort sentiment de limiter les possibilités de conflit durant le réveillon.
Est-ce que c’est ça, un problème de trentenaire? Répondez dans les commentaires.
En gros, je suis quelqu’un de plutôt économe, mais j’ai un petit problème avec l’idée d’investir dans un outil spécifiquement fait pour la retraite alors que pour être honnête, je n’ai vraiment pas l’intention d’en prendre une. On me confirme aussi à l’oreille que je ne suis pas le seul dans le bateau des gens qui prévoient travailler jusqu’à la tombe ou qui pensent assister à la fin du monde. On est un bon groupe à ne pas avoir l’intention d’arrêter de travailler.
Et vous savez quoi? En ce qui me concerne, ce n’est pas une mauvaise nouvelle!
C’est même une superbe vie dans laquelle je me projette. Mais mon plan suscite des questions. Voici les plus fréquentes.
« Pourquoi ne prendrais-tu pas ta retraite? »
Premièrement, parce que ce n’est plus autant un choix que ça l’était. Je pense qu’on a assisté à deux ou trois révolutions économiques depuis l’apparition de l’idée que toute carrière se termine avec une retraite dorée.
J’en profite d’ailleurs pour mentionner que la retraite fait partie d’une vision de la vie professionnelle très… carriériste. Je n’ai pas ça moi, une carrière.
Je vous rassure, ma vie professionnelle va très bien, mais je change souvent d’emploi. J’en ai aussi souvent plusieurs en même temps.
L’idée de la retraite, dans la forme qu’on la connaît, vient beaucoup de l’ancienne norme qui consiste à travailler 20, 30 ou 40 ans comme salarié au sein de la même compagnie. Grand bien vous en fasse, mais ma gang et moi, ça ne nous intéresse pas beaucoup.
On change volontairement d’emploi pour changer de routine et ainsi ajouter des chapitres à l’histoire de nos vies professionnelles.
J’aime beaucoup changer d’emploi plus ou moins à chaque 5 ans et à chaque fois, mon CV prend de la valeur et m’emmène vers d’encore plus beaux horizons. En ce moment, je trippe ma vie parce que depuis que j’ai intégré la trentaine (meilleure décennie en passant, mais ce sujet est pour un autre article), chacun de mes emplois précédents m’ouvre de nouvelles portes plus efficacement que si j’avais gardé la même job depuis 15 ans.
Je ne sais pas à quoi mes perspectives vont ressembler quand j’aurai 55 ans, mais j’ai hâte de voir!
« Tu veux vraiment travailler toute ta vie? »
Absolument, mais ça se peut que ce ne soit pas le cas pour tout le monde. On a tous quelque chose dans nos vies qui nous aide à avoir l’impression de la réussir.
Certains carburent à aider leur prochain, d’autres aiment voyager, il y en a qui vivent pour être en amour, beaucoup de gens organisent leur vie autour du projet familial et j’ai rencontré plusieurs personnes qui travaillent avec la seule intention d’un jour posséder une propriété. Absolument toutes les motivations sont valides.
J’ai un grand respect pour la dernière catégorie parce que l’objectif est clair et une fois atteint, le bonheur et l’accomplissement qui est ressenti font plaisir à voir!
En ce qui me concerne, je me définis par mes accomplissements. Je suis un humain de projets.
Je sais que quand j’ai trop de projets, je me brûle rapidement, mais si je n’en ai pas, c’est la dépression assurée.
J’ai appris à marcher sur cette ligne afin de toujours avoir un nombre adéquat de projets sur ma table : c’est en équilibre entre être vedge et être en burnout que j’ai trouvé mon bonheur.
C’est précieux et c’est rare les moments de pur bonheur. J’ai la chance incroyable d’avoir assez fait de thérapie pour comprendre un peu comment mon bonheur fonctionne. Il carbure entre autres au travail.
C’est donc un non pour la retraite parce que dans l’état actuel des choses, mettre fin à ma vie professionnelle, c’est tourner le dos à « Vincent heureux ».
« Ça va être difficile de travailler quand tu seras vieux, non? »
Je vais commencer par dire que je m’attends à des difficultés parce qu’on a un gros problème d’âgisme au Québec, mais je vais aussi répondre avec une citation d’un bon ami humoriste.
« Pourquoi se faire chier pendant les 40 plus belles années de sa vie pour être un peu plus riche durant les 15 où tu es le moins autonome? »
Je pense qu’on a normalisé pendant très longtemps l’idée de détester son emploi.
Je suis pleinement conscient de mes privilèges d’humain ayant l’air d’un monsieur blanc, hétéro, sans enfant ou personne à sa charge, mais il reste que j’ai assez de champs d’intérêt pour choisir mes emplois de façon à ce que le quotidien m’apporte du bonheur. C’est très compliqué de faire un plan pour mettre fin à ce qui me rend quotidiennement heureux.
J’ai la conviction que de 25 à 65 ans sont les plus belles années d’une vie. Je m’imagine donc très mal les vivre à moitié en me disant qu’une fois à la retraite, ça aura valu la peine de faire trois burnouts et de pleurer dans les toilettes d’un bureau que je déteste.
« Okay, mais tu ne voudrais pas… je sais pas… profiter de la vie? »
Non, parce que je ne travaille pas à un rythme que je considère épuisant. J’ai possiblement très tort, mais j’ai l’impression de prendre un peu ma retraite en prenant mes vacances et en ne regardant pas mes courriels de job après 17h. C’est tout.
Si je devais nommer un seul avantage à la pénurie de main-d’œuvre actuelle, c’est qu’on a pour la plupart arrêté de travailler en équipe avec la peur d’être sur un siège éjectable. Ce n’est pas encore parfait, mais après la petite crisette que les multimillionnaires de ce monde ont faite en entendant parler du quiet quitting (l’idée de ne pas en faire plus que ce pour quoi on nous paye), j’ai l’impression que beaucoup de travailleurs se sont mis à se respecter un peu plus. C’est mon cas.
Beaucoup d’entre nous ne voient plus la retraite comme une oasis à la fin du long périple dans le désert qu’est notre carrière. En ce qui me concerne, je ne vois même plus mes vacances comme un moment où je peux enfin respirer.
Je travaille toute l’année fort, mais pas trop, je respecte mon temps libre et je n’accepte plus la pression d’un employeur, car comme beaucoup d’entre nous, je sais que j’ai plus d’options qu’avant et qu’il sait que je le sais.
C’est plate à dire, mais de ne pas s’épuiser enlève beaucoup à la nécessité de prendre une retraite.